Qu’il est doux pour un jardinier de rêver d’une minuscule semence qui, un jour, deviendra un arbre séculaire. Qu’il est bon de métamorphoser un coin sinistré en un petit paradis sur terre. Celui qui a eu la chance de visiter outre-Manche le jardin mythique de Beth Chatto ne nous contredira pas. Le challenge était de taille lorsqu’elle a décidé de transformer l’ancien parking de sa pépinière en un merveilleux jardin de graviers. Et dire que depuis il attire son lot de visiteurs dans un pays où le gazon est roi. Place donc aux jolies idées qui viendront égayer l’un ou l’autre lieu triste et délaissé tel un couloir ingrat, une haie dictatoriale, une pente incontrôlable ou un pylône disgracieux.
Jardin de gravier de la pépinière de Beth Chatto sur ancien parking
Le couloir ingrat
Que faire d’un jardin « tuyau » clos entre de hauts murs ou d’un couloir le long du pignon de la façade de la maison ? Bourrés de défauts, sans le moindre attrait, ils sont décidément trop étroits, trop petits, trop longs, trop sombres… Inutile de se décourager. Des solutions séduisantes existent pour rompre la monotonie du lieu, briser l’effet de corridor, éviter la sensation d’enfermement. Comment ? En divisant l’espace en petites chambres de verdure pour augmenter la surprise, en décalant l’axe principal pour ne pas apercevoir d’emblée le fond, en gommant les limites par l’habillage des murs avec des plantes grimpantes ou en exploitant tous les niveaux possibles du jardin. Ou encore en tirant parti du voisinage et en annexant les éléments mitoyens intéressants pour créer une unité. Le mouchoir de poche paraîtra alors beaucoup plus spacieux. En d’autres mots, en modifiant la perception réelle des dimensions de l’espace.
De Wiedenhof
St Jean de Beauregard
Pour les plantes, outre les grimpantes, choisissez celles qui ont un port vertical dans le but de tirer le regard vers le ciel, elles prendront moins de place que celles au port étalé. Étagez ou dégradez les plantations avec des arbustes sur tige ou des bacs surélevés, – surtout si la terre est mauvaise – et jouez avec les volumes pour donner une illusion de profondeur. Ne lésinez pas sur la quantité. Une profusion de végétaux plantés serrés, donne l’impression d’opulence et de débordement sur l’extérieur. Attention à la pelouse qui risque d’être abîmée par le piétinement, ajoutez-y des pas japonais ou comme Beth Chatto, remplacez-la par du gravier.
Jardin de Hemsley
Jardin de Wollerton
La dictature de la haie
En dessous d’elle, la terre est maudite. L’eau y est pompée par les racines, l’ombre y est dense. Ceci dit, il y a plusieurs bonnes raisons de vouloir planter le pied des haies. Empêcher la prolifération des mauvaises herbes, masquer la base dégarnie des arbustes, adoucir leur silhouette un peu rigide ou tout simplement apporter de la couleur et de la vie. En dessous des thuyas et autres Leylandii placés en rang d’oignons, cela nécessite, on le convient, une sacrée dose d’optimisme.
C’est sans compter quelques petits couvre-sol bons pour tout, comme les euphorbes « petit cyprès », Euphorbia cyparissias ou les géraniums vivaces, Geranium macrorrhizum. Leur feuillage d’une hauteur de 40 cm est persistant, leurs fleurs sont jaunes entre avril et juillet pour les premiers et roses entre mai et juillet pour les seconds. A l’automne, ils restent attrayants : le feuillage des euphorbes vire au jaune, celui des géraniums au rouge. A côté de ces valeurs sûres, Il y a aussi les petits cyclamens, Cyclamen hederifolium, aux feuilles marginées de blanc, qui offrent des clochettes roses de la fin de l’été jusqu’au creux de l’hiver. Sans oublier le roi des vagabonds, le lamier, Lamium galeobdolon, surnommé l’ortie jaune, pour les situations les plus désespérées ou d’autres aventuriers comme le lierre ou la pervenche toujours aussi frugale qu’elle soit en mode minor ou major.
Geranium macrorrhizum au pied d’une haie
La pente incontrôlable
Rien de plus cauchemardesque qu’un talus ou un jardin pentu où on est contraint de biner telle une petite bique… Un jardin en pente peut pourtant devenir un atout à qui sait le maitriser. Dans ce cas de figure, il est assez facile de partager l’espace, de le rendre plus vaste, plus varié et plus original, d’imaginer des décrochements qui captent le regard. Le dénivelé dans un jardin apporte en fait beaucoup plus de possibilités d’aménagement et de plantation qu’un terrain plat assez ennuyeux et monotone dont on voit trop vite les limites.

Jardin d’Hestercombe
Avant toute chose, il est utile de modeler le terrain en créant différents niveaux, – les alternances de plans verticaux et horizontaux amènent d’étonnants jeux de lumière -, ou au contraire en privilégiant des talus pentus plantés en masse. Les terrasses sont retenues par des murets de pierre à l’image des restanques méditerranéennes, des plessis de noisetier ou châtaignier, les talus sont végétalisés avec des plantes couvre-sol à l’enracinement solide afin de retenir les terres. Les escaliers donnent du caractère à la composition. Ils étaient la pièce maîtresse des jardins de la renaissance italienne. Non seulement, ils reliaient les différents étages mais ils ajoutaient une touche théâtrale à l’ensemble.
Jardin de Jackson’s Wold
Le pylône disgracieux
Avec des décors bien choisis, il est facile de détourner l’attention de certains désagréments visuels tels que vieux garage en tôle ondulée, pylône disgracieux ou vilaine cheminée. Avec un brin d’imagination et d’ingéniosité, ils deviennent des points d’attraction d’où le regard rebondit vers d’autres surprises. La mise en scène créant l’illusion, ce principe est valable dans n’importe quel type de jardin, sur n’importe quel balcon, à l’ombre comme sous le soleil.
Mise en scène qui attire le regard à la pépinière De Boschoeve
A chacun de réinventer son jardin sans nécessairement vider le portefeuille. Une pergola, une tonnelle, une arcade, un claustra, un banc, un petit bassin, une fontaine, un miroir ou une jardinière, tout est bon pour canaliser l’attention sans qu’elle se perde aux alentours inintéressants. En bois, en métal, en pierre, ils deviennent un point focal et un prétexte à plantation. Le choix des plantes est infini. Clématites, glycines, rosiers, chèvrefeuilles et j’en passe. A noter aussi qu’un végétal taillé en topiaire, – boule, cône, colonne, nounours et tutti quanti -, est également une belle idée. Vous l’aurez compris, avec pas grand-chose, l’atmosphère du lieu peut être radicalement changée. Et pour joindre l’utile à l’agréable, c’est aussi une manière de se protéger du vent, du bruit ou des curieux.
Jardin De Wierse
Jardin de Valérianes Jardin de Valérianes
Jardin de Holker hall