Rappelez-vous « Le peuple de l’herbe » appelé aussi Microcosmos, un film tourné en France il y a quinze ans déjà qui nous faisait découvrir l’univers des insectes. Quelques années plus tard « Guerre et paix dans le potager », un autre bijou cinématographique. Il nous donnait rendez-vous avec la jungle miniature peuplée de milliers d’animaux minuscules et de quelques géants, les jardiniers. Tout y était question d’équilibre. Une grande vertu de la nature.


Variété et santé
Rêvez-vous d’un jardin naturel non aseptisé ? D’harmonie entre les animaux qui y trouvent gîte et couvert ? Où les populations de bêtes nuisibles ne sont pas réduites à néant mais maintenues à un niveau admissible ? Et le tout sans chimie ? Alors il est indispensable de rétablir la chaîne alimentaire ou chaque maillon a son rôle à jouer. L’«utile» comme le «nuisible». Nuisible pour qui, pourquoi ? Parce que vilain, méprisé ou simplement méconnu ? Il est vrai que certains animaux sont efficaces alors que d’autres se révèlent plutôt gênants voire même responsables de dégâts divers. Cependant certains nuisibles peuvent rendre quelques services en échange de leurs menus larcins. Ils ont une raison d’être au jardin et font partie de cette chaîne du vivant qui permet aux « utiles » de prospérer. Chacun a sa place. En définitive tous des alliés du jardinier. Des « auxiliaires » de culture. La piéride par exemple n’est pas qu’une simple chenille dévoreuse de choux, elle est aussi un élégant papillon virevoltant en été. Quant aux oiseaux, ils auront besoin d’insectes pour se nourrir et les coccinelles, quelques pucerons à se mettre sous la dent. Et ainsi va la vie. Plus la variété de la faune est grande, plus le jardin sera en bonne santé. En diversifiant les végétaux et les habitats qui ont la faculté de l’héberger mais aussi en abandonnant les techniques de jardinage trop … radicales.
Pyrale du buis
Peur de la bête noire
Ciel une araignée ! Pourtant pas si abominable que ça cette mignonne qui chasse vaillamment avec ou sans toile, ses consœurs, les insectes et les chenilles. Loin de nous le cliché de la guêpe obstinée capable de torpiller n’importe quel repas champêtre… il anéantit nos velléités d’entomologistes. Un jardin sans insectes est misérablement un jardin sans fleurs et sans fruits. En butinant, ils transportent le pollen et assurent la fécondation. Donc la fleur, le fruit, la graine et la reproduction. Sans pollinisateurs, abeilles, bourdons, guêpes, syrphes et papillons, pas de pommes ni de poires au verger, pas de graines à ressemer. Pas d’avenir. Sans eux, tous nos efforts seraient vains. Le désert à nos portes. Mieux vaut donc encourager toute forme de vie même si la bobine de l’individu ne vous revient pas et que vous devez faire preuve de beaucoup de charité pour l’héberger. Encouragez, sauvegardez le « beau », le « laid », l’utile et le nuisible. La nature, fine mouche, fera le tri ! En cas d’invasion, elle réagira si vous lui en laissez le temps. Il n’y a pas que les charmantes coccinelles. Jetez un autre regard sur toutes les créatures du bon Dieu, sans aucun délit de « sale gueule ». ..
Carabe, syrphe et Cie
Peu de gens connaissent le carabe et pourtant son rôle est essentiel au jardin. Derrière un parfait inconnu se cache un précieux ami, grand prédateur de limaces et de pucerons. L’un d’eux, communément appelé « jardinière », – cela ne s’invente pas -, ou « sergent » à cause de son magnifique « vêtement » vert doré, chasse inlassablement mollusques, chenilles et insectes. L’appétit de la larve n’a du reste rien à envier à celui de son géniteur. Attention à l’utilisation des insecticides et herbicides qui le font passer de vie à trépas ainsi qu’aux motobineuses qui le hachent menu. Aménagez votre jardin pour qu’il y trouve un refuge. Haies composites, petits tas de bûches, herbes sauvages, il adore.
Le perce-oreille ou plus scientifiquement le forficule a la mauvaise réputation d’abîmer non seulement le cœur des salades mais aussi les boutons et pétales des dahlias. Rien de très grave en soi quand on sait qu’il engloutit à lui seul, chenilles, mouches, petits escargots et pucerons. Quant à la fourmi, le bilan est de prime abord négatif si l’on s’arrête au fait qu’elle élève une colonie de pucerons pour leur miellat nourricier. Mais sachez que vorace, elle élimine aussi tout insecte bon ou mauvais passant par là. En plus, à son rythme, elle aère le sol, brise les mottes et produit de l’humus.
Les syrphes sont avec les coccinelles les principaux ennemis des pucerons. On pourrait les confondre avec une petite guêpe. Leur vol est caractéristique, fait de brusques déplacements latéraux et de vols stationnaires. Les chrysopes s’attaquent à de nombreuses espèces dont les pucerons et les cochenilles. Ils sont moins fréquents dans nos jardins. Ils portent des ailes vert pâle et de longues antennes. Leurs larves sont très voraces. Tous ces insectes utiles passent souvent inaperçus et sont très sensibles aux traitements chimiques. La plupart d’entre eux vivent à l’âge adulte sur des plantes à fleurs. L’environnement constitue donc un des facteurs essentiels à leur survie. Aménagez-le en conséquence. Avec des plantes mellifères, accueillantes. Laissez-les s’installer et ils feront leur travail si vous leur en laissez le temps.
Sous terre
Que se passe t-il sous terre ? Le royaume des vers de terre, les lombrics. En creusant des galeries, ils favorisent la circulation de l’air et de l’eau. Ils remontent à la surface pour attraper et grignoter quelques feuilles, herbes et brindilles. Puis ils redescendent dans les profondeurs jusqu’à 3m. Ils tiennent compagnie aux vers gris – des chenilles de diverses noctuelles qui vivent juste en-dessous de la surface du sol -, aux limaces ainsi qu’aux taupes et campagnols. Ils sont aussi le régal des oiseaux, les merles en premier lieu. Attention donc au bêchage intempestif du sol qui détruit une partie de la faune. Pitié pour les précieux vers de terre. Mais bienvenue au mulching, cette litière végétale qui maintient l’humidité et empêche la venue des mauvaises herbes.
Durant la nuit
Différents bêtes sont actives à la tombée de la nuit. Quand le jardinier dort et se repose. L’otiorrhynque par exemple est un coléoptère qui poinçonne les feuilles de certaines plantes alors que la scolopendre s’attaque aux larves d’insectes et aux limaces. Le cloporte n’est pas bien méchant. Il se nourrit de bribes de végétaux en décomposition et au contraire de ce que l’on dit parfois, ne s’attaque jamais aux racines des plantes. Quelques papillons de nuit ainsi que la redoutable gent des gastéropodes, limaces et escargots sortent tour à tour. Au rayon des mammifères, c’est l’heure des hérissons, chauves-souris et mulots.
Habitats
Multiplier les lieux d’hébergement de la petite faune n’est pas si compliqué. Chacun peut y arriver dans son jardin. La diversité des milieux, secs, humides ou rocailleux entraine la diversité des refuges. Le bois mort par exemple est une formidable aubaine pour les insectes. Les premiers à en profiter seront les coléoptères comme les scolytes. Les pics se nourriront à leur tour de leurs larves et poinçonneront le tronc des arbres dont les trous serviront d’abris aux abeilles et guêpes solitaires, grandes pollinisatrices et avaleuses de pucerons. Dans l’écorce, les perce-oreilles se réfugieront. Un tas de bois dans un coin et voilà aussi les hérissons et araignées à la fête.
Pensez à installer un point d’eau. Une mare ou tout simplement une flaque d’eau. Vite, libellules et demoiselles viendront la visiter. Tritons et batraciens s’établiront et grenouilles et crapauds s’y reproduiront. Aimant s’endormir l’hiver sous une tuile ou une dalle de pierre, ils se nourriront de larves d’insectes, de mouches, de limaces, chenilles et vers de terre. Dans la haie, les oiseaux trouveront refuge pour y nicher et se nourrir. Mais également les musaraignes, belettes et écureuils. Evitez donc de les tailler aux époques de nidification. Quant à la prairie, c’est l’univers où abondent sauterelles, araignées et campagnols des champs. Laissez une petite chance à quelques herbes dites mauvaises, orties et ombellifères, qui ne vous gênent pas vraiment. Elles abriteront les chenilles des papillons qui se nourrissent de leurs feuilles.

Et maintenant, il ne vous restera plus qu’à inspecter régulièrement votre jardin et observer avec bienveillance cette vie sauvage de plus en plus présente.
A lire
Le guide des bêtes qui nous embêtent de M. Chinery, Editions Delachaux et Nietslé 2011, ISBN 978-2-603-01750-0
Les insectes pour un jardin écolologique de Ch. Lorgnier du Mesnil, Editions De Vecchi 2011, ISBN 978-2732896007