Ils vous le rendront bien. Outre leurs chants et leurs vols, ils se révèlent parmi les plus fidèles auxiliaires du jardinier. Toujours à l’affût des insectes eux-mêmes attirés par les fleurs parfumées et mellifères. Au menu, pucerons, chenilles, acariens et autres nuisibles. En dorlotant la gent ailée, vous protègerez les espèces en voie de disparition comme le moineau domestique, l’hirondelle ou la mésange nonette…et vous rétablirez l’équilibre écologique de votre jardin parfois bien malmené. Le jardinier a indiscutablement un véritable pouvoir sur son environnement. Et puis, donner un asile douillet à ceux qui viennent de loin ajoute une dimension internationale sinon planétaire.
Bien choisir
Plus de 200 espèces d’oiseaux se délectent de fruits dès la fin de l’été et en automne. Ils constituent leur provende avant le grand départ ou simplement avant l’hiver. Ils repèrent le grand classique, le sorbier des oiseleurs, Sorbus aucuparia, couvert de petites baies orange. Autrefois planté par les chasseurs pour allécher les grives, aujourd’hui, les ornithologues ont recensé une soixantaine d’espèces d’oiseaux se régalant des sorbes. Le jardinier l’apprécie car il pousse dans n’importe quel sol, prend peu de place, a un feuillage élégant et fin aux teintes cuivrées en automne. L’aubépine, Crataegus laevigata, tient aussi une belle place dans le palmarès « oiseaux admis ». Petit arbre également très estimé du propriétaire d’un jardin de taille moyenne. En mai, couvert de fleurs blanches et dès juillet, de menus fruits coriaces et rouges qui persistent longtemps. Les oiseaux les préfèrent lorsque à la fin de l’automne, ils sont ramollis. Attention aux aiguillons qui transpercent les mains du tailleur de haies mais que grives et merles recherchent pour y nicher à l’abri d’éventuels prédateurs. Le pommier d’ornement hybride, Malus, n’est pas en reste. Créé pour servir de pollinisateur au verger, il devient incontournable au jardin d’ornement tant il est pourvu de qualités. Arbre de faible développement, à la floraison aussi belle qu’un pommier domestique et aux minuscules pommes style cerise, variant du jaune au rouge vif en passant par l’orange. Quelques-uns gardent leurs fruits jusqu’à Noël ou même jusqu’au printemps suivant quand les feuilles pointent sur les branches. Notamment ‘Evereste’ aux fruits orange et ‘Crittenden’ aux fruits bien rouges. L’aulne, Alnus glutinosa, présente des petits cônes arrondis, véritables gourmandises de choix. Bourrés de graines, ils attirent bien évidemment le tarin des aulnes mais aussi chardonnerets et sizerins. Le noisetier, Corylus avellana, au feuillage dense, idéal pour la nidification, est convoité non seulement par les écureuils mais aussi par les sitelles. Quant au cerisier, à ne planter que pour les grives, étourneaux et merles qui ne partagent guère avec le jardinier…
Crataegus Malus
Arbustes et vivaces
Le sureau noir, Sambucus nigra, est champion toutes catégories. Avec ses baies violettes presque noires, légèrement sucrées, il attire en été à la fois oiseaux insectivores et frugivores. Viennent ensuite, les groseilliers et framboisiers, les églantiers, cornouillers sanguins et mâles, les viornes, fusains d’Europe et prunelliers… Une mention pour la viorne obier, Viburnum opulus, aux fleurs simples. Les baies très décoratives ressemblent à des groseilles et persistent parfois jusqu’aux gelées. Pour les oiseaux et les insectes, évitez les formes aux fleurs doubles sans nectar, peu fructifères voire stériles.
Viburnum opulus
Dans le monde des fleurs, le tournesol, Helianthus annuus s’impose. Ses immenses soleils aux pétales jaunes, cuivre ou bruns et au grand cœur brun-vert sont très riches en nectar et en pollen. Les graines le sont en huile. En pratique, on laisse les plantes mûres sur place mais si le nettoyage vous démange, vous les couperez en gardant les têtes entières alors distribuées tout au long de l’hiver. Pareil pour les échinacées, Echinacea purpurea visitées par de nombreux insectes affriolant les oiseaux qui reviendront plus tard grignoter les graines. Aussi pour le coquelicot, Papaver rhoeas, admiré le long des routes et des champs, aux fleurs rouges, rondes et soyeuses. Et comment ne pas évoquer le cabaret des oiseaux, la cardère, Dispacus fullonum, qui retient miraculeusement l’eau de pluie dans ses larges feuilles opposées et soudées. Un tantinet sauvage sans être envahissante. Quant à l’eulalie ou Miscanthus, une graminée dont chacun reconnait l’élégance, elle cache les nids sous son haut feuillage et offre ses graines à certains oiseaux de milieu aquatique.
Helianthus Cabaret des oiseaux Dispacus
Non au béton vert
Tous les thuyas, cyprès et autres leylandii, plantés en haie monotone et triste laissent les oiseaux insensibles. Le désert. Pas tentés d’y nicher ni d’y chercher bombance sauf peut-être dans quelques épicéas. Leurs cônes retombants, garnis de graines, intéressent en effet divers pics alors que les petits oiseaux s’y cachent pour construire leur nid.
Oui aux haies bocagères, appelées aussi champêtres ou mélangées. Devenues un précieux écosystème favorisant la biodiversité et freinant la crise du logement de la faune. Une septantaine d’espèces y nichent. Ultime refuge à une époque où urbanisation et cultures intensives sont dominantes. Chaque étage de la haie intéresse des familles d’oiseaux différentes. Le rouge-gorge au ras du sol, les merles et grives à mi hauteur, les mésanges toujours plus haut et les geais, à la cime des grands arbres. Dans ce type de haies, les plantes sont taillées ou laissées en forme libre et parfois rabattues lorsqu’elles sont trop grandes ou dégarnies de la base. On y mêle des feuillages caducs et persistants tels houx, ifs, escallonias, lierre et lauriers-tins utiles à la nidification. A la plantation, on compte en général un persistant pour 3 caducs. Quant au choix des végétaux, la priorité est donnée à ceux qui offrent nectar et fruits. Le garde-manger. On y mélange les hauteurs en associant arbres, arbustes et plantes grimpantes et on veille à échelonner les floraisons. En fonction de la longueur à pourvoir, il est judicieux de mélanger 3 à 6 espèces et de les planter par groupes de 3,4 ou 5 pieds par espèce.
Haie mélangée
Une autre manière de relooker les contours du jardin.
Sus au grand nettoyage
D’aucuns prétendront que vous êtes gentiment écolo, négligent ou pire, paresseux et désordonné. Refuser de « faire propre »… pas très cartésien pour un esprit aseptisé. Les oiseaux en tous cas, ne vous en tiendront pas rigueur. Ils vous remercieront. Ne coupez pas trop vite ce qui a fleuri, les tiges desséchées protègent la souche du froid et des intempéries et retiennent les feuilles à leur pied. Laissez aussi monter quelques plantes en graines. La gent à plumes s’en donnera à cœur joie. Profitez du spectacle du givre que les aficionados du jardin briqué ne devineront même pas. Leur univers est décidément stérile et hostile. Dans un petit coin sauvage, un peu à l’écart si vous avez encore un reste de scrupules, abandonnez quelques orties, plantains, trèfle blanc ou séneçon. Un tas de branchages par-ci, quelques herbes folles par-là, un fagot de tiges creuses et pourquoi pas une mare, une zone humide ou un peu d’eau dans une vieille bassine. Au verger, si vous aimez ramasser les fruits tombés parce qu’ils font tache, faites des petits tas bien visibles des oiseaux. Ils viendront festoyer.
La morale de l’histoire ? Plutôt que de bétonner votre jardin, faites-en un refuge nourricier !