Gilles Clément philosophe en son jardin planétaire

Acteur incontournable de l’écologie dans sa globalité, il ne laisse personne indifférent. Dans le cadre d’une certaine pédagogie du paysage, il réalise des jardins, écrit des ouvrages pertinents et partage ses idées lors de conférences.
Cité Modèle ©JNC International

Gilles Clément, jardinier, paysagiste, entomologiste, ingénieur agronome, botaniste et professeur à l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, fait partie avec Pascal Cribier, Patrick Blanc ou Louis Benech … de cette génération de paysagistes français qui ont émergé dans les années 80. Militant avant l’heure pour la protection de la planète et le respect de la Nature avec un grand N, il est non seulement l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages mais aussi de nombreuses réalisations jardinières, notamment le domaine du Rayol au bord de la Méditerranée, le parc André Citroën et le jardin du musée des Arts Premiers à Paris, le parc Henri Matisse à Lille ou les jardins de l’abbaye de Valloires dans la Somme. Aussi à La Réunion, Lausanne, en Algérie, au Chili ou chez nous à Laeken … sans oublier, last but not least, son propre jardin, terrain d’expérimentation acheté en 1977, dans la Creuse près de Limoges.

Jardin en mouvement, jardin planétaire

Là-bas, dans son « jardin en mouvement », véritable laboratoire, il observe les ressources du monde végétal, les interactions et synergies entre les plantes, les animaux même lilliputiens et les hommes. Chez lui, pas de béton vert ni de carpette engazonnée, plutôt un jardin vivant avec des îles d’herbes hautes et des zones d’habitats naturels où la chimie et les machines bruyantes n’ont pas droit de cité. Un lieu, que certains pourraient qualifier de sauvage, partagé entre la faune, la flore et le jardinier. En tous cas, un havre où la nature garde le rôle principal alors que le jardinier suit le mouvement sur le terrain, observe et tente de comprendre avant de travailler le vivant, avant d’agir sans réfléchir. C’est l’éloge des vagabondes, – le titre de l’un de ses livres -, un mode de gestion qui change tout le temps, une cocréation avec le génie naturel performant des plantes et des animaux. C’est aussi tout simplement, la sagesse du jardinier.

De là, vient l’idée que tout territoire à l’abandon nommé Tiers paysage, – remblais, bords des routes, voies de chemin de fer, terrains vagues, friches industrielles -, se doit d’accueillir l’ensemble des espèces laissées pour compte. Après la végétalisation et la sauvegarde du Tiers paysage, c’est pour Gilles Clément, au tour de la planète entière à devenir jardin. D’où le concept de jardin planétaire. Inutile d’ériger des frontières ou des murs immenses pour empêcher les plantes et les animaux de voyager d’un jardin à l’autre, d’une planète à l’autre. Inutile aussi d’empêcher les nuages de transporter au gré du vent, les graines, poussières et semences.

La cité modèle

En 2006, cela se passe près de chez nous. A Laeken au pied de la Cité Modèle, le long de l’avenue de l’Arbre Ballon, apparait le premier « jardin en mouvement » de notre pays. Réalisé en collaboration avec les paysagistes et urbanistes du bureau JNC, Jean Noël Capart, Gilles Clément imagine dans l’axe principal du bâtiment, un fabuleux « escalier jardin » sur un talus de gazon assez raide, ponctué de quelques arbres et arbustes. Le but de l’entreprise est d’adoucir un ensemble moderniste des plus sévères, de l’intégrer dans le paysage et d’améliorer le cadre de vie des habitants notamment en le rendant accessible aux personnes à mobilité réduite. Des chemins sinueux invitent à la promenade et des petites places sont créées pour se reposer, le tout, sans grilles ni clôtures, tel un véritable jardin au cœur de la ville.

Accompagnant des boules de buis, des îlots de végétation presque sauvage, des fleurs des champs, des vagues de graminées ondulant avec le vent, apparaissent dans les fissures de l’escalier. Là où on ne l’attend pas, Gilles Clément tente à nouveau de réconcilier l’homme avec la nature, de reconquérir la ville et de réinventer le paysage, aussi petit soit-il.

Le grand B.A.L

Dans ce roman, Gilles Clément nous emmène dans un récit de science-fiction où la planète est de plus en plus malmenée. Vers un futur peu heureux dans lequel l’homme continue, sans crier gare, à exploiter la nature. Comme à son habitude, l’auteur nous fait part de ses observations, se révolte et nous pousse à la réflexion. Avec un peu d’humour et beaucoup de dérision. A découvrir.

Le grand B.A.L, Gilles Clément, Actes Sud 2018, ISBN978-2-330-10433-7

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