Evergreen
C’est avant tout la structure du jardin qui les intéresse. Les volumes, les courbes douces, les droites horizontales et verticales, l’équilibre de l’espace. Les plantes evergreen y contribuent et forment l’ossature de leurs compositions. Elles deviennent bien visibles pendant la morne saison. Le vert est la règle. Buis, if, houx ont la cote. Souvent taillés au cordeau pour insuffler le rythme. Ils sont secondés par les plantes à feuillage marcescent comme le charme et le hêtre. Des graminées assurent légèreté et grâce et d’autres végétaux viennent ensuite compléter l’ensemble.
Le souci du détail

Dans leurs bureaux d’Itterbeek, rien n’est laissé au hasard. Les Devallée se définissent comme ensemblier du vert. Tout ce qui peut mettre le végétal en valeur retient leur attention. Amateurs de pierre bleue belge, ils l’utilisent sans relâche sous toutes ses formes. Meulée, bouchardée, ciselée, flammée, en croûte. Elle convient aux pavages, escaliers, murs, tables, bassins ou fontaines. Sa couleur variant du gris clair au noir suivant la finition choisie se marie admirablement bien avec les plantes. Le bois, autre matériau noble, a également une place de choix dans leurs compositions. Surtout l’ipé, essence exotique fiable qui bouge moins que le bangkirai. Ils ont réalisé une immense terrasse de 1500m² en ipé pour le Musée des Beaux-arts de Mons. Le verre est à l’honneur. Glass designers notamment pour le verrier Saint-Gobain, ils créent sculptures, vitraux et fontaines qui prendront place dans des écrins de verdure. Ils travaillent le métal. Qu’il s’agisse de colonnes auxquelles les plantes grimpantes s’agrippent ou au ras du sol de bordures bien nettes qui séparent le chemin du parterre. Fines, deux à trois millimètres d’épaisseur, elles suivent les courbes sans soucis. L’inox est à leurs yeux le plus beau des matériaux. Enfin, ils accordent une attention très spéciale à l’éclairage. Il s’agit presque d’un métier à part entière. La touche finale pour un peu de magie, un jardin d’atmosphère.
Chaque détail revêt son importance. Il demande compétence et savoir-faire. Que ce soit la pose d’une œuvre d’art ou l’installation d’un portillon, d’une clôture, de mobilier ou même la réalisation d’un pied de parasol. Du « cousu main ».
Clinique Saint-Jean à Bruxelles


Réalisé en 2002, le jardin du patio de l’extension de la clinique Saint-Jean à Bruxelles est une expérience peu commune. Il est conçu non pas pour occuper l’espace intérieur du bâtiment mais plutôt pour l’agrandir. Clos en apparence par des fenêtres, il s’ouvre aux rêves des visiteurs et du personnel. Les Devallée l’appellent le jardin de l’Imaginaire. Ils y mettent en scène lumière, parfums et murmures. Une sensation d’ailleurs. De la sérénité. Le ton vert apaisant est omniprésent. Buis et if, houx et aucuba et aussi de grands camélias qui attirent le regard lorsqu’on pénètre dans le hall d’entrée. Au sol, un tapis de Pachysandra terminalis et de Vinca minor. Des colonnes en inox garnies de rosiers culminent à 6m. Elles soutiennent le ciel ou en tous cas le relient à la terre. Elles font écho aux verticales des charmes fastigiés. Deux axes se dévoilent. Le premier vers un banc et le deuxième rythmé par des cubes, des sphères et les colonnes. Quelques arbres ponctuent le jardin : Liquidambar, Amélanchier, Cercis siliquastrum et Clerodendrum trichotomum. Un grand bassin parsemé d’îlots éveille l’espace. Les oiseaux s’y invitent et viennent s’y reposer. Les façades et le béton s’y mirent. Des longs miroirs installés ça et là jouent avec la lumière. Le gravier fait le lien. Quant à la pierre bleue, elle est omniprésente. Pas japonais, blocs, bordure de bacs surélevés accueillant arbres et arbustes. En tournant autour de la composition ou mieux en montant aux étages, la vue d’ensemble se révèle. Ce jardin est véritablement conçu pour être contemplé d’en haut, de la passerelle et des chambres. On distingue alors le tracé des courbes, les couleurs, les différentes plateformes, le miroir d’eau.
Ce jardin fait référence à l’œuvre de Roberto Burle Marx. Les Devallée ont découvert son travail in situ notamment à Brasilia. Ils ont tout vu et tout lu sur le sujet. Ils ont même organisé à Itterbeek, une exposition, rétrospective de son art avec l’Ambassade de Belgique au Brésil et le Ministère de la Culture Brésilienne. A la clinique Saint-Jean, on reconnait les contrastes géométriques, les ondulations et les formes arrondies chères à Burle Marx. Egalement les couleurs, le noir et le blanc. Un petit clin d’œil au tracé bicolore et sinueux des 5km de pavage de la célèbre promenade de Copacabana. On repère les rochers et murets indissociables de la composition végétale. Le grand bassin au centre du jardin rappelle le fleuve Amazone. Il reste bien vert comme le bassin hydrographique du fleuve.
Une balade dans l’imaginaire du maître mais aussi dans la poésie des concepteurs. Ceux qui se souviennent de l’histoire de Tristan et Iseult y trouveront une allégorie.
Fin 2004, le jardin a été récompensé par le Prix du trentième anniversaire de la mort de Jules Janlet, architecte paysagiste, grand amateur de roses, accordé par les Facultés universitaires des sciences agronomiques de Gembloux.
Roberto Burle Marx
Paysagiste du XXème siècle et véritable icône de la profession, il est considéré comme le génial inventeur des jardins modernes. Avec Oscar Niemeyer, il transforme le paysage brésilien et conçoit notamment les jardins de la nouvelle capitale Brasilia. Un savoureux mélange de botanique et de création contemporaine. Peintre et sculpteur renommé, il est constamment influencé dans ses projets par l’art abstrait et s’est toujours efforcé d’établir un lien entre l’art et le paysage.