Les jardins d’Exbury et la villa Ephrussi

En Angleterre ou en France, l’illustre famille de Rothschild a créé des œuvres végétales incomparables
Exbury gardens

En ces temps de grisaille, il est permis de rêver à des jardins d’exception qui ne passent pas inaperçus et ne laissent personne indifférents. Conçus avec brio par certains membres des Rothschild, deux jardins bien différents, ceux de la resplendissante villa Ephrussi, palais rose bonbon de la Côte d’Azur ou changement de décor, ceux d’Exbury dans le Hampshire au sud-ouest de l’Angleterre ouvrent leurs portes au public.

Ephrussy, l’étincelante

Entre Nice et Monaco, la presqu’île du Cap Ferrat reste un lieu légendaire qui a, avant le crash boursier de 1929, attiré la jet-set européenne et américaine. Léopold II résidait à la villa Les Cèdres et le banquier Théodore Reinach à la villa Kérylos ; tous deux étaient voisins de Béatrice Ephrussi de Rothschild (1864-1934). Appartenant à la branche française de la famille Rothschild, épouse de Maurice Ephrussi, un banquier d’origine russe dont elle se sépare en 1904, sans enfant, elle décide de se consacrer entièrement à son domaine. Une villa Belle Epoque, véritable folie des grandeurs inspirée des grandes demeures italiennes de la Renaissance. C’est surtout le jardin de 7 ha qui l’intéresse, une sorte de paquebot surplombant la mer avec Villefranche d’un côté et de l’autre, la baie de Beaulieu. Sans aucun doute, un petit clin d’œil à la somptueuse villa Borromée trônant sur l’isola Bella au beau milieu du lac Majeur.

Maître du jeu, elle trace elle-même le dessin de son futur jardin avec des bandes de tissu simulant l’eau, du gravier pour les cheminements ou des pyramides de carton vert pour les topiaires et les cyprès. Pour réaliser ce rêve en un temps record de 5 ans, – entre 1907 et 1912 -, elle fait néanmoins appel à 2 architectes paysagistes réputés. D’abord le français Achille Duchêne, admirateur du grand André Le Nôtre et ensuite, l’anglais Harold Peto, féru de la Renaissance italienne. Le premier lui propose un jardin formel, régulier et géométrique dans la plus pure tradition et le deuxième, architecte de formation, ajoute une note Arts & Crafts chère à Gertrude Jekyll et Edwin Lutyens dont il est contemporain. 

A son décès, elle lègue l’ensemble à l’Institut de France pour y installer un musée avec l’ensemble de ses collections éclectiques comptant des porcelaines et des toiles de maîtres. Les jardins sont petit à petit restaurés, développés et renouvelés par le paysagiste Louis Marchand. En 2005, ils reçoivent le label de Jardin Remarquable octroyé par le ministère de la culture. Aujourd’hui, derrière l’imposante demeure se cachent une série de jardins à thème, clins d’œil à ses nombreux voyages en Espagne, Italie, Japon… La composition continue à fasciner. Le jardin « à la française » est certainement le clou de la mise en scène : un grand bassin central, des pelouses, un imposant parterre ovale et des plantations symétriques sont disposées autour de l’axe central, un canal reliant la maison au temple de l’Amour, en face sur la colline. Cascades et escaliers d’eau sont accompagnés de jeux d’eau qui se déclenchent soudainement toutes les 20 minutes sur un refrain du lac des cygnes …. un rien bling bling mais toujours envoûtant. Le tout est relevé de certaines touches plus exotiques, tels des palmiers des Canaries, Phoenix canariensis, des Cyca revoluta du Japon, des cordylines d’Australie, des avocatiers, ficus et autres orangers. Un jardin espagnol transporte le visiteur au cœur de l’Alhambra de Grenade et un jardin japonais, appelé chinois au temps de Béatrice, offre une zénitude enchanteresse dans cet environnement bariolé. Conçu et réalisé en 2002 par un professeur de l’école d’Osaka, financé par la télévision nippone, il accueille selon la tradition, un jardin sec, un pavillon traditionnel en bois, un pont, des lanternes, une cascade et un bassin pour les carpes koïs. Un espace est dédié à une roseraie, d’autres au Mexique, à la Provence, à Florence … de quoi voyager tout au long de la promenade.

Villa Ephrussi de Rothschild, 1 avenue Ephrussi de Rothschild, 06230 Saint-Jean-Cap-Ferrat France

www.villa-ephrussi.com

Exbury, la botanique

Appartenant à la branche anglaise de la famille, ce parc forestier d’une centaine d’ha, situé dans le Parc Naturel de New Forrest près de Southampton, renferme grâce au climat doux et au sol acide, de magnifiques collections de rhododendrons, azalées et camélias. A ces trésors qui font la réputation du domaine, s’ajoutent les collections nationales de Nyssa et Oxydendron, dont les feuillages s’embrasent à l’automne, mais aussi des mers d’hydrangeas, des vagues d’iris, des rocailles et des espaces exotiques fabuleux. Lionel Nathan de Rothschild (1882-1942) dont on disait qu’il était « banquier par profession et jardinier par passion » était le concepteur éclairé de ce domaine incomparable.

Chasseur de plantes et fan de leur collecte en milieu d’origine, il voyage ou finance des expéditions botaniques en Chine, au Japon, Myanmar et dans l’Himalaya, tout en entreprenant la création de son jardin. Autour d’un grand manoir néoclassique du XVIIIème, il installe dans les années 20 plusieurs serres pour acclimater ses protégées venues des antipodes et se met à effectuer des croisements de plantes, surtout les azalées. Après la deuxième guerre mondiale, Edmund hérite du domaine abandonné pendant 4 ans, le restaure et pris par la même fièvre jardinière, continue les plantations et les créations d’hybrides issus de croisements d’espèces botaniques. Les azalées à feuilles caduques dites d’Exbury sont réputées à l’échelle mondiale, pour leur vigueur, leur bonne rusticité et leurs couleurs chatoyantes. Gérés aujourd’hui par Exbury Gardens Limited, les jardins ont un avenir garanti. Nouveaux aménagements, nouvelles périodes d’ouverture au public, toute une dynamique !

Ce jardin, beau toute l’année, vaut en effet la visite. Trois étoiles au Michelin … Les raretés comme les Mangletia à feuilles persistantes, des cousins des magnolias, les lauriers chiliens, Laurelia sempervirens ou le Fokienia hodginsii, un conifère originaire du sud-est chinois ressemblant à un thuya, côtoient les vénérables Sequoiadendron giganteum, cèdres du Liban et autre chênes tentaculaires. Un jardin contemporain de vivaces mélangées aux graminées anime l’été alors qu’une profusion de nérines, bulbes originaires du Cap, illuminent l’automne de leurs fleurs rose vif.

Exbury gardens, Exbury, Southampton, SO45 1AZ, Royaume-Uni

www.exbury.co.uk

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