Alerte, prêle

Une mauvaise herbe ? Ennemie ou amie ? Et si le problème était celui du jardinier ? Adoptons la cool attitude et un autre mode de penser

Mal aimées, indésirables, de triste réputation mais d’une prodigieuse vigueur, elles nous fatiguent, nous envahissent et poussent là où elles ne doivent pas. Les herbes dites mauvaises, ces joyeusetés du genre nous agacent, nous fâchent et parfois nous rendent fous.

Et pourtant… il est peut-être temps de lâcher prise. Loin de nous les plans guerriers dominés par la chimie. En y regardant de plus près, la plupart de ces herbes ont aussi quelques qualités. Simplement belles comme la fleur de liseron, utiles comme la divine ortie ou la prêle, incontournables alliées du jardinier.  

« Il n’y a pas de mauvaises herbes, il n’y a que de mauvais regards » de Gilles Clément, paysagiste français éclairé

Bio-indicatrices

Sachez d’abord que dans la nature, ces « adventices », – qui poussent sans avoir été semées -, ont leur raison d’être. On dit d’elles qu’elles sont bioindicatrices de la qualité du sol. Cela veut dire que pour connaître ses particularités, il faut commencer par regarder autour de soi. L’ortie ou le mouron indiquent un sol riche en azote, le tussilage ou la prêle une terre mauvaise voire bien pauvre.

Plantes pionnières, elles occupent rapidement les sols nus et apportent en se décomposant ce précieux humus. A chaque type de terre, sa flore sauvage spécifique. Tant qu’il n’y a pas de débordements, tout va bien. Le souci apparait lorsqu’une espèce se permet de tout envahir.

Cela dit, les herbes spontanées favorisent le développement de toute une faune auxiliaire. Elles sont de véritables trésors pour la vie sauvage. Non seulement une source non négligeable de pollen, de nectar pour divers insectes mais aussi un abri comme l’ortie hébergeant papillons et insectes butineurs pour la plupart, fort utiles à la pollinisation des autres plantes.

Look préhistorique

De la famille des Equisétacées, Equisetum arvense, la prêle des champs, indigène, appelée fréquemment queue de cheval, de rat ou de renard est une plante vivace à rhizomes traçants et tiges creuses qui existait déjà à la préhistoire. Survivante malgré les changements climatiques et les bouleversements géologiques, elle alimente les conversations des botanistes. Comme la fougère, une lointaine cousine, elle n’a ni fleur, ni fruit, ni graine et se reproduit par des spores disposées en écailles sur les épis terminaux brun rougeâtre des tiges fertiles apparaissant avant les stériles. Celles-ci, vert pâle, grêles, réduites à de simples petites collerettes ressemblent curieusement à un petit conifère et peuvent selon les variétés, mesurer de 30 cm à 1,50 m. Les feuilles, – si on peut parler de feuilles -, sont minuscules, brunâtres et réunies en une gaine qui entoure les rameaux.

Grâce aux cristaux de silice renfermés dans ses tiges, la prêle a un réel pouvoir abrasif. Utilisée torsadée pour décaper et polir les métaux et les récipients en bois ou pour récurer les casseroles, elle est également une plante médicinale aux multiples usages. Et transformée en décoction ou parfois purin, elle devient l’alliée du jardinier.

Des défauts

Cette année, en de nombreux endroits, les prêles sont au rendez-vous. Cette recrudescence lors de ce printemps si sec est plutôt bizarre. Sachant qu’elles aiment particulièrement un sol lourd, tassé, mal drainé, -voire insuffisamment aéré -, acide et très humide, elles nous interpellent. Coriaces, elles partent à la conquête du lieu par leurs rhizomes souterrains, – qui peuvent atteindre plusieurs mètres de long -, et forment des colonies parfois impressionnantes comme celles du chiendent. Indestructibles, elles sont la preuve faite plante, qu’aucun produit chimique ne peut véritablement en venir à bout.

Que faire ? Surtout éviter de bêcher ou de biner en profondeur, car on ne ferait qu’aggraver la situation. Chaque petite section de rhizome coupé qui reste en terre a la capacité de donner un nouveau plant. La solution est d’arracher les jeunes pousses, sans arrêt, plusieurs années d’affilée. Elle finira bien un jour par se fatiguer. En complément, il est judicieux d’amender le sol avec du terreau, compost ou fumier puisque sa présence est un indice de sol peu aéré et pauvre. Pourquoi pas ajouter un peu de chaux pour contrer le caractère acide. Une autre solution est de tondre régulièrement l’endroit ou poser une bâche noire car elle ne pousse qu’à la lumière. Patience, patience.

Et des qualités

Cela dit, riche en sels minéraux et en silice, elle est reconnue comme bon insectifuge, – elle joue un rôle préventif contre les attaques de pucerons et d’acariens -, et agit dans la lutte contre les maladies à champignons. Elle a le pouvoir de renforcer les défenses des plantes contre l’apparition du mildiou, de l’oïdium, de la tavelure, de la rouille, du monilia ou encore de la cloque du pêcher.

Cueillez-la à pleine maturité pendant les mois d’été et laissez-la sécher à l’abri du soleil direct. Emiettez-la et gardez-la au sec pour en avoir toujours à portée de main, surtout en hiver quand elle a disparu. Elle s’utilise généralement en décoction. Trempez 1 kg de prêle fraîche, – ou 100 gr de séchée -, dans 10 l d’eau de pluie pendant une journée. Puis, faites bouillir une petite demi-heure, laissez refroidir et filtrez avant de pulvériser les plantes.

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