Cueillir quelques fleurs fraîches pour décorer la maison est certainement plus séduisant que d’acheter un bouquet de roses importé d’Afrique ou du Moyen Orient. Chez nous, la tradition des jardins bouquetiers existe depuis le Moyen Age. Dans les hortus conclusus des monastères, ils étaient destinés à fleurir les autels.
En avril, mai, il est temps de commencer l’aménagement d’une parcelle de fleurs à couper. Des plantes annuelles rustiques, complétées de quelques semi-rustiques et de bisannuelles telles la giroflée ou la monnaie du pape. Les premières sont les plus faciles. Pavots, bleuets et nigelles sont semés directement dans le sol. Les secondes, comme les cosmos, zinnias et autres mufliers, le sont en godets au chaud avant d’être repiquées mi mai, tout risque de gel écarté.

Quelques critères de sélection s’imposent. Une bonne fleur à couper doit tenir longtemps dans un vase et être très florifère. Si on ne la trouve pas chez les fleuristes, comme le pois de senteur ou le pavot qui ne survit jamais à un quelconque transport, c’est encore mieux.

Où ?
Choisissez d’abord un endroit ensoleillé. Essentiel pour la réussite. Puis un petit coin de jardin rien que pour elles. Un lieu à part. Quelques carrés suffisent. Faute de place, une autre solution est de les disséminer et les garder à l’œil dans les plates-bandes parmi les vivaces et les arbustes. Préparez et nettoyez la parcelle. Pas trop large, environ 1m à 1,20m, pour y accéder par les côtés sans devoir y pénétrer et tasser le sol. Allégez-le éventuellement avec un peu de terreau ou de compost. Attention, certaines annuelles préfèrent les terres pauvres.

Comment ?
Commencez par les plus faciles, celles qui ne ratent jamais. Lancez-vous dans le semis directement en place à l’endroit souhaité. C’est le moment. La terre se réchauffe, elle ne colle plus aux outils. Les tulipes et les pommiers fleurissent. C’est le signal. Dans un seau, mélangez les graines à du sable fin ou du terreau pour bien visualiser leur répartition. Cela vous permettra aussi de repérer plus tard l’endroit du semis à sa tache plus claire (si c’est du sable) ou plus foncée (si c’est du terreau). Pour les graines très fines, c’est indispensable. Vous éviterez de la sorte les pâtés disgracieux. Terminez l’opération par un rapide coup de râteau puis par un tassement léger. Les graines ne s’envoleront pas et elles colleront bien au sol.
Ensuite, patience. Veillez simplement à ce que le lit de semis soit toujours humide. Méfiez-vous des prédateurs. Faites la guerre aux oiseaux friands de ces repas tout préparés et protégez-les au besoin avec du grillage à poule ou du voile non tissé tendu sur le sol jusqu’à la levée…
Bleuet, nigelle et autre pied d’alouette
Ensemble, ils apportent une note de bleu. Mais parfois aussi, selon les variétés, des déclinaisons de rose, blanc et même de noir. Avec eux, une touche de naturel, un zeste de champêtre, une pincée de romantisme. Ne coupez pas les fruits de la nigelle, ils sont aussi charmants que les fleurs. Quant au pied d’alouette, un cousin du grand delphinium vivace, notez qu’il tient pratiquement 2 semaines dans un vase. Un véritable champion. Une seule ombre au tableau, les limaces. Elles adorent grignoter les jeunes pousses.
Centaurea cyanus, Nigella damascena dite cheveux de Vénus ou herbe à araignée, Consolida ou Delphinium ajacis dite dauphinelle cultivée
Centaurea Nigelle Pied d’alouette
Pavot des jardins et pois de senteur
On l’aime pour ses grandes fleurs délicates et ses pétales de soie à rendre jaloux le premier insecte venu. Éphémères, les corolles laissent la place à de jolis fruits, des capsules bleuâtres à collerette contenant des tas de petites graines. Très décoratives dans les bouquets.
Le pois de senteur est mythique. Présent dans tout jardin bouquetier qui se respecte. C’est pour lui que notre cœur flanche irrésistiblement ! Pendant tout l’été on coupe ses tiges parfumées et fleuries pour composer des petits bouquets ronds des plus raffinés. Plus on cueille, plus il fleurit. Des myriades de petits papillons immobiles et multicolores. Charmant. Le seul hic est que le pois n’aime guère la compagnie, doit être palissé sur un support, du grillage ou un tipi, exige beaucoup de nourriture et ne supporte pas d’avoir soif au risque de voir son feuillage jaunir et griller. Malgré tout, il reste notre préféré. Impossible de ne pas le tenter. Directement en pleine terre ou en godet au chaud dès la fin de l’hiver pour hâter la floraison.
Papaver somniferum, Lathyrus odoratus
Pavot Pois de senteur
Cosmos et zinnia
Les plantes annuelles semi-rustiques ont besoin de chaleur pour germer. A l’intérieur, sur un rebord de fenêtre ou dans une serre. Le Cosmos peut néanmoins être semé en place à l’extérieur après le 15 mai. Après, il pousse tout seul. Il fait partie de ces incontournables tant il est prolifique. Grand classique des jardiniers amateurs, ses pétales roses, blancs et pourpres ensoleillent le jardin. Une aubaine pour les sols pauvres.
Le zinnia rappelle les parterres hauts en couleurs de nos grands-mères. Obligatoire dans les jardins de curé ou les cottage gardens. Malheureusement pas si facile à faire pousser. Non seulement le semis doit impérativement démarrer au chaud puis une fois repiqué il déteste l’humidité stagnante. A réserver aux plus expérimentés.
Cosmos bipinnatus, Zinnia elegans
Zinnia Cosmos
Dahlia et dahlia
Quant au dahlia, irremplaçable dans les bouquets, il exhibe des couleurs et des formes spectaculaires. Souvent très différentes. On est étonné par toutes ses nombreuses variétés. Sans prétention aucune mais assez gourmand, – il apprécie les sols riches -, et pousse au soleil. Plantez son tubercule mi- mai après les saints de glace et patientez jusqu’à l’été. Surveillez les limaces. Un bon truc pour gagner du temps est de les faire démarrer à l’abri en pot dès le mois d’avril. Sachez qu’une série de Dahlia au nom de ‘Karma’ est destinée tout spécialement à la fleur coupée. Sa tige est bien haute et sa durée de vie dans le vase assez longue.
D. ‘Twilight’ D. ‘Honka’ D. ‘Karma Naomi’

Lecture
Pour compléter cet article, plongez-vous dans l’excellent livre Mon jardin de fleurs à couper de Louise Curley qui vient de paraître aux Editions du Rouergue (2015, ISBN 978-2-8126-0676-2). L’auteur décrit ses expériences bonnes et mauvaises, donne des détails pratiques. Schémas de plantation, calendriers de semis, trucs et astuces, tuteurage, pincement …etc…