Imposant, il figure parmi les seigneurs et patriarches du paysage. Castanea sativa, le châtaignier commun, seul indigène en Europe, est un arbre originaire du sud, de la Méditerranée. A l’abri des gelées précoces et tardives, il produit un fruit qui parvient sans encombre à maturité. Dans la Creuse et le Limousin français, il fait partie intégrante du paysage. Vu qu’il rejette énormément du tronc, on le taille dans le cadre d’une sylviculture traditionnelle en taillis. Cela dit, il est souvent planté simplement pour sa beauté, en isolé comme sculpture végétale monumentale ou en alignement dans les drèves de certains grands jardins comme celle classée du château d’Aineffe à Faimes comptant 30 spécimens plantés à la fin du XVIIIème siècle. On l’aime aussi pour sa longévité à toute épreuve. Il n’est pas rare de côtoyer des châtaigniers millénaires.



Un tronc magique
De la famille des Fagacées, comme le hêtre et le chêne, il croit spontanément à basse altitude dans les terres drainées à tendance acide. Un vieux sujet se reconnait facilement à son tronc tourmenté. Sur la jeune écorce lisse, gris argenté, apparaissent avec l’âge, les premières fissures verticales, qui petit à petit, se torsadent en spirales, comme pour enrouler le tronc. Les branches lourdes et trapues, surtout les supérieures, se tordent elles aussi pour devenir carrément biscornues et former une cime dense un rien échevelée. Le tout est imposant, jusqu’à 30 m de haut, la couronne de 6 à 10 m de large et la circonférence du tronc, parfois jusqu’à 8 m. En Belgique, les châtaigniers figurent parmi les plus gros arbres du pays.
Les feuilles caduques, vert sombre, longues de 10 à 20 cm, avec des petites dents sur les bords, sont particulièrement élégantes. Virant au jaune pâle en automne, elles sont presque cachées au moment de la floraison spectaculaire de juin, lorsque de longs chatons cylindriques jaunâtres, pendants, dégagent une forte odeur de miel. Certains nez la trouvent assez déplaisante. Plusieurs de ces fleurs mâles très voyantes d’environ 15 cm de long, cachent à leur base des petites fleurs femelles, vertes, groupées par trois. L’arbre étant monoïque, il produit sur le même sujet, à la fois des fleurs mâles et femelles bien séparées mais, pour obtenir du fruit, une pollinisation croisée avec des châtaigniers voisins est indispensable, les fleurs femelles n’étant pas fécondées par les mâles du même arbre. Qu’on se le dise.






Un fruit qui a du piquant
D’une grande valeur nutritive, les châtaignes sont appréciées depuis des millénaires. Elles sont protégées dès la fécondation des fleurs par une bogue verte, une cupule épineuse hérissée de centaines d’aiguillons tel un hérisson, tenant oiseaux et écureuils à l’écart. A maturité, la bogue se détache naturellement de l’arbre, tombe sur le sol et s’ouvre en libérant 2 ou 3 châtaignes. De mi-septembre à début novembre, selon les variétés et les régions. Les fruits triangulaires et aplatis sont recouverts d’une enveloppe coriace brun foncé appelée péricarpe ; une tache blanche représente la zone de fixation du fruit dans la bogue et la petite pointe nommée torche évoque ce qu’il reste de la fleur. Pour consommer la châtaigne, il reste une dernière étape parfois fastidieuse, l’épluchage sous le péricarpe, d’une fine peau duveteuse voire laineuse.

Dans les régions pauvres, tout comme en temps de disette, le châtaignier était appelé communément « arbre à pain » car ses fruits servaient à faire de la farine. Sans gluten, elle est toujours au goût du jour. Séchés, ils étaient facilement conservés pendant 3 ou 4 ans. Quelques animaux comme les sangliers, cochons et petits rongeurs en sont friands tout comme les insectes, oiseaux et petits mammifères qui y trouvent le gîte dans les profondes cavités de son tronc. Mellifères, les arbres attirent les abeilles et autres butineurs.

Châtaigne ou marron ?
Vous avez dit marron glacé, grillé ou purée de marron ? La confusion générale est là ! Pourtant Castanea sativa, le châtaignier commun et Aesculus hippocastaneus, le marronnier d’Inde ne sont botaniquement parlant, ni frères ni cousins. Les inflorescences du marronnier, des panicules dressées de fleurs blanches ou rouges ne lui ressemblent pas, ni ses feuilles palmées sur un long pétiole comptant 5 à 7 folioles. Sa période de floraison plus hâtive diffère également.
Le souci vient des fruits. Leur similitude de forme, taille et couleur est évidente, sans compter leur enveloppe épineuse très ressemblante. Mais, la différence est que le marron est unique sous la paroi épineuse, alors que la châtaigne la partage avec 1 ou 2 autres congénères. De plus, le marron n’est pas du tout comestible et s’avère même toxique. Tout se complique avec quelques variétés fruitières de châtaignier comme ‘Marron de Lyon’ ou ‘Belle Epine’ créées par des pépinières spécialisées dans le but d’obtenir qu’un seul fruit unique et non cloisonné, idéal pour les préparations culinaires. De quoi brouiller les pistes.
Un bois utile


Résistant, solide, imperméable, imputrescible, léger, riche en tanin et surtout durable car non traité, le châtaignier souvent considéré comme substitut bon marché du chêne, est utilisé sans compter. Pour la vannerie, la confection des paniers, tonneaux, clôtures, treillages et plessis, pour les bardeaux de toit mais aussi les charpentes, planches de parquet ou le mobilier traditionnel. Dans les jardins, les élégantes barrières anglaises et les clôtures faites de gaulettes ou échalas, – du bois fendu à la verticale -, reliés entre eux par des fils de fer galvanisé ont fait leur preuve.


Un cousin américain
Castanea dentata, originaire des Etats-Unis est un format plus petit. Sensible aux maladies comme le chancre, il a disparu des forêts américaines. Chez nous, à l’arboretum de Tervuren, quelques spécimens en bonne santé forcent l’admiration.