Le charme discret de l’aubépine

Tous, nous avons dans un recoin de notre mémoire un souvenir d’aubépine. Pilier de nos bocages, sauvageonne, en fleurs au printemps, en baies à l’automne

Il y a quelques semaines, nous avions tiré le portrait de l’amélanchier. Aujourd’hui, place à l’aubépine. Épineuse mais à tout moment généreuse, elle a le bon goût de marier naturel et modestie. Présente sur trois des cinq continents, cousine de la rose comme le néflier, le cognassier ou le cotonéaster, elle compte dans ses rangs des centaines de spécimens différents difficiles à distinguer l’un de l’autre. Elle joue dans nos paysages un rôle essentiel et fait véritablement partie de notre patrimoine. Cela fait des temps immémoriaux en effet, qu’on la plante en haie pour délimiter les parcelles de champs et de prairies. Avec sa ramure dense, impénétrable et ses épines acérées, dissuasive, elle décourage les chiens, les chats, le bétail en quête de liberté, l’amateur de bouquets et … le voleur. En d’autres mots, l’ancêtre du fil de fer barbelé. Mais elle peut aussi s’épanouir en un bel arbre solitaire. Très rustique, écologique à souhait, elle abrite les nids, loge et nourrit un nombre incalculable d’insectes, d’oiseaux, fauvettes, rossignols, mésanges, verdiers, merles, grives et tourterelles pour ne citer qu’eux et offre un refuge aux hérissons.

CARTE D’IDENTITÉ

Crataegus vient du grec krataios qui signifie « puissance et force ». Sans doute pour la dureté de son bois, qui aurait servi  autrefois de billot pour les décapitations et pour sa résistance aux situations extrêmes comme le vent. Petit arbre, de 6 à 8m, à la cime arrondie et étalée, l’aubépine est intéressante à plusieurs périodes de l’année. En mai, juin quand elle fleurit, dès septembre quand elle croule sous les petits fruits et enfin à l’automne quand son feuillage s’enflamme.

Les feuilles coriaces, vert sombre, légèrement luisantes sont simples, dentées  et plus ou moins lobées. Elles apparaissent en mars bien avant les fleurs. A l’automne, elles colorent joliment et quand l’hiver est clément, elles persistent sur l’arbre assez longtemps.

Les fleurs blanches, roses ou rouges, d’environ 1 à 2 cm de diamètre, regroupées en panicules ou en corymbes attirent les abeilles. Elles sont généralement odorantes. Un parfum doux mais un peu fade. Assez indéfinissable. Certains grincheux hument une petite note de fumier un rien désagréable.

Le fruit d’environ 8mm, appelé cenelle, arrive à maturité en septembre, octobre. Jaune à rouge vif, voire noir ou bleu, légèrement allongé, il persiste jusqu’en hiver alors que la plupart des autres baies ont disparu. Sa chair et sa graine sont appréciés des oiseaux. Riche en vitamine C, il est tout-à-fait comestible lorsqu’il est cuit. Mélangé à d’autres fruits comme les framboises par exemple, riche en pectine, il donne d’excellentes gelées.

Toutes les aubépines fréquentent le même genre d’habitat. Soit, les plaines, lisières, taillis et les terrains calcaires à l’état sauvage. Elles peuvent vivre jusqu’à plusieurs centaines d’années, leur croissance étant très lente et leur port bien ramifié. Chez nous, deux espèces indigènes sont répandues. Souvent elles s’hybrident entre elles.

AUBÉPINE MONOGYNE

La plus familière parmi elles est Crataegus monogyna. L’aubépine des haies par excellence, – même si elle peut aussi former un arbre de 15m de haut -, celle des croyances et des coutumes populaires. On l’appelle l’épine blanche ou le bois de mai en référence à son mois de floraison et l’aubépine «  à un style ». Pour ceux qui auraient besoin d’un petit rafraîchissement botanique, sachez que le pistil, organe femelle d’une fleur se compose d’un ovaire et de un ou plusieurs stigmates et styles. Si l’aubépine ne comporte qu’un style, sa cenelle n’aura donc qu’un seul noyau.  L’aubépine monogyne tolère n’importe quel sol y compris les terres sèches et calcaires. Une vieille haie d’aubépine négligée accepte parfaitement d’être rajeunie. Taillez à 50 cm du sol et attendez trois, quatre ans, elle reformera une haie convenable. Ses épines de 1 à 2 cm laissent parfois au jardinier de vilains souvenirs.

AUBÉPINE COMMUNE

Les fleurs de l’aubépine dite commune ou  épineuse et en termes scientifiques, Crataegus laevigata, – signifiant doux ou lisse, une  caractéristique de sa feuille -, ou oxyacantha possèdent deux ou trois styles et les fruits, deux ou trois noyaux. Elle apprécie particulièrement les sols argileux et limoneux, les terrains frais et humides mais on peut dire qu’elle est vraiment tout terrain. Elle accepte l’ombre même si elle préfère la lumière directe du soleil. Ses petites grappes blanches interviennent environ 2 semaines plus tôt que celle de C. monogyna.

COMMENT LES DISTINGUER ?

Pour les reconnaître, il faudrait en vérité disséquer la fleur et compter le nombre de styles ou  écraser un fruit et compter le nombre de noyaux. Mais en l’absence de fleurs et de fruits, retenez que C. laevigata, l’aubépine commune, se reconnaît à sa taille plus petite (6 m de haut au lieu de 8), à des épines moins nombreuses et à des feuilles moins découpées, faiblement lobées ou seulement un rien dentées. Ceci dit, c’est une question de détails.

LES PLUS JOLIES

La plus populaire d’entre toutes est  ‘Paul’s Scarlet’, un cultivar de C. laevigata très souvent planté dans les jardins et le long des rues. Née en Angleterre, elle est spectaculaire en pleine floraison. Pas si scarlet que ça, ses fleurs doubles étant en réalité rose foncé. On croirait une myriade de minuscules roses sagement rangées les unes contre les autres.

‘Crimson Cloud ’adorable, un autre cultivar de C. laevigata présente des petites fleurs simples aux pétales cramoisis à cœur blanc. Des petits fruits orangés suivent à la fin de l’été.

Crataegus x lavallei nommée parfois C. x lavallei ‘Carrierei’ ou de carrière est un petit arbre à la ramure étalée, de 6-7 m de haut, presque autant de large. A notre avis, un des meilleurs. Il présente peu d’épines, des feuilles longues non découpées devenant bronze à l’automne, des fleurs blanches  et des fruits comme des billes orangées persistant jusqu’en janvier, février.

Crataegus tanacetifolia est aussi à retenir. Un élégant petit arbre originaire de Turquie pratiquement dépourvu d’épines dont les feuilles presque grises sont très échancrées. Sa floraison blanche précède les petites baies orange.  C. laciniata au feuillage encore plus découpé lui ressemble.

FEU BACTÉRIEN

Seule ombre au tableau, sa sensibilité au feu bactérien dû à la bactérie Erwinia amylovora dont la plante peut ne pas se remettre. Les parties contaminées se dessèchent et noircissent comme brûlées par le feu. Souvenez-vous dans les années 50, les aubépines étaient pointées du doigt alors qu’elles n’étaient pas les seules vectrices de la maladie. A l’époque, le nettoyage par le vide n’en a pas épargné beaucoup. Des milliers de km de haies ont disparu. Aujourd’hui, pour leurs qualités écologiques, on encourage leur plantation. Interrogez le pépiniériste. Certains cultivars, comme ceux à fleurs doubles et Crataegus x lavallei ’ semblent bien résister à la maladie.  Yves Coquette du Garden Center du même nom  note aussi  un nouveau cultivar issu de la recherche de l’université de Wageningen, Crataegus succulenta.

AMIE DU CŒUR

Déjà au 1er siècle, le médecin grec Dioscoride en vantait les vertus médicinales tonicardiaques, diurétiques et sédatives. Aujourd’hui un grand nombre de préparations pharmaceutiques utilisent ses propriétés médicinales. Notamment pour réguler l’activité cardiaque, diminuer la tension, faciliter le sommeil et soulager l’anxiété. Les cenelles riches en vitamine C calment les maux de gorge. Pour les amateurs d’infusion ou de décoction.

COLLECTION & PEPINIERE

Dirk Benoit de la pépinière Pavia à Deerlijk propose dans son catalogue une très belle collection d’aubépines ( www.pavia.be) et le Garden center Coquette à Rhode-St-Genèse est toujours d’excellents conseils et vend de beaux sujets ( www.coquette.be). Sinon, la plupart des bonnes pépinières présentent les principales variétés.

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