Le néflier cet arbre méconnu

Lors de la semaine de l’arbre du 22 au 28 novembre prochain, la région wallonne fera honneur à un petit fruitier oublié, le néflier

Mespilus germanica , le néflier d’Allemagne ou commun, est chez nous un arbre indigène. Appartenant à la famille des Rosacées, il a un air de pommier et s’apparente à l’aubépine et au Cotoneaster. Son aspect général est un rien tourmenté, 4 à 6 m de haut, un port large et arrondi, un tronc tordu et des branches épineuses qui ont tendance à retomber naturellement. Dans le courant du mois de mai, la floraison abondante blanche à rose pâle fait penser à des petites églantines sauvages.  Dès le milieu de l’été, des fruits apparaissent en profusion. Ses qualités esthétiques sont indéniables. Son feuillage se teinte de jaune et de roux à l’automne. Habituellement quand on évoque le néflier, c’est de la nèfle que l’on parle. Cultivée depuis des siècles. Originaire d’Asie Mineure, le néflier est introduit en Europe par les grecs qui en étaient friands. Les Romains l’ont vite adopté.  Charlemagne le recommandait aussi dans son capitulaire De Villis. Dans nos campagnes, plus précisément dans les bois, vergers et les haies, le bien nommé mispoulier, mellier ou ménesplier s’est largement imposé jusqu’à être complètement démodé. Dommage. Sans doute avait-on naguère un goût plus éclectique qu’aujourd’hui.

La nèfle n’a pas toujours eu une excellente réputation. Elle a même été souvent considérée comme  très peu de chose. Différentes expressions y contribuent : « après le navet, la nèfle », « être pourri comme une nèfle », « travailler pour des nèfles » ou simplement «des nèfles ! », une autre manière de dire « des clous »… ou encore « cul de chien » pour son look peu attrayant. Rien de très alléchant. Ceci dit, il n’y a pas lieu de se décourager. L’habit ne fait pas le moine. Les gourmets sont les premiers à se réjouir chaque année lorsque l’hiver pointe le nez. Le fruit brun mat, dur, globuleux d’environ 4 cm de diamètre se consomme à l’état blet. En effet, il est recommandé de le cueillir fin octobre, début novembre après une première gelée. Celle-ci rend sa chair plus tendre et moins acerbe. Les nèfles sont alors gardées à l’intérieur dans une pièce fraîche et sèche  – sur de la paille pour les puristes  –  ou sur des étagères jusqu’à ce qu’elles ramollissent et deviennent plus sucrées. Sans être pourries. La queue en l’air sans se toucher pour un mûrissement parfait. « La nèfle est astringente aussi longtemps que l’alchimie du blettissement na pas dégradé l’essentiel des tanins et développé les sucres. …» ( Pierre Lieutaghi, La plante compagne, Actes Sud 1998). Au menu jusqu’en décembre, elles développent alors un goût de marmelade oubliée sur le feu, proche de la compote de pomme, « un de ces plaisirs vineux-sucrés de la fin d’automne … Sous sa peau rêche et brune, façon vieux cuir mal entretenu, elle recèle alors une compote toute faite, très propre à réjouir les palais rustiques ou nostalgiques des rusticités … » (Pierre Lieutaghi, op cit)

EN PRATIQUE

Accommodant et tout terrain, le néflier accepte tous types de sol – sauf s’il est très humide ou très sec – et ne craint pas le calcaire surtout s’il est greffé sur une aubépine. Il peut l’être aussi sur un poirier ou sur un cognassier mais la durée de vie sera moins longue et la production de fruits moins précoce. Issu d’un semis, ses fruits seront plus petits. Il apprécie le soleil mais accepte l’ombre partielle. Dans ce cas, le port sera plus élancé à la recherche de la lumière. Sans doute il donnera  moins de fruits. Évitez de le planter près d’une terrasse, les fruits tombés pourraient la souiller. Concernant la taille, rien de particulier. Mais comme d’habitude taillez les branches mortes et celles qui se croisent. Pensez à l’oiseau qui aimerait traverser sa frondaison.  Pas de fertilisation spéciale mais un peu de compost ou d’humus au pied de l’arbre ne fera jamais de tort. Pas de maladie ou de parasite à signaler vraiment. Résistant à toutes épreuves, il supporte des gelées supérieures à moins 20°C. Sa floraison tardive mellifère à la fin mai ne craint plus les gelées printanières. Dans les jardineries, on trouve des arbres tiges, demi-tiges ou des buissons.

Astuces

Néflier du Japon, Eriobotrya japonica, le bibassier ou bibacier. Petit arbre magnifique aux grandes feuilles jusqu’à 30 cm de long, persistantes et pendantes à réserver aux climats chauds comme autour du bassin méditerranéen. Après sa floraison automnale couleur crème à la senteur d’aubépine, ses nèfles, sortes de minis poires jaunes et sucrées  mûrissent en juin.

Epine-néflier. Pour ceux que cela amuse, un mot sur de véritables curiosités botaniques. X Crataemespilus grandiflora est un genre hybride issu d’un croisement entre deux genres différents, le néflier commun et l’aubépine à fleurs, Crataegus. Ce type de plantes est signalé par un « x » précédant le nom.  Lorsque le nom est précédé d’un « + », comme + Crataegomespilus  dardarii, il s’agit d’une chimère soit une monstruosité artificielle issue d’une greffe faite par l’homme. Elle résulte de l’union d’un rameau d’un individu à un rameau d’un autre individu permettant aux sèves de circuler  sans entraves d’une plante à l’autre. Cet arbre peut présenter alternativement des branches de l’un et de l’autre.

A déguster. Le fruit n’étant pas transportable, il est préférable de le récolter dans son jardin. Goûtez-le en aspirant la chair ou en le vidant à la cuiller. Attention aux gros pépins durs sur lesquels les dents se cassent. Cuit en compote, confiture, gelée, vin de fruits ou tarte, il accompagne  fromage de chèvre, agneau et gibier amélioré ou non de crème fraîche ou de beurre. Gingembre, girofle, cannelle et jus d’orange s’ajoutent aux différentes préparations.

Semaine de l’arbre. Chaque année, cette fois du 22 au 28 novembre, la semaine de l’arbre mobilise la Wallonie. Une distribution de plants aux particuliers est prévue dans 50 communes wallonnes. D’autres activités sont organisées comme une bourse d’échange de plantes ligneuses, des stands d’information et des dégustations de produits du terroir. environnement.wallonie.be/dnf/semarbre/  

LES PLUS

VITAMINES

Sa chair est riche en vitamine C et constitue un remède efficace contre la diarrhée. Son jus a un grand pouvoir bactéricide.

CONGÉLATEUR

Vous hésitez quant à la date de la récolte, vous n’êtes pas certain que la chair soit suffisamment tendre, alors mettez les nèfles quelques heures au congélateur. D’aucuns prétendent qu’elles en seront meilleures.

OISEAUX

Le fruit mûrissant trop tard pour les guêpes, il est laissé aux étourneaux et pies.

PECTINE

Les nèfles n’ayant pas de pectine, il est nécessaire de les mélanger dans la cuisson avec des pommes, des coings.

RÉGAL DE NOËL

Pour donner du moelleux à la sauce de la dinde de Noël, ajouter 10 min avant la fin de la cuisson, deux poignées de nèfles épluchées.

BALZAC

« Les hommes sont comme les nèfles, ils mûrissent sur la paille » Honoré de Balzac, Les Chouans.

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