Un arbre à tulipes ?

Dans les jardins, l’heure est aux tulipes bigarrées qui nous font penser à nos voisins d’outre Moerdijk ! Mais connaissez-vous le tulipier de Virginie ?

Les confusions sont fréquentes. Il y a d’abord le faux tulipier, Magnolia x soulangeana, le magnolia de Soulange, en référence à sa floraison printanière spectaculaire en forme de tulipes qui a déjà démarré depuis une dizaine de jours et puis, le vrai tulipier, Liriodendron tulipifera. S’ils appartiennent tous deux à la même famille des Magnoliacées, – l’une des plus anciennes familles de plantes à fleurs -, ils sont en fait bien différents. Originaire des Etats-Unis, d’où son nom de tulipier de Virginie, l’élégant Liriodendron est un modèle de longévité. Assez rare dans les jardins, il est réputé non seulement pour ses fleurs extraordinaires mais aussi pour son feuillage original aussi particulier que celui du Ginkgo biloba ou du Sassafras albidum qu’on n’oublie jamais.

Feuille bizarre

Les feuilles caduques, presque aussi larges que longues, – 8 à 15 centimètres -, pendent au bout d’un long pétiole. Curieusement lobées de chaque côté, leur extrémité dite tronquée semble être étrangement coupée.  Les feuilles comptent quatre pointes et ressemblent pour les uns à une tulipe vue de face et pour les autres à une selle. Les formes varient ; les toutes jeunes feuilles paraissent même presque carrées.  

A l’automne, elles virent progressivement du vert frais au jaune tendre, puis au brun tabac en passant par les tons mordorés.  Un spectacle garanti de grande classe pendant 2 à 3 semaines.

Fleur de tulipe ?

La floraison est spectaculaire pour qui sait la repérer dans le feuillage dense. Mi-juin, de grosses fleurs solitaires, délicatement dressées et disposées en coupe, montrent des pétales blanc verdâtre nuancés d’orange, des étamines jaunes et un grand pistil. Comme les abeilles attirées par leur nectar, approchez-vous d’elles pour humer leur parfum léger et profiter au mieux du spectacle car, discrètes, elles ont tendance à se fondre et se perdre parmi le feuillage. Le seul hic est qu’il faut parfois patienter entre 10 et 20 ans pour les admirer … mais comme on sait que la vertu première du jardinier est la patience…

Après la floraison, des fruits secs ailés, brun clair, ressemblant à des cônes dressés, mûrissent dès l’automne et persistent jusqu’en hiver.

Silhouette majestueuse

Les dimensions du tulipier de Virginie, – environ 50 m dans son milieu naturel et 35m de haut pour 25 de large ailleurs -, à la croissance rapide comme celle d’un peuplier, les anglais l’appellent d’ailleurs « tulip poplar », imposent de l’installer dans les grands parcs et jardins. Parfait comme sujet isolé vu l’élégance de son port pyramidal, il est un arbre d’ombrage par excellence qui affectionne les bords des pièces d’eau ou les berges des rivières. Avec un sol fertile, profond et humide, pas trop calcaire, il vit des jours heureux sous un soleil généreux. Très résistant au froid, attention aux gelées des premières années.

Comme le précise Roel Jacobs, spécialiste des arbres et dendrologue averti : « Pour qui a visité la seule forêt vierge restante de l’hémisphère nord, Joyce Kilmer Memorial Forest en Caroline du Nord, la vue de ces dizaines de fûts colonnaires, d’une circonférence de plus de 9m et culminant à plus de 60 m au-dessus des autres arbres est inoubliable. On peut le considérer comme une forêt de Soignes surdimensionnée de tulipiers. » (Roel jacobs, Arbres de Belgique Revisited, BAI publishers, 2009).

Ceci dit, allez découvrir l’un des plus grands d’Europe au Jardin Botanique de Meise.

Secret de longévité

Peut-être avez-vous entendu parler des fameux tulipiers de la reine Marie-Antoinette ? Ramenés en 1771 par le comte de La Galissonière, un officier de marine de sa majesté, ils sont offerts à la reine qui les plante elle-même au Petit Trianon de Versailles. Sensés avoir une durée de vie de 5 siècles, ils ont malheureusement rendu l’âme à la consternation de la France entière, lors de la tempête catastrophique de 1999. Mais l’histoire ne s’arrête heureusement pas là. Le bois de l’un des deux acheté par Guy Vialis, artisan coutelier à Sauveterre-de-Rouergue dans l’Aveyron, est transformé en de précieux couteaux numérotés de 1 à 1755, l’année de la naissance de Marie-Antoinette. Avec l’argent récolté par la vente des couteaux, il a permis de replanter les jardins de Versailles. La boucle est bouclée.

Liriodendron et cie

Deux cultivars sont intéressants :

  • L. t. ‘Aureomarginatum’ de 15/20m de haut, au feuillage panaché de jaune tendre virant au vert pâle en été ;
  • L. t. ‘Fastigiatum’ au port colonnaire avec des branches érigées

Sans oublier, le tulipier de Chine, Liriodendron chinense, moins vigoureux, mais plus rare. On l’aperçoit dans les grands domaines en Angleterre et en Irlande. Ses feuilles sont plus découpées et les fleurs plus vertes et tardives. En réalité les différences sont minimes. De quoi alimenter les conversations des visiteurs éclairés.

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