Avec le daphné, du bois gentil et du parfum au creux de l’hiver

En cette saison, toute fragrance flottant dans l’air excite nos sens endormis

Cet arbuste appartient à un genre peu connu des amateurs de jardin, celui des Daphne de la famille des Thyméléacées, qui compte 70 espèces en Europe, Asie et Afrique du nord. Souvent décrié, malgré ses surnoms de bois joli ou gentil, il a la réputation d’être difficile à cultiver, d’avoir un port plutôt raide, de se déplumer, de passer de vie à trépas sans véritable raison ou de ne pas vivre bien longtemps (10 à 12 ans). Beaucoup estiment qu’il doit être réservé à des spécialistes prêts à les chouchouter. Détrompez-vous ! L’essayer c’est l’adopter.

Petite histoire 

Dans la mythologie grecque, Daphné est une nymphe magnifique, fille de Gaïa la terre et du Dieu fleuve Penée. Courtisée assidument par Apollon et lasse de ses avances répétées, elle demande à son père pour lui échapper, de la métamorphoser en un bel arbuste. Cette plante que les anciens grecs connaissent sous le nom de Daphne est en réalité Laurus nobilis, le laurier noble dit aussi laurier-sauce. Un premier malentendu…

Par ailleurs, un arbuste des forêts, appelé communément laurier des bois, reçoit des botanistes la dénomination de Daphne laureola ; avec les espèces voisines, il forme le genre Daphne. Sans doute un deuxième malentendu…

Mais quel parfum

Un effluve de giroflée, de jacinthe, de jasmin ou de violette ? C’est selon ! Son parfum enivrant voire exotique est sa principale qualité ; il fait généralement craquer les uns mais parfois trop intense, trop suave, fait grimacer les autres. Cela dit au creux de l’hiver, on est toujours ravi de pouvoir compter sur sa floraison aussi généreuse que rare en cette saison. A part quelques arbustes comme les Hamamelis, Sarcococca, Prunus x subhirtella ‘Autumnalis’, Prunus mume ‘Beni-Shidori’ ou autre Lonicera fragrantissima, il n’y a en effet pas grand-chose à se mettre sous la dent.

Les fleurs généralement petites, solitaires, dans les nuances de violet, rose ou lilas à l’extérieur, – avec une note blanche à l’intérieur -, sont réunies en grappes courtes. Scientifiquement parlant, il s’agit de 4 lobes étalés en forme de tube, les vrais pétales étant absents.

Quant au feuillage, il est selon les espèces, caduc ou persistant voire semi-persistant en fonction des gelées hivernales et de l’emplacement choisi au jardin (abrité ou pas). Les tiges sont résistantes et fibreuses ; avec celles de D. bholua originaire de l’Himalaya, on fabrique là-bas de la ficelle et du papier.

D. bholua ‘Jacqueline Postill’

En pratique

Pour optimiser les chances de réussite, il est judicieux de planter des sujets jeunes, – les racines sont profondes -, car ils ont parfois du mal à s’installer et n’aiment pas être transplantés. Dans tout type de sol frais humifère et drainé, jamais sec. A mi-ombre comme par exemple sous le couvert de grands arbres en compagnie d’hellébores ou de Cyclamen coum. Les espèces à feuillage persistant sont plantés à l’abri des vents froids ou desséchants et des gelées printanières. De croissance assez lente, peu encombrant, le Daphne ne nécessite aucune taille et est vraiment parfait pour les petits jardins.

Feuillage sous le givre © Patricia Limauge

D. mezereum 

Il existe en Europe, 2 espèces poussant dans les bois et les forêts : D. laureola et mezereum. Ce dernier à feuillage caduc est certainement le plus cultivé. C’est pour lui qu’on évoque le bois joli ou gentil. Dès les mois de février/mars, il exhale sur les rameaux jeunes de 1 et 2 ans, des fleurs odorantes mauve, rose pourpré. Réunies en grappes latérales, bien visibles, elles naissent avant l’arrivée des feuilles réunies à l’extrémité des tiges. En août, des fruits rouges pimentés mais malheureusement toxiques apparaissent. D’une hauteur d’1m50, bien résistant, il supporte les -20°C. Plusieurs variétés notamment à fleurs blanches ou rose foncé sont à découvrir.

D. laureola

Originaire du sud de l’Europe, d’1m de haut, son feuillage vert foncé est persistant, coriace et brillant ; il fait penser au laurier. Les petites fleurs mellifères jaune verdâtre à odeur de miel apparaissent en février, avril ; les baies sont noires. Il prospère dans les bois d’Europe centrale et est même naturalisé au Danemark. Une sous- espèce naine, D.l. subsp. philippi fréquente dans les Pyrénées forme des touffes de 40 cm de haut.

D. odora

Originaire de Chine et du Japon, en février/mars, il débute une floraison blanche ou rose foncé en boule parmi des feuilles persistantes allongées et épaisses. D’une hauteur d’environ 1m, à la silhouette arrondie, il est un peu moins rustique, jusqu’à – 15°C. D. odora ‘Aureomarginata’ est assez fréquent dans les jardins. Son feuillage persistant panaché de crème est particulièrement élégant. D’autres sélections comme ‘Double Cream’, ‘Mae-jima’, ‘Marianni’, var. rubra sont à dénicher à la Pépinière Le Try : www.letry.be

D. odora ‘Aureomarginata’ © Catherine Lippens

D. x transatlantica ‘Eternal fragrance’ (‘Blafra’)

Grâce à sa très longue floraison parfumée blanc-rosé, un rien plus tardive, de mars/avril à septembre, voire jusqu’aux gelées, cette nouvelle obtention anglaise de 2004 a le vent en poupe. Elle est en fleurs pendant pratiquement 5 à 6 mois. Son port compact et buissonnant, son feuillage persistant, étroit et allongé en font une plante idéale en pot et pourquoi pas, une alternative au buis. Que lui demander de plus ?

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