Coup d’œil sur les Hydrangea serrata

Photos : Robert et Corinne Mallet et Marie Noëlle Cruysmans

C’est à Varengeville-sur- Mer près de Dieppe, au lieu dit Shamrock, voisin du Bois des Moutiers familial, que Robert et Corinne Mallet rassemblent sur 2,5 ha, environ 1500 taxons différents, – espèces, sous-espèces, cultivars -, issus de la nature et des sélections horticoles obtenues depuis plus d’un siècle. A deux ils les testent, les détaillent, les recensent et les observent dans leur jardin ombragé voué à l’expérimentation, la conservation et la production.  Plusieurs plantes sont directement ramenées du Japon par Corinne Mallet lors de ses expéditions botaniques. In situ, les informations sont recoupées et affinées avec celles d’autres jardins situés dans des zones géographiques différentes. Le tout est soigneusement consigné, classé et archivé. Plusieurs livres font état de leurs recherches et de leurs découvertes. Une fabuleuse banque de données.  En 1999, la collection est labellisée « Collection Nationale » par le CCVS, Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées, dont la mission est de préserver la diversité végétale afin de lutter contre la disparition de nombreuses espèces et variétés botaniques.

Macrophyllae

Avant toute chose, il faut savoir que l’H. serrata est une espèce appartenant au même titre que les espèces H. macrophylla  et H. stylosa à la sous-section Macrophyllae vivant à l’état sauvage uniquement en Asie. Mais pas tous aux mêmes endroits. H. serrata, – que les japonais appellent yama -, croît dans les montagnes des îles Kouriles jusqu’à Taiwan et du sud de la Chine jusqu’à l’est du Japon. Soit une grande aire de répartition, aux origines géographiques assez différentes. A ne pas confondre avec H. macrophylla, vivant dans les régions côtières baignées d’un climat maritime doux. De ce fait découlent les particularités propres à ces végétaux.

Tout d’abord au niveau du feuillage. Les feuilles d’H. serrata  sont plus petites, étroites, mates et rugueuses que celles d’ H. macrophylla. Elles prennent parfois d’étonnantes couleurs automnales. Ses fleurs à la taille également plus réduite, paraissent délicates et moins lourdes. De par son origine montagneuse, sa silhouette est généralement moins imposante, son débourrage plus tardif, vers la mi-avril et sa résistance au froid  bien meilleure.

Jusqu’ici, tout parait d’une simplicité enfantine. Et pourtant. Sachez que quelques hybrides de H. macrophylla et H. serrata collectés au Japon prennent le nom de H. x serratophylla. Vient alors le moment où cela se corse quand à la fin du XIXe, des horticulteurs se mettent à croiser les deux premiers avec le troisième. Comme dans la nature. Les cultivars rappellent alors soit le premier, le macrophylla à la floraison plus abondante et plus longue, soit le deuxième, le serrata aux fleurs plus petites et au feuillage automnal quelquefois bien coloré en situation ensoleillée.

Dans les montagnes

Ceci dit, une chose est certaine, les H. serrata, originaires des montagnes, prospèrent sous un climat maritime et ne dépassent pas 2 m de haut. En moyenne 1 ,20 m. Ce biotope particulier dans lequel ils évoluent leur permet  d’être bien rustiques. En effet, leurs fleurs s’ouvrent sur le bois de l’année alors que celles d’ H. macrophylla poussent sur celui de l’année précédente et sont donc sensibles aux gelées tardives.

Pour obtenir de belles plantes, quelques règles de conduite s’imposent :

–  Un sol drainé, acide ou à tout le moins neutre, ni lourd, ni mouillé.

–  La mi ombre d’un sous-bois ou du soleil mais sans les heures chaudes de midi qui pourraient brûler les floraisons.

–  Un arrosage fréquent en petites quantités  rappelant les montagnes japonaises où l’hygrométrie voisine les 90%.

– Un bon paillage conservant l’humidité et protégeant des vents desséchants.

Les inflorescences des H.serrata apparaissent dès le 15 juin. Leur couleur varie en fonction de la nature du sol et de la présence ou non de sulfate d’aluminium. Soit blanche, soit dans les gammes de rose tirant vers le rouge ou dans celles de bleu. Au fil des semaines, les teintes changent délicatement. Une multitude de nuances. Comme un kaléidoscope. Les fleurs persistent généralement jusqu’à début août. Elles se présentent sous forme de plateau, le bonnet de dentelle ou lacecap des anglais. Au centre sont groupées des petites fleurs fertiles bien serrées, elles-mêmes entourées en périphérie d’une couronne de fleurs stériles. Parfois lorsque ces dernières sont en majorité, elles forment alors une boule que les japonais nomment «temari ».

Leur feuillage tolère le soleil. Pour s’en protéger, il évolue  vers une palette plus foncée voire tirant vers le pourpre. A l’automne, en situation ensoleillée, il vire parfois au feu. Accompagné des fleurs, fanant ou remontant lors d’une deuxième floraison, le spectacle est total. Tout en nuances.

Entretien

Jean-Pierre Péan, membre de l’Association des Amis de la Collection d’Hydrangea ‘’Shamrock’’, un passionné inconditionnel des H. serrata  nous livre quelques astuces.

Lors de la plantation, il préfère le terreau de géranium à la terre de bruyère pour son pouvoir de rétention d’eau très utile et un pH inférieur à 7. Avec ajout de granulés spécifiques de rétention d’eau si la terre est trop sèche. Il recommande l’ajout d’engrais liquide bio pour géranium et tous les trois, quatre ans, du fumier de vache bien décomposé et mélangé avec des feuilles pour ne pas attirer les taupes ni favoriser l’armillaire. Pour un bon développement de la plante, il conseille de mulcher le pied des plantes. Le paillage conserve le froid, évite une reprise trop rapide au début du printemps et garde la fraîcheur en été. En fines couches, la tonte de gazon peut convenir. Elle apporte l’acidité bienvenue.

Pour le reste, il suffit d’arroser peu mais souvent avec de l’eau non calcaire, de tenir les limaces à l’œil surtout dès le mois de février, lorsqu’elles s’attaquent aux jeunes bourgeons. Attention enfin à la concurrence des racines voisines qui pourraient gêner la croissance. Celles des bouleaux, des noisetiers ou des frênes par exemple.

Taille

En règle générale il est utile, pour bien ramifier l’arbuste, d’effectuer chaque année à la fin de l’hiver une taille partielle d’entretien. Seulement sur les plus vieilles tiges. A mi hauteur au dessus de départs de jeunes pousses.  La floraison sera un rien décalée. De juin à octobre.

Les tiges totalement sèches sont coupées à la base. Attention aux H. serrata classiques qui ont des racines assez courtes et ne repartent du pied que si la couche d’humus est suffisamment riche et humide.

Les meilleurs cultivars

Robert, Corinne Mallet et Jean-Pierre Péan proposent selon des critères de beauté et de facilité de culture, leurs meilleurs cultivars.

H. x serratophylla :

• ‘Grayswood’ est un grand buisson de 2m de haut. Un H. serrata ssp. japonica qui se comporte comme un H. x serratophylla.  A mi ombre, ses fleurs changent de couleur au fil des saisons. Les fleurs stériles d’abord blanches puis rose pâle contrastent avec  les boutons fertiles au centre de l’inflorescence. A la fin de l’été, l’ensemble de la fleur vire au rouge cramoisi appelé par les japonais, « beni ».

• ‘Lanarth White’ est un cultivar idéal au soleil ou pour éclairer un sous-bois. Ses fleurs stériles blanc immaculé prennent une belle couleur verte en fanant.

•  ‘Odoriko Amacha’ a une allure élancée. Plutôt grand, 1,80m, ses larges fleurs blanches stériles contrastent avec le centre bleu de fleurs fertiles.

•   ‘Shôjo’, 1,8m de haut a des inflorescences assez larges.  Il fait partie des favoris pour la couleur foncée de ses inflorescences à fleurs plates.

•  ‘Tokyo Delight’ a une taille plutôt moyenne, 1m20 environ. Les fleurs stériles blanches virent doucement au rouge cramoisi et tranchent sur le bleu intense des boutons fertiles. Finalement, la fleur devient entièrement pourpre.

• ‘Warabe’ compact, 0,8 à 1m de haut maximum, présente  des inflorescences en petites boules vertes puis blanches et fanant à nouveau vert tendre.

Nouveautés :

• ‘Ai Hime’ est aujourd’hui  une des plantes favorites des japonais. C’est surtout la couleur vive de ses petites inflorescences qui est frappante. Un H. serrata de taille moyenne.

• ‘Avelroz’ apparait en 2008. Ses fleurs roses foncent au fur et à mesure pour devenir rouge cramoisi dès la mi-août sur un feuillage élégamment coloré s’il n’est pas brûlé par le soleil.

• ‘Kaikyo’  est une nouveauté japonaise d’H. serrata, de taille moyenne,  lacecap de couleur bleu intense dont le cœur de fleurs fertiles a la forme dense de celles de l’artichaut.

•  ‘Santiago’, une variété récente à petit développement,a la particularitéde présenter à maturité des fleurs stériles, simples, doubles et triples. Son feuillage est pourpre foncé à l’automne. Il a reçu de nombreux prix depuis son introduction.

H. serrata ssp. yezoensis :

• ‘Veerle’, sélection drageonnante de Harry Van Trier, ancien conservateur de l’Arboretum Kalmthout.A floraison précoce, – environ 1m de hauteur -, c’est une excellente variété à la floraison bleu foncé profond mariée à un beau feuillage découpé. Elle fane très joliment.

Doubles et classiques :

• ‘Cap Sizun’ est une plante baptisée par les bretons, de taille moyenne rapportée par Corinne Mallet en 2000. Un des rares H. serrata à fleurs doubles et à floraison prolongée.

• ‘Fuji-no-Taki’ est une curieuse variété à la longue floraison. Un H. serrata ssp.angustata de moins d’1m de haut aux fleurs stériles étoilées blanches, doubles et arrondies.

• ‘Kisawa-no-Hikari’ (syn. ‘Otome-no-Mai’) est le plus petit des H.serrata. Ses feuilles et ses fleurs sont d’une extrême finesse. La floraison est très longue.

• ‘Shiro Fuji’, égalementun H. serrata ssp.angustata, est une variété naine de 60 cm maximum aux nombreuses fleurs stériles  dont les sépales blancs triples sont effilés et rosissent en fin de saison. Les feuilles sont étroites et petites. Original, il exige un terrain drainé et la mi ombre.

•  ‘Yae-no-Amacha offre des petites fleurs stériles froufroutantes doubles très caractéristiques recouvrant presqu’entièrement les fleurs fertiles. Une deuxième floraison est souvent attendue. A essayer à l’abri des vents d’est sur sol drainé.

Divers:

• ‘Blue Deckle’, un des H. serrata les plus connus. Buisson assez large, il est reconnaissable à sa feuille effilée et à ses fleurs pâles très dentelées. Il a le bon goût de refleurir une deuxième fois après mi-août.

•  ‘Kurenai’ est un  H. serrata miniature de 80 cm à 1m, aux fleurs stériles blanches se marquant petit à petit de rouge pour devenir entièrement pourpre en fin de floraison. Léger et très frais, il éclaire les sous-bois. Comme ‘Grayswood’ et ‘Preziosa’, il doit être planté à l’est pour que ses sépales virent au rouge.

• ‘Twist- n-Shout’ est un cultivar de la série des  « Endless Summer » au feuillage rouge vif à la fin de l’été. Cette série a la réputation d’avoir des fleurs qui fleurissent à la fois sur le bois de l’année précédente et sur celui de l’année si bien que sa floraison précoce est prolongée jusqu’à l’automne. De ce fait, une gelée tardive sur les boutons ne compromettra pas la floraison de l’été.

LISTE DES H. SERRATA

‘Ai Hime’

‘Ao Yama’

‘Avelroz’

‘Aya Ezo Yae’

‘Beni Gaku’

‘Beni Tsurugi’

‘Beni Yama’

‘Besshi Temari’

‘Blue Billow’

‘Blue Bird’

‘Blue Deckle’

 ‘Cap Sizun’

‘Fugen-no-Hana’

‘Fuji-no-Taki’

‘Fuji-no- Shirayuki’

 ‘Hime Ajisai’

‘Hakucho’

‘Hakusen’

 ‘Hyuga Konjo’

 ‘Iyo Temari’

 ‘Kaikyo’

‘Kisawa-no-Hikari’

 ‘Kurenai’

‘Kurohime’

‘Mikata Yae’

‘Miranda’

‘Miyama Yae Murasaki’

‘Mont Aso’

‘Nikko Blue’

‘Santiago’

‘Sasa-no-Mai’

‘Shibori Ezo’

‘Shiro Fuji’

‘Tiara’

‘Tosa-no-Akatsuki’

‘Tsurugi-no-Mai’

‘Veerle’

‘Wryneck’

‘Yae-no-Amacha’

LISTE DES H. X SERRATOPHYLLA

‘Aira’

‘Juno’

‘Grayswood’

 ‘Lanarth White’

‘Nadeshiko Yama’

‘Odoriko Amacha’

‘Shôjo’

‘Tokyo Delight’

 ‘Warabe’

Shamrock

Depuis 2001, le jardin de Shamrock abrite la collection d’hydrangeas des Mallet. Au départ une simple pâture à vaches, en pente, au pH très légèrement acide. En finale un bois de paulownias choisis pour leur croissance rapide et l’ombre nécessaire propice au développement des hydrangeas. Disposés ici de manière à garder leur port naturel, sans nécessité de taille, ils doivent se débrouiller tous seuls, sans chimie, sans arrosage. La collection est organisée en deux zones. La première dont chaque plate-bande est consacrée à un obtenteur, par pays ou région du monde. La deuxième est boisée. Le Bois du Dragon Vert où sont cultivées les espèces asiatiques de sous-bois.  

L’Association des Amis de la Collection d’Hydrangea  Shamrock regroupe plus de 250 membres. Elle met à disposition des horticulteurs et des chercheurs une base de données constituée d’une bibliothèque, photothèque, d’herbiers, d’un répertoire international des noms de cultivars, d’un journal. Les nouveautés dans le domaine sont épinglées et les distinctions Shamrock mettent en valeur l’une ou l’autre plante exceptionnelle.

Les paulownias de Shamrock

L’expérience d’une dizaine d’années confirme que le paulownia est très bénéfique aux hydrangeas. Leurs racines turgescentes alimentent celles des arbustes installés en sous étage. En plus de l’ombrage, on constate une fraicheur et une hygrométrie supérieure à celle des autres parties du jardin relativement sèches. En outre, au printemps avant l’apparition de leur feuillage, – les fleurs venant sur le bois -, les hydrangeas bénéficient d’un bon ensoleillement propice à leur développement.

Infos pratiques

Jardin Shamrock, route du Manoir d’Ango à 76119 Varengeville sur Mer.
www.hortensias-hydrangea.com

Pépinières spécialisées

• Pépinière de La Thyle, rue de Nivelles, 1490 Court-St-Etienne, Belgique. www.pepinieredelathyle.com
• Pieters Hortensia, Oude Brusselseweg, 38B à 9090 Melle, Belgique. www.pieters-hortensia.tsc.be
• Hortensiartois, chemin de la Chapelle à 62144 Villers au Bois, France, www.hortensiartois.fr
• Sous un arbre perché. La pépinière déménage en Bretagne dans le Trégor, www.sousunarbreperche.fr
• Les Hortensias du Haut- Bois, 18 rue des Hortensias, Taupont, 56800 France,  www.hortensias.fr

A lire

• Hydrangea, Portraits d’hydrangeas de Corinne Mallet , Editions Ulmer  Paris, 2008, ISBN 978-2-84138-309-2. Un ouvrage couvrant la totalité du genre Hydrangea avec plus de 800 photos, en trois langues (français, anglais, allemand)
• Hortensias et autres Hydrangéas de Thierry de Ryckel, Editions Ulmer Paris 2011, ISBN 978-2-84138-523-2
• Hydrangea de Harry Van Trier, Uitgeverij Allmedia 2010, ISBN 9789058561954