Quelle drôle d’idée nous direz-vous de tirer le portrait de cette bête noire dont, après des combats souvent homériques, nous avons tant de difficultés à se débarrasser ? Tout en elle paraît conçu pour terrifier et faire frémir. A la fois, les feuilles, les tiges et les pédoncules des fleurs armés de méchants aiguillons. Le tout formant dans les coins délaissés du jardin des fourrés inextricables. Malaimée, la ronce n’a pas bonne presse et pourtant, elle n’est pas si détestable que ça. Non seulement elle offre un abri sûr aux oiseaux et lapins mais sous ses rameaux épineux et défensifs, elle protège d’autres plantes qui peuvent alors pousser sans crainte. Ceci dit, lorsqu’elle apparait dans un parterre léché, sous un arbuste fétiche ou au bord d’une haie de charme bien taillée, elle rend fou. Et lorsqu’on sait que chaque longue branche s’enracine facilement dès qu’elle touche le sol, la patience n’est plus de mise. Que faire alors pour s’en débarrasser ? Un bon conseil, coupez les branches au ras du sol et surveillez régulièrement. Dès que la pousse réapparait, coupez à nouveau, fauchez, débroussaillez ou tondez. La seule manière d’en venir à bout. Attention, évitez de bêcher le sol à ses pieds car chaque fragment de racine donnerait alors une nouvelle plante et puis … bonjour l’invasion. Mais là n’est pas notre propos d’aujourd’hui. En effet, quelques-unes assez séduisantes voire même gracieuses valent la peine qu’on s’y attarde. Coup d’œil donc sur les Rubus appartenant à la famille des Rosacées, ces ronces dites ornementales un rien sauvageonnes et confidentielles.
Belle comme une rose
Quelques ronces décoratives arbustives, – de 1 à 3 mètres de haut -, exhibent en mai, juin des fleurs au look d’églantines. On les confond souvent avec des rosiers sauvages. Rubus odoratus par exemple, le framboisier sauvage, est cultivé dans les jardins d’ornement depuis bien longtemps. Assez envahissante, elle montre au sommet de ses tiges plutôt raides, des fleurs rose pourpre, parfumées, et des fruits appréciés des oiseaux.

Une des plus réputées pour la délicatesse de ses fleurs est Rubus ‘Benenden’ ou tridel ‘Benenden’ au port joliment arqué dont les grandes fleurs simples, blanc pur, ont de belles étamines jaune d’or. Notez-la dans votre carnet car elle n’a pas d’épines et drageonne peu. R. spectabilis ‘Flore Pleno’ légèrement épineuse, aux tendances expansionnistes, lui vole parfois la vedette. Ses petits pompons de fleurs rose magenta soutenu sont véritablement craquants. ‘Olympic Double’ lui ressemble.
R. spectabilis ‘Olympic Double’ R. s. ‘Flore Pleno’
Elégante comme du plissé soleil
Tantôt rugueux, tantôt velouté, panaché de brun, de blanc ou de rose, large ou étroit, le feuillage des ronces est très différent selon les espèces. Celui de R. lineatus restera toujours gravé dans notre mémoire. Ses tiges non épineuses portent des feuilles exotiques, proches de celles du cannabis ou du chanvre, brillantes, aux petits plis très étroits, d’une finesse sans nom. Sans compter qu’elles sont argentées au revers. Elles nous font penser au « plissé soleil » de la haute couture. Réservez-lui une place de choix, en sous-bois, dans une terre humifère bien drainée, à l’abri des vents froids.

Quant au feuillage éclaboussé de rose et de blanc de R. microphyllus ‘Variegatus’, arbuste au port arrondi buissonnant d’1m de haut, c’est un véritable enchantement au printemps avant de virer au vert en été. Pour provoquer de belles pousses bien colorées, il est utile de le rabattre en février. Un détail, sachez que le feuillage se marquera de rose uniquement si la plante bénéficie de quelques heures de soleil par jour.
Argentée ou dorée tel un joyau
En hiver, les couleurs des tiges se révèlent lorsque les plantes ont perdu leurs feuilles. Une star incontestée est R. cockburnianus ‘Goldenvale’ au feuillage doré et lumineux du printemps à l’automne dont les branches pourpres et arquées sont couvertes d’une belle pruine blanche voire argentée. Un véritable soleil à la mi- ombre, à réserver dans les coins difficilement accessibles où elle peut rejeter à souhait. Prudence, ses épines recourbées sont féroces !

R. thibetanus aux cannes souples argentées dépassant 2m de haut, figure également parmi les meilleures. Non seulement les tiges sont argentées mais le bord des feuilles est aussi délicatement dentelé. ‘Silver Fern’, la fougère d’argent aux reflets bleu gris est à retenir car modestement traçant.
Parfois, les cannes se parent de rouge comme chez R. phoenicolasius, réputée au Japon pour ses excellents petits fruits acidulés, dont les longues tiges, – d’1m80 x 1,80m -, sont couvertes de minuscules aiguillons rouges. R. coreanus ‘Dart’s Mahogany’ présente quant à elle des tiges curieuses d’un noir brillant.

Pratique comme un tapis
Si par hasard vous cherchez un couvre-sol de bonne volonté, vigoureux et s’étendant rapidement, jetez votre dévolu sur R. irenaeus aux grandes feuilles rondes ou sur R. ‘Betty Ashburner’ au feuillage gaufré, dense et brillant persistant à semi-persistant qui prend de jolies teintes écarlates à l’automne. Ou encore R. arcticus aux petites fleurs roses suivies de fruits ressemblant à des framboises ambrées qui, parait-il, goûteraient l’ananas. Toutes celles-ci sont Idéales pour couvrir des talus.
R. ‘Betty Ashburner’ R. irenaeus R. irenaeus