Oui, au jardin, – hormis chez nos voisins hollandais -, la couleur orange compte bien des détracteurs. Il y a ceux qui se rappellent les années 70, envahies de ce ton criard et flashy voire vulgaire sur les robes à grandes fleurs ou les décors d’intérieur et les abonnés aux teintes « layettes » déclinées dans les roses, blancs et bleus. Il y a aussi ceux qui ignorent ses multiples nuances. Qu’il soit abricot, pêche, saumon ou terre cuite, l’orange peut tirer vers le rouge ou vers le jaune, parfois même vers le bronze. La palette est infinie.

Aujourd’hui, plus question de le reléguer au potager au rayon des cucurbitacées, dans les jardins de curé parmi les zinnias et les soucis ou dans les coins sauvageons avec les capucines. Introduisons-les de-ci de-là, pour ponctuer l’ensemble, le rendre plus tonique ou vitaminé et apporter un peu de soleil à nos contrées qui en manquent cruellement. A toute saison, son lot d’orange mais à l’automne, lorsque la lumière est plus rasante et que les feuillages se parent de teintes flamboyantes, le feu passe inévitablement à l’orange.
A Giverny, dans le jardin de Monet
Épicé ou exotique
L’orange brûlant, exotique voire synthétique en compagnie du rouge et du jaune dans tout « hot garden » qui se respecte, pourquoi pas, c’est tendance. Ou bien l’orange doux et soyeux en compagnie de couleurs plus froides. Moins « m’as-tu vu » ou « tape à l’œil », il devient alors plus naturel, plus sage, subtil et raffiné. Pour le qualifier, on se réfère alors aux curry, safran, paprika, curcuma, colombo, les épices du soleil et de l’orient. Pour les moines bouddhistes, il est couleur de la sagesse et de la méditation. N’ayant absolument pas l’agressivité du rouge, il a une consonance résolument positive, d’où sa présence dans la majorité des jardins thérapeutiques car il exprime la joie de vivre. A retenir.
Bette Rudbeckia triloba ‘Prairie Glow’ Kniphofia
L’orange rapproche
Comme le dit Robert Mallet dans son livre, L’Optique des jardins, (Editions Ulmer 2004) : « Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’utilisation judicieuse des couleurs peut transformer totalement la perception de l’espace… ». En effet, l’orange installé en fond de massif donne souvent l’impression que les distances sont diminuées, que la profondeur est moindre. Avec lui, la perspective semble plus proche qu’elle n’est en réalité. C’est pour cela que l’on dit que l’orange rapproche.
Château de Valençay
Mieux perçu par l’œil que les autres couleurs, les paysagistes s’accordent à dire qu’il est utile pour dessiner les contours ou les lignes du jardin là où le soleil règne. Les « hot borders » sont d’ailleurs toujours découverts en été, lunettes sur le nez pour adoucir l’ensemble. Ceci dit, l’orange doux peut, comme les teintes dorées, égayer les coins d’ombre. En compagnie du rose, l’effet est très « haute couture » alors qu’avec le bleu l’effet est plutôt tonique. Si l’orange tend vers le jaune, plantez un bleu qui s’associe au vert ; s’il tend vers le rouge, préférez un bleu violet.
Rosa ‘Joseph’s Coat’
A l’automne
A chaque saison correspond diverses couleurs. Les lumières changent et leur apportent des nuances différentes. A l’automne, le jardin tire tranquillement sa révérence avec panache et générosité. Les frissons de l’hiver sont encore loin et l’été vient de jeter ses derniers feux. C’est souvent la saison préférée des jardiniers. La palette est plus uniforme, les tonalités chaudes priment et se répartissent dans la gamme chromatique allant du jaune au rouge. Toutes les couleurs intermédiaires orangées, pourprées et cuivrées les modèrent, dans une harmonie reposante sous une lumière plus douce. Un instant de grâce.
Comme des derniers soleils, les fleurs se bousculent encore avec la troupe des tournesols, Helianthus, Helenium et autres Rudbeckia suivie par celle des chrysanthèmes, Chrysanthemum ou Dendranthema. Les dahlias restent fidèles au poste. Ils produisent sans fin et à profusion des myriades de fleurs jusqu’aux premières gelées.
Helenium ‘Sahin’s Early Flowerer’ Chrysanthemum ‘Coup de soleil’
Les fruits sont aussi les trésors de l’arrière-saison, jusqu’en hiver. Quelques Malus, Sorbus, Cotoneaster, Viburnum, Cornus, Crataegus et rosiers bien choisis offrent leurs baies bien au-delà de la chute des feuilles et parfois jusqu’à Noël. Pour les oiseaux, hérissons et écureuils, ils sont vraiment indispensables.
Cotoneaster lacteus Malus ‘Evereste’ Rosa ‘Mozart’
Quant au feuillage des arbres et des arbustes, il n’est pas en reste et apporte ses couleurs changeantes à l’ensemble. Les teintes mordorées des graminées sont très présentes en ce moment de l’année.
Vitis coignetiae Quercus palustris ‘Pendula’ Acer palmatum ‘Sango Kaku’
Orange un jour, orange toujours
Tout au long de l’année, vivez le jardin en orange :
- Au printemps : euphorbe, fritillaire impériale, giroflée, primevère, tulipe ou narcisse…
- En été : Benoîte, bignone, capucine, crocosmia, dahlia, hémérocalle, hélianthème, œillet d’inde, pavot de californie, souci…
- A l’automne : chrysanthème, fruits des fusains, pommiers d’ornement, houx, pyracantha, rosier, cucurbitacées et les nombreux feuillages…
- En hiver : les écorces du bouleau, Betula ermanii ‘Grayswood Hill’, de l’érable, Acer griseum, du cornouiller, Cornus sibirica ou sanguinea, du saule, Salix alba var. vitellina ou du prunier d’ornement, Prunus maackii ‘Amber Beauty’…
