Une leçon de nature au quotidien…Ecosem, la sauvegarde de la flore indigène

Née d’un plaidoyer en faveur de la protection des plantes sauvages, la société Ecosem produit des semences de fleurs sauvages et des plantes indigènes en conteneurs. Son emblème, le coquelicot rouge à l’aspect fragile et délicat ravive en chacun de nous de jolies images champêtres.
Chrysanthème des moissons

Une plante est dite « sauvage » lorsqu’elle pousse dans un lieu, pourquoi pas un jardin, sans y être cultivée. Chacun a dans un coin de la mémoire, ce souvenir campagnard d’un bleuet un rien nostalgique… Mais pourquoi s’intéresser aujourd’hui aux fleurs sauvages alors qu’elles ont été indésirables voire même jugées « mauvaises herbes » pendant des siècles ? Depuis longtemps, les milieux herbeux, prairies et friches ne cessent de s’appauvrir au grand dam des naturalistes qui crient au désert biologique. Beaucoup d’entre elles ont régressé ou même disparu suite à la destruction des milieux naturels. Et avec elles, un lot d’insectes, de papillons, d’oiseaux et autre faune locale. L’agriculture intensive, l’utilisation d’engrais, d’herbicides et l’urbanisation galopante y sont pour quelque chose. La nielle des blés, Agrostemma githago, par exemple, est dorénavant absente des catalogues. Il ne reste plus que les hybrides et les cultivars qui en sont issus.

Chrysanthemum segetum

Pour beaucoup, les « sauvages » sont dites indigènes ou originaires de la région où elles poussent. Cependant de belles étrangères, telle la mauve de Mauritanie, Malva sylvestris subsp. mauritiana, colonisent parfois nos contrées et sont devenues parfois carrément envahissantes. Certaines de ces espèces exotiques importunes, la balsamine de l’Himalaya, Impatiens glandulifera, le séneçon sud-africain, Senecio inaequidens, et la renouée du Japon, Fallopia japonica, deviennent rapidement « maîtres de la jungle ». Plus moyen de s’en défaire !

« La philosophie de base de la culture des fleurs sauvages est de collaborer avec la nature et de faire pousser ce qui s’épanouit spontanément sur place. Les fleurs et les graminées sauvages, de même que les arbres et les arbustes indigènes, sont adaptés aux conditions locales » (Noël Kingsburry, les jardins de fleurs sauvages, Hatier 1994). Il est donc inutile de contraindre le végétal à se conformer à nos envies personnelles et inutile de modifier son terrain de prédilection pour l’installer coûte que coûte. Remplacer un sol calcaire par de la terre de bruyère pour y inviter les rhododendrons devient scabreux. Le propos est ici tout autre. Préserver le patrimoine génétique des espèces sauvages indigènes adaptées à nos climats et types de sol en évitant l’introduction de plantes d’origine lointaine, voire de variétés horticoles, devient une priorité. La fausse raiponce, Campanula rapunculoides, en voie de disparition et trouvée le long d’une voie ferrée à Chastre a été sauvée. Elle est destinée aux espaces caillouteux, attire les guêpes et abeilles solitaires et se marie avec bonheur à la valériane rouge, Centranthus ruber.

Une collection à Louvain-la-Neuve

Louvain-la-Neuve est devenu le foyer d’accueil et de prédilection des semences récoltées dans la nature. Sous la houlette du laboratoire d’écologie des prairies de l’UCL et avec le soutien de la Région wallonne, un programme de récolte et de mise en collection d’écotypes de plantes sauvages caractéristiques des milieux prairiaux est mis en œuvre. Le principe consiste à renforcer les populations locales à large répartition géographique. Environ 70 plantes du terroir sont déjà sélectionnées. Selon les principes de phytogéographie et eu égard au fait que la graine garderait le souvenir de ses conditions d’origine, la distribution des plantes est effectuée sur une parcelle partagée en trois districts : brabançon limoneux au nord-ouest de la Meuse, mosan calcaire et ardennais acide, au climat plus rigoureux.

Ecosem se charge alors du suivi en achetant les semences des cultures mères et en les multipliant à grande échelle par l’intermédiaire d’agriculteurs locaux sur 4 ha de champs. En juin dernier, à Rèves, nous avons été envahies d’une grande bouffée de nature et de couleurs : un immense champ de bleuets, ponctué de camomilles. Amateurs et défenseurs de la binette, les fermiers s’engagent à recourir le moins possible aux herbicides. Quelques adventices, comme rumex ou oseille, s’insinuent inévitablement. Si elles sont en graines, il faut obligatoirement les enlever à la main. Un homme est dès lors placé devant la moissonneuse batteuse pour les éliminer. Sur une parcelle, il est sage d’éviter la cohabitation de mêmes familles de plantes ou de celles qui comportent la même granulométrie des semences. Ceci pour échapper à l’imbroglio au moment du triage…

Vient le moment crucial de la cueillette, décidé de visu, selon les conditions météorologiques. La surveillance du terrain à cette époque est donc primordiale. Gare aux oiseaux qui, mouches du coche, picorent les graines et en détournent une partie à leur profit. Par ailleurs, celles de la knautie des champs, Knautia arvensis,et de la centaurée scabieuse, Centaurea scabiosa,sont recueillies à la main car leur floraison se renouvelle sans cesse et ne permet pas la récolte en une seule fois alors que les grandes marguerites, Leucanthemum vulgare, moins subtiles, sont toutes coupées en même temps mécaniquement. Un aspirateur souffleur à moteur vient à la rescousse pour s’emparer des plus délicates qui s’envolent au moindre coup de vent, notamment le salsifis des prés, Tragopogon pratensis. Les semences produites sont récupérées, séchées et triées, conditionnées puis revendues. Il faut parfois attendre trois ans entre les deux dernières opérations pour respecter la dormance propice à une bonne germination. C’est le cas de Knautia arvensis. Reste enfin à gérer les stocks : 300 kg de marguerites attendent impatiemment les amateurs d’univers agreste !

La boucle est bouclée. L’ambition d’Ecosem est de recueillir plus de 180 espèces, choisies selon des critères écologiques, de robustesse, d’esthétique et de bonne pollinisation. Vous comprendrez aisément maintenant que ce travail de précision justifie le coût de la semence. Il varie selon la grosseur : les minuscules graines du saxifrage granulé, Saxifraga granulata, et de la jasione des montagnes, Jasione montana,coûtent plus cher.

Un peu de vigilance

Il faut se méfier des mélanges au titre évocateur de « fleurs sauvages », « bouquet des champs » et « fleurs des prés » que l’on trouve le printemps venu, dans les rayons des jardineries. A y regarder de plus près, vous constaterez que certaines plantes mentionnées sur le sachet ne font pas partie de la flore locale, que d’autres sont des hybrides horticoles, des plantes de milieux inadaptés, des annuelles mélangées à des vivaces… Quelle déception ! L’effet de mode est souvent bien désastreux ! Ecosem a décidé de ne vendre au public que des mélanges fiables et contrôlés.

Un mélange mellifère est spécialement conçu pour la lutte biologique dans les vergers. Testé par différents laboratoires universitaires tant à l’UCL qu’à Gembloux et dans la station de Gorsem au nord de Saint-Trond, il a porté ses fruits. Des fleurs de centaurée, de chrysanthème des moissons, de tanaisie et de carotte sauvage y sont cultivées en lignes, entre les arbres basses tiges, afin d’attirer la faune auxiliaire, chrysopes, syrphes, carabes et coccinelles. Pas moins de 20 syrphes différents ont été recensés… prêts à se mesurer aux pucerons. Le résultat est stupéfiant et les insecticides rangés au placard. En plus, les auxiliaires pollinisateurs s’en donnent à cœur joie…

Conservatoire botanique

Ecosem, à la vocation de conservatoire botanique, travaille sur un véritable programme actif de sauvegarde de la flore. La collection ne s’arrête pas aux semences. Des arbustes à petits fruits, framboisiers, groseilliers, sureaux à grappes, églantiers, néfliers non greffés, poiriers et pommiers sauvages sont également proposés à la vente. La société contribue à la création d’espaces naturels et à la réalisation de haies bocagères. La production de bulbes indigènes tels ail des ours, jonquille, jacinthe et ornithogale ou dame d’onze heures l’intéresse ainsi que l’iris jaune, Iris pseudacorus, et la salicaire commune, Lythrum salicaria, des plantes semi-aquatiques utiles aux berges des cours d’eau. Actuellement, 9.000 plantes sont protégées !

Elle entretient un partenariat avec les ASBL Domaine de Chastre et Le Crabe qui cherchent à réinsérer dans la vie socioprofessionnelle chômeurs et autres personnes en difficulté relevant du CPAS. Ceux-ci reçoivent une formation et fournissent en contrepartie la main-d’œuvre nécessaire à la réalisation des chantiers et la mise en pot des plantes vivaces. Associer nature et social, un souhait dorénavant concrétisé.

Ecosem, c’est aussi un service d’expertise et de gestion de sites en faveur de la biodiversité, dans le cadre de réaménagements écologiques. Les projets sont privés ou publics. La « végétalisation » de milieux urbains, le réaménagement d’anciennes carrières abandonnées, la restauration de terrils ou la création d’espaces verts dans des zonings industriels, la « verdurisation » des bords de route, des cours d’eau et des toitures deviennent prioritaires. Participant activement à l’encadrement des promoteurs de projets pour le compte du Fonds Gaz Naturel pour la Nature et pour celui de la « semaine de l’arbre » organisée par la Région wallonne ou à l’aménagement des sentiers RAVeL, la société veille au maillage écologique en incitant à multiplier des couloirs de nature en dehors des réserves naturelles.

Fleurs des champs

Il y a souvent confusion, entre parcelles de fleurs des champs ou messicoles et prairies fleuries proprement dites. Les premières sont des annuelles semées sur des sols retournés chaque année, incapables de survivre dans des prairies. Compagnons et chrysanthèmes des moissons, coquelicots, bleuets, nielles des blés se ressèment tous seuls comme à l’époque, sur les champs de notre enfance. Les prairies fleuries sont quant à elles, réalisées à partir de plantes vivaces parfois accompagnées la première année par quelques annuelles pour augmenter le foisonnement des couleurs. Au-delà, la cohabitation se révèle désastreuse car les vivaces prendront toujours le dessus sur les annuelles.

Technique

Pas facile de gérer une prairie fleurie ! Comment faut-il préparer le sol, quand faut-il semer, quand et combien de fois faucher, ramasser ou pas… sont un tas de questions qui hantent le jardinier aventureux. S’il ne doit pas s’interroger sur la qualité du mélange approprié, il aura déjà gagné un temps précieux.

La sarabande des sauvageonnes

Les plus accommodantes quant au sol sont les grande marguerite, salsifis, centaurée et géranium des prés, bouton d’or, trèfle des prés, vesce à épis, luzerne, mauve sauvage, cerfeuil sauvage, carotte et millepertuis commun.

Pour sols secs les achillée millefeuille, compagnon blanc, lotier corniculé, mauve musquée, renoncule bulbeuse, primevère officinale, knautie des champs, origan, chicorée sauvage et plantain lancéolé.

Pour sols humides les renoncule rampante, brunelle commune, fleur de coucou, oseille sauvage, cardamine des prés, consoude officinale, angélique sauvage, eupatoire chanvrine, salicaire commune et succise des prés.

Infos pratiques 

SPRL Ecosem, Pascal Colomb, Génistroit 1 B-1348 Louvain-la-Neuve, Belgique, www.ecosem.be

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