Le « Beau jardin du paresseux » fait rêver, paradis où les mauvaises herbes ne narguent plus votre « binette », étouffées par de merveilleux petits couvre-sols, capables de discerner d’eux-mêmes le bon grain de l’ivraie. De grandes espérances reposent sur leurs épaules. On exige d’eux, effet décoratif époustouflant et pousse rapide. « Bouche-trous » temporaires ou définitifs, on leur confie les endroits les plus déshérités du jardin, trop humides, trop à l’ombre ou trop abrupts, là où quasi rien ne pousse. On les prie de s’adapter aux situations les plus ingrates, au pied des arbres, sur les talus, dans les sous-bois, là où les autres ont depuis longtemps échoué et de préférence de se débrouiller seuls. Rude tâche. On attend toujours le miracle.
La notion de couvre-sol est assez imprécise. Sans viser un groupe de végétaux déterminés, elle rassemble un méli-mélo de plantes à feuillage persistant ou non, qui rampent ou qui tapissent le sol, avec une limite approximative de 50 cm de haut.
Recouvrir le sol est extrêmement utile pour maintenir l’humidité, éviter le refroidissement hivernal et le garder à peu près exempt de mauvaises herbes. De toute façon, un sol habillé est toujours plus joli qu’un sol nu. Il n’y a rien de nouveau à cela, si l’on se souvient que naturellement, la terre est couverte. Dans les forêts par les feuilles qui tombent à l’automne, dans les terrains vagues par les adventices qui s’installent dès la première minute. Ce n’est pas pour rien que c’est le précepte numéro 1 du jardinage biologique.
Gare aux envahisseuses
Les plantes couvre-sols se développent principalement à l’horizontale, sauf lorsque plantées côte à côte, elles forment des touffes comme les lavandes. Elles grandissent vite et la surface recouverte augmente d’année en année. Chaque espèce dispose d’un mode de propagation qui conditionne la rapidité et l’efficacité avec lesquelles elle s’étend. Plantes radicantes tel le lierre aux longues tiges souples qui s’enracinent, drageonnantes tel le Geranium macrorrhizum, stolonifères tel le fraisier ou étalées telle l’Alchemilla mollis.
G. mac. Alchemilla m.
Certaines se révèlent parfois si envahissantes qu’elles deviennent une peste pour le jardinier. Qui n’a pas déjà fait les frais de l’ardeur de la podagraire, Aegopodium podagraria, notre « zevenblad » local, du lamier, Lamiastrum galeobdolon capable de tenir tête aux orties sans parler du Solidago bien étrangement dénommé « verge d’or ». Eviter absolument d’introduire chez vous ces agressives et refuser sans scrupules les cadeaux de l’ami ou du voisin qui vous veut pourtant du bien ! Attention au millepertuis belliqueux, l’Hypericum calycinum aux fleurs jaunes, qui ne déposera jamais les armes.
Fleurs d’Aegopodium
Le gazon, une valeur sûre
Le meilleur couvre-sol est sans doute le gazon. L’herbe n’a pas son pareil pour former, sous le soleil, un tapis agréable à l’œil et au pied. Bien entendu, une pelouse demande un rien d’entretien, surtout si on la conçoit « à l’anglaise » : des tontes régulières, la taille des bordures au cordeau, de l’engrais deux fois par an, du désherbant sélectif luttant contre les pissenlits, chardons et pâquerettes et une scarification annuelle lorsque la mousse prend inexorablement le-dessus. Certains découragés succombent alors au mythe de la prairie fleurie. « Bonjour » les difficultés. Qu’elle soit composée de fleurs des champs annuelles ou de plantes vivaces, elle n’est pas si facile que cela à réaliser. …A n’envisager que par des jardiniers avertis !
Jardin De Wiedenhof
Du bon usage du paillage
Toute autre chose est le paillage. « Mulcher » est une pratique ancestrale qui consiste à disposer sur la terre une couche de matériaux organiques, compost bien mûr ou fumier noir et presque décomposé. Le résultat est probant : limitation des mauvaises herbes et fraîcheur du sol assurent un meilleur développement de la plante. La binette et l’arrosoir en quarantaine… on croit rêver…
Les écorces de pin sont dans le vent. On les repère à leur teinte brun rougeâtre et à leur prix raisonnable. Méfiez-vous de leur degré d’acidité qui peut anéantir en quelques semaines vos rosiers. En revanche, elles sont inoffensives dans les massifs de plantes de terre de bruyère. Rhododendrons et Cie exigent un sol acide.
Les cosses de cacao prennent du galon. Leur PH neutre permet de les utiliser à toutes les sauces. Ce sont en réalité les coquilles des fèves à la couleur et à l’odeur agréable de chocolat, approuvées en jardinage biologique. Contenant des oligo-éléments et des fertilisants organiques, elles deviennent une véritable fumure pour le sol.
A l’heure où la gestion des déchets coûte cher, le broyat de copeaux de bois est un bon exemple d’économie et de recyclage.
Mais sans doute, un couvre-sol naturel est-il plus esthétique et plus économique…
Un décor permanent
Les plantes à feuillage persistant sont les plus efficaces contre les mauvaises herbes. En effet, celles à feuillage caduque laissent durant l’hiver la place à une ou deux générations d’indésirables.
Le lierre, quelques cotoneasters, la petite pervenche, Vinca minor, le Pachysandra, les hybrides de lamier, les campanules des murs, l’Ajuga au feuillage sombre et aussi l’Epimedium, au feuillage marcescent se révèlent indispensables.
Vinca Epimedium
Un peu raide ce talus
Les couvre-sols sont les « coussins » de prédilection des talus. Providentiels, leurs racines traçantes retiennent les terres. Certains à développement plus rapide évitent le ravinement provoqué par les orages. En commençant la plantation par le bas, en quinconce, le résultat est plus naturel. Pour les grands talus, mieux vaut prévoir des terrasses maintenues par du bois d’« azobé », des billes de chemin de fer, des murets de pierre sèche, du béton (à cacher au plus vite). Elles facilitent l’accès et l’entretien.
Le fusain rampant, Euonymus fortunei, meuble sans coup férir, les déclivités à tendance calcaire. Ses tiges s’allongent et égaient le sol de son feuillage persistant parfois marginé de blanc ‘Emerald Gaiety’ ou de jaune ‘Emerald Gold’.

Quelques rosiers soigneusement choisis habillent les pentes ensoleillées de leurs couleurs et de leurs senteurs. Une nouvelle famille de roses dite « de paysage » a fait son apparition, surtout utilisée dans les jardins publics où elle peuple les grands espaces en étouffant tout sous la végétation. Chez Louis Lens, plusieurs obtentions : Rosa ‘Green Snake’, ‘Petit Serpent’, ‘Pink et White Spray’, ‘Tapis Volant’ et ‘Robe Fleurie’ sont parmi les plus connues. Ajoutez-y, ‘Fil des Saisons’ une nouveauté d’Ann Velle des Pépinières Louis Lens et d’autres tels ‘Nozomi’, ‘Kent’, ‘Frau Dagmar Hastrup’, ‘Snow Pavement’ … qui ont déjà fait leur preuve.
Rosa ‘Robe fleurie’
Marche à l’ombre
Il y a ombre et ombre ! Il y a celle du sous-bois, du pied dégarni des arbustes, des murs mal exposés, l’ombre sèche ou au contraire les contrebas à l’humidité stagnante. La notion est floue : un cèdre laissera plus de chance à un couvre-sol qu’un thuya…Le gazon n’y pousse pas, faute de lumière. Moult tentatives échouent pour diverses raisons, souvent dues à la cohabitation difficile avec les racines des arbres. Curieusement, les jardiniers semblent perplexes face à cette situation et l’inspiration leur manque. Et pourtant, les pépiniéristes ont plus d’une solution dans leur « sac ». Laissez-vous guider !
Hydrangea petiolaris
Certains géraniums vivaces sont devenus définitivement les rois de la mi-ombre. Leur succès tient non seulement à leur facilité d’adaptation mais aussi à leur floraison étalée et à leur joli feuillage. Ayant tendance à se multiplier, ils forment de merveilleux couvre-sols. Le Geranium nodosum accepte même l’ombre dense. Le Geranium phaeum printanier se ressème à l’envi, le Geranium pratense aime les sols humides alors que les macrorrhizum et cantabrigiense se plaisent dans des sols secs et pauvres (par exemple au pied d’une haie de conifères). D’autres, tels Geranium oxonianum et wlassovianum ont besoin d’un minimum de soleil et conviennent aux endroits sauvages où ils luttent efficacement contre les adventices.
G. nodosum ‘Clos du Coudray’ G. cantabrigense
Des grimpantes couchées et des bulbes en liberté
Laisser courir en liberté Hydrangea petiolaris, chèvrefeuille et certaines clématites, l’effet est garanti. On n’y pense pas toujours. L’hydrangea a besoin de quelques années pour s’installer avant de démarrer du feu de Dieu. Mieux vaut choisir des chèvrefeuilles et des clématites particulièrement vigoureux. Lonicera peryclimenum, Clematis heraclifolia, Clematis x jouiniana et même montana se prêtent facilement au jeu.
Au printemps, les bulbes recouvrent avec gaieté le sol dénudé. En effet, quelques-uns, les botaniques, se disséminent au pied des arbres et des arbustes qui n’ont pas encore retrouvé leur feuillage. Le Crocus tommasinianus, la jonquille des bois, Narcissus pseudonarcissus, la jacinthe, Hyacinthoides hispanica et non-scripta, le scille de Sibérie, Scilla siberica et la Tulipa sylvestris se montrent conquérants. Laissez votre jardin « s’ensauvager », il n’y a rien de plus facile !

A vous de planter maintenant
Il est utile de bien connaître la hauteur et surtout l’étalement des plantes choisies. En général on convient que les petites de 20 cm de haut s’espacent de 40 cm alors que celles de 40 cm se planteront à une distance de 60 cm environ. Installez-les en quinconce. Bien entendu, au plus serré sera la plantation, au plus dense sera votre tapis mais vous devrez plus vite éclaircir et diviser vos plantes.
A chaque situation, son couvre-sol…
Au soleil : Thymus, Stachys byzantina, Teucrium, Nepeta, Helianthemum, Ceratostigma plumbaginoides, Ceanothe thyrsiflorus repens, Campanula portenschlagiana, un grand nombre de géraniums vivaces et les lavandes, sauges, santolines, alchémilles (plantes à tout faire), bruyères… Certaines parmi elles préfèrent les terres drainées …
A l’ombre sèche : Euonymus fortunei, Epimedium, quelques Geranium vivaces, Vinca minor, Waldsteinia ternata, Pachysandra terminalis, Cyclamen et les hybrides de lamier…
A l’ombre humide : les fougères en général, Tellima grandiflora, Tiarella cordifolia, Heuchera, Houttuynia cordata, le bambou rampant Sasa pumila, Brunnera macrophylla, Viola labradorica, Ajuga reptans, Polygonum affine, Hosta, et astilbes…
Ajuga