Belle et graphique digitale

Une des plantes ornementales les plus anciennes et les plus élégantes de notre flore indigène aimée des bourdons et, malgré son caractère toxique, des jardiniers

De la famille des Scrofulariacées, c’est sa fleur campanulée en corolle tubuleuse assez large et profonde pour y mettre le doigt, qui est à l’origine de son joli sobriquet de « dé ou gant de Notre Dame », « doigt de la Vierge » ou encore « gant de bergère ». Espèce des prairies forestières européennes et des clairières, elle apprécie les bois clairs et les sols acides, ainsi que les sols granitiques ou sableux. Elle supporte le soleil à condition que le sol reste frais. Près des arbustes, comme les Deutzia ou Philadelphus, – les seringats parfumés -, à mi- ombre dégagée des grands arbres, elle fait bon ménage avec les fougères ou les gracieuses ancolies.

En mouvement

Plante herbacée bisannuelle ou vivace à vie brève, elle apparait la première année avec une petite rosette de feuilles douces, couvertes d’un duvet laineux. Il faut attendre la deuxième année, pour que la tige grisâtre et poilue s’étire jusqu’à 1m à 1,50m de haut environ pour se terminer par de longs épis aux grappes de fleurs, soyeuses, luisantes et pendantes, roses légèrement violettes voire pourpres et parfois blanches chez la digitale commune, Digitalis purpurea. On la reconnait notamment aux taches plus foncées à l’intérieur des corolles. Après la floraison de juin, juillet, apparaissent des fruits en capsule contenant des centaines de petites graines qui sont répandues allègrement par le vent. Ce qui explique qu’elle se ressème si spontanément et qu’elle sera toujours au rendez-vous en début d’été. Sachant qu’elle ne vit pas longtemps, laissez-la en place et encouragez le semis spontané en secouant les tiges à la fin de la floraison. Germant après avoir été exposée à la lumière, on constate parfois de véritables raz de marée de digitales après des coupes massives dans les forêts.

Attention danger

La toxicité de la digitale est connue depuis fort longtemps même si cela n’apparait pas explicitement dans les grands ouvrages médicaux de l’Antiquité. On sait qu’au moyen âge, elle est régulièrement utilisée dans des potions magiques. Au XVIIIème siècle, on l’utilise de manière thérapeutique depuis qu’un médecin anglais constate ses effets positifs et son efficacité tonicardiaque. Elle devient alors, à faible dose, l’un des premiers remèdes cardiaques utilisé dans le domaine de l’insuffisance cardiaque et des troubles du rythme.

Dans son livre, Les Vertus des plantes, Editions du Chêne, p109, Jean-Marie Pelt précise : « Les extraits des feuilles de digitale et les substances actives qu’elles contiennent, notamment la digitaline, exercent un triple effet : ils renforcent, régularisent et ralentissent les battements cardiaques… de précieuses substances cardiotoniques, – encore appelées cardiotoxiques selon que l’on met l’accent sur leurs propriétés thérapeutiques ou sur leur toxicité… ». En effet, prudence, elles contiennent un alcaloïde puissant appelé la digitaline.

Même s’il faut savoir que l’ingestion de quelques feuilles séchées pourrait être mortelle pour l’homme, on constate que les empoisonnements sont plutôt rares. Il y a plusieurs explications à cela. Le goût assez amer de la feuille, le look vénéneux des fleurs bien peu appétissantes et le fait que généralement, elle produit un effet vomitif pour l’étourdi qui aurait voulu la goûter. De toute manière, en cas d’ingestion, il faut agir vite, se rendre chez le médecin ou appeler le centre antipoison. Et après manipulation, notamment pour réaliser un bouquet, il est utile par précaution, de se laver les mains. Sachant cela, ne vous en privez pas, plantez-les donc en fond de massif ; elles ne sont d’ailleurs pas les seules toxiques du jardin. Le muguet, le laurier rose en région méditerranéenne, l’aconit ou l’Helleborus niger le sont également.

Que choisir ?

Vous trouverez les digitales dans les jardineries, en semences ou en godets et vous serez étonnés de voir la quantité de variétés différentes.

  • Digitalis purpurea, la digitale commune, dite pourpre, naturalisée chez nous, est la plus simple et la plus rustique. ‘Alba’, sa forme à fleurs blanches, est magnifique mais attention, elle est vite éliminée dans la nature du fait de la pollinisation croisée. Dans les jardins, si vous sélectionnez uniquement les blanches en éliminant les autres, elles pourront alors perdurer. Sachez seulement que la forme blanche produit moins de graines et germe moins facilement. ‘Sutton’s Apricot’ a des fleurs rose pêche, ‘Gloxiniiflora’ des fleurs plus grandes largement ouvertes, rose saumoné, jaune crème, pourpres ou roses.
  • Digitalis grandiflora, à grandes fleurs comme le dit son nom, est indigène en Europe centrale jusqu’en Sibérie. Ses fleurs jaune pâle sont maculées de brun rougeâtre à l’intérieur. Souvent vivaces au jardin, moins hautes, 80 cm, elles supportent le calcaire et un soleil pas trop fort.
  • Digitalis lutea, la digitale jaune, pousse naturellement en Espagne, mais on la rencontre aussi chez nous, notamment en Ardenne et dans les régions voisines. Pas plus haute que 70 cm, à feuilles étroites et à petites fleurs jaune pâle à blanchâtres, elle fleurit longtemps et se débrouille parfaitement en sol calcaire.
  • Digitalis lanata, la digitale laineuse, originaire d’Europe du sud-est et d’Asie mineure, aux fleurs brunâtres et blanches veinées de brun jaune à l’intérieur, fait partie des espèces basses.
  • Digitalis ferruginea est une vivace majestueuse à floraison un rien plus tardive dont la variété ‘Gigantea’ aux fleurs jaune, brun est souvent rencontrée dans les jardins.
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