Les astilbes ne datent pas d’aujourd’hui. Elles ont eu leur heure de gloire au début du siècle passé chez les fleuristes, comme fleur coupée, en bouquet sec ou grâce au forçage, dans les potées de début de printemps. Depuis, chaque année, apparaissent de nouveaux cultivars, dans le but d’améliorer la floraison ou le feuillage. Avec eux, les confusions de noms sont fréquentes : soit le même pour différentes plantes, soit plusieurs noms pour une même plante. Prudence. Certains jardiniers la trouvent rigide et la jugent un peu trop militaire ; c’est sans connaître les sélections plus aérées et naturelles, des « nuages » qui font le bonheur des plantations naturalistes.
Mi-ombre fraiche

L’astilbe fait son petit effet dans les sous-bois clairs et humifères. Également au bord des pièces d’eau et des rivières ou dans les zones humides du jardin. Un sol riche, neutre ou acide, garantit un bon développement. Rustique et très résistante, très florifère, elle ne présente aucun souci de culture, ne demande aucun entretien, à part une division tous les 4,5 ans pour encourager la floraison. Elle n’a pas vraiment d’ennemi, même les limaces la laissent tranquille. Au soleil, elle se débrouille pas mal en terre humide en permanence, par exemple lorsque la nappe phréatique n’est pas bien loin.
Longtemps, elle est intéressante : en commençant par le printemps et l’arrivée du feuillage découpé comme une fougère, puis l’été avec les épis, véritables panaches de minuscules fleurettes colorées et vaporeuses tantôt denses, tantôt légères. Quelques couleurs de feu pour certains cultivars à l’automne et en hiver, ce qui est un atout décoratif non négligeable, une belle tenue, attrayante, même sèche et fanée. Sans oublier ses fleurs riches en nectar qui attirent son lot d’insectes.
Venue d’Orient

Injustement oubliée, l’astilbe est revenue sur scène grâce à l’apparition de nouvelles variétés. De la famille des Saxifragacea comme ses cousins les saxifrages, heuchères, Rodgersia et autre Bergenia, elle est originaire d’Asie. Il existe différentes espèces, périodes de floraison, hauteurs, formes et couleurs de fleurs et feuillages. Les épis se déclinent en blanc, crème ou pourpre en passant par le rose pâle et le rouge. Parmi les espèces intéressantes :
- A. chinensis au feuillage plus rugueux, surmonté d’épis serrés voire trapus, de 30 cm à 1 m de haut. Fleurissant tardivement en août, septembre, il supporte le soleil et tolère mieux la sécheresse. Notez la sélection A. c. var. taquetii ‘Purpurlanze’ aux épis spectaculaires bien dressés, rose pourpré ou ‘Superba’ aux fleurs rose carminé. La série ‘Vision’, dont ‘Vision in Pink’, ‘Vision in White’ ou ‘Vision in Red’ a été sélectionnée pour une plus grande résistance à la sécheresse. Critère intéressant à notre époque.
- A. thunbergii, une grande astilbe japonaise à la silhouette légère s’épanouit de juillet à septembre avec des épis larges, légèrement retombants. A. thunbergii ‘Prof. Van der Wielen’ est plus haute et plus aérienne.
- A x simplicifolia, plus discrète, à la longue floraison pourpre, exhibe des feuilles rugueuses teintées de bronze. Attention à la sécheresse car ses racines sont superficielles.

Avec les hybrides, un regain d’intérêt

Les plus éminents pépiniéristes européens se sont intéressés à l’astilbe. Ils ont effectué des programmes de croisement entre les espèces dans le but d’obtenir des couleurs plus spectaculaires, des floraisons plus longues, des formes plus trapues ou au contraire plus élancées. L’allemand Georg Arends figure parmi les premiers. Avec lui, la grande lignée des hybrides x arendsii aux couleurs plus affirmées que le blanc, seul en piste dans les années 1900. En 1933, sa création A. ‘Fanal’ fait sa petite révolution avec des plumes rouges contrastant sur un feuillage bronze. Devenue un grand classique, elle a reçu un AGM, award of garden merit, la récompense anglaise ultime.


En France, le lorrain Emile Lemoine, célèbre obtenteur, propose notamment ‘Mont blanc’ alors qu’en Hollande, à la pépinière Moerheim de la famille Ruys, dont est issue Mien Ruys, l’architecte de jardins réputée, apparaissent des astilbes aux longues tiges comme ‘Moerheim Glory’ ou ‘Ostrich Plume’. Chez Van Veen, d’autres sélections compactes comme ‘Flamingo’ et ‘Ellie’.

Outre-Manche, dans les années 70, Alan Bloom de la pépinière Bloom of Bressingham située dans le Norfolk, se laisse également tenter. L’astilbe, A. ‘Bressingham Beauty’ aux fleurs aérées, rose clair saumoné d’une hauteur de 80 cm, rend hommage à son travail. Elle a également reçu un AGM. Tout comme ‘Sprite’, un couvre-sol, blanc rosé, au feuillage teinté de bronze.

Mise en scène
Plusieurs créateurs de jardins lui ont réservé une place de choix dans leurs compositions. En France, dans le Loiret, à l’Arboretum des Prés des Culands labellisé ‘Jardin remarquable’, les astilbes accompagnent la collection de houx de Pierre Paris. Au Royaume-Uni, une collection nationale d’astilbes est réunie depuis 1987 à Holehird gardens dans le Lake District alors que dans le jardin de Beth Chatto dans l’Essex, elles poussent dans la zone humide près des Rheum palmatum, Astilboides tabularis ou Rodgersia podophylla. On les voit souvent en compagnie d’autres plantes de berge comme les Lysichiton aux immenses feuilles ou les Aruncus dioicus aux généreux plumets blancs.
Dans les plantations naturalistes de Piet Oudolf, l’incontournable paysagiste hollandais et de ses disciples, elle fait merveille en compagnie des Hemerocallis, Hosta, Lysimachia, Miscanthus ou Molinia. On peut donc vraiment affirmer aujourd’hui, qu’elle est à nouveau de la partie !

Infos pratiques :
- Arboretum des prés de Culands, Chemin des Culands, La Nivelle, 45130 Meung-sur-Loire, France : www.tourismeloiret.com
- Holehird gardens, Patterdale Road, Windermere, Cumbria LA23 1NP www.holehirdgardens.org.uk