La violette odorante appelée fleur de Carême ou violette de mars, vient fermer discrètement les portes de l’hiver. Virevoltant avec la grâce et la légèreté d’un papillon, ses feuilles en forme de cœur et ses fleurs bleu foncé égaient les premiers beaux jours. Elle doit son nom à la légère touche de rose qui rend le bleu proche du mauve, du parme ou du violet. Certains poètes assurent qu’elle serait la réincarnation du rouge-gorge.

Elle appartient à la famille nombreuse des Violacées qui compte pratiquement 500 représentantes différentes. L’amateur a souvent du mal à s’y retrouver. Les Viola, – terme latin générique pour les botanistes -, sont soit sauvages, soit hybrides comme les pensées. Annuelles, bisannuelles ou vivaces, c’est selon. La violette vivace a une floraison printanière et se propage fidèlement par semis. Notamment la violette odorante d’Europe, la cornue des Pyrénées et celle du Labrador. Les pensées aux grosses têtes rondes et aux couleurs bariolées que l’on présente dans les jardineries ne semblent pas avoir grand-chose de commun avec la timide violette. Pourtant elles font partie de la même famille et portent le même nom de Viola. Moins romantiques sans doute, elles sont issues d’hybridations spontanées qui remontent à la nuit des temps. Leur cycle est bisannuel à floraison hivernale ou printanière. Des mini pensées, les petites sœurs, dites parfois Viola tricolor, sont également vendues au même moment en barquettes ou en sachets de graines. Il est rare qu’elles portent un nom, ce qui incite encore à la confusion.

Pour reconnaître une violette d’une pensée, il y a un truc. Bien que chacune ait des corolles à cinq pétales, les premières ont deux pétales orientés vers le haut et trois vers le bas et les pensées, quatre pétales dirigés vers le haut et un seul vers le bas.
Dans la Grèce antique, on appréciait les vertus médicinales des violettes et à Rome, elles étaient de toutes les fêtes. On les repère dans les toiles des grands maîtres notamment chez Botticelli, Memling et van Eyck. Au milieu du XIXème siècle l’engouement pour cette fleur est énorme. Son charme indéniable pousse des générations d’horticulteurs à de multiples croisements. Ils recherchent d’autres couleurs, des variétés plus compactes et hâtives et des formes plus doubles et grandes, par exemple 10 cm pour les V. ‘Géantes suisses’. Toulouse en était l’épicentre. Le célèbre petit bouquet rond faisait la fortune des fleuristes. L’Angleterre était même spécialement approvisionnée en 24 h par chemin de fer. Aujourd’hui, même si Toulouse remet la violette à l’honneur, tout se passe outre Manche où les aficionados courent les pépinières à la découverte d’une perle nouvelle qui entrera en bonne place dans leur collection.

Bien choisir.
Optez pour un plant bien ramifié aux fleurs en boutons plutôt que déjà épanouies. Son installation au jardin sera garantie. Violettes et pensées ne sont guère exigeantes. Un peu plus de soleil pour les secondes et une terre légère, – apportez un peu de sable dans les argiles lourds -, ni trop gorgée d’eau ni trop sèche. Supprimez les premières fleurs pour induire de nouvelles tiges et enlevez les fleurs fanées pour prolonger la floraison et ne pas l’épuiser. Adaptées au froid, elles se redressent et repartent bon pied bon œil dès le moindre redoux. Lorsque la floraison n’est plus que parsemée et que les graines se forment, éliminez les annuelles et bisannuelles car non vivaces, leur cycle se termine.

ASTUCES
En Angleterre, les violas hybrides sont idéales comme couvre-sol, bordure d’allée et dans les massifs ensoleillés. Vivaces mais de vie courte, deux à trois ans, elles ont une longue floraison, de mai à octobre ponctuée par une période de repos en août. De création plus récente, elles se multiplient par bouture ou division car elles ne sont pas fidèles de semis. Parfaitement rustiques, elles apprécient les terres légères et le soleil non cuisant des pays du nord. Retenez notamment ‘Butterpat’, ‘Martin’ ou ‘Margaret’.

Quelques sélections intéressantes. Viola sororia ‘Freckles’ d’origine ancienne est très populaire aujourd’hui. En avril-mai, ses fleurs blanches sont étonnamment éclaboussées de gouttelettes d’encre violette. Lorsqu’elle se plait, elle se propage par semis. Viola labradorica offre un feuillage pourpre foncé persistant et décoratif qui met en valeur la floraison bleu violacé et Viola ‘Boughton Blue’ au bleu lavande reste un grand classique des jardins anglais. Toutes trois apprécient la mi ombre.

Mariages. Éviter les rangs d’oignons et les gentils petits soldats. En hiver, dispersez-les sous les arbustes et les vivaces à feuillage persistant, au printemps installez-les en compagnie des bulbes, crocus, tulipes et narcisses sans oublier les primevères, pâquerettes et myosotis. Dans des pots à exposition pas trop brûlante, elles se plaisent notamment avec les graminées comme les Carex.

A Toulouse. Les célèbres violettes de Parme et de Toulouse sont à nouveau cultivées dans la région. Depuis bientôt 20 ans. Leur production avait été auparavant anéantie par une maladie et concurrencée par d’autres plantes mieux adaptées. Vivaces, malgré une grande sensibilité au froid, elles produisent l’essence de violette et leurs fleurs doubles cristallisées dans le sucre servent à la fabrication des bonbons. On les coupe aussi pour confectionner des petits bouquets traditionnels.
LES PLUS
NOIR
Pépinière De Boschoeve
Certains affirment que le noir n’existe pas dans la nature. Pourtant les Viola ‘Bowles’s Black’ et ‘Molly Sanderson’ prouvent le contraire.
TONS PASTELS ET GRANDES FLEURS
On constate que les tons clairs et les grandes fleurs résistent moins bien aux intempéries.
AROMATIQUE
La violette odorante est utilisée pour aromatiser vins, confiseries, salades de fruits. Dans les salades, elle ajoute un peu de couleur et apporte vitamines C et A.
EN BOUQUET
Un petit bouquet réunissant quelques tiges de violettes, primevères et pâquerettes tient bien 5 ou 6 jours dans le vase.
LANGAGE DES FLEURS
Dans le langage des fleurs, la violette représente la timidité, la modestie et la pudeur, par allusion à la petite corollequi semble hésiter à sortir de son écrin de feuilles.
NAPOLÉON
Napoléon a été surnommé Père La Violette par ses soldats lors de son séjour à l’île d’Elbe. Il devait revenir avec les violettes, c’est-à-dire avec le printemps. Cette fleur fut le signe de ralliement des bonapartistes.