Tous les gourmets la connaissent. Etoilée au Michelin, son restaurant a reçu le titre de « Best Vegetables restaurant 2019 Belgium » tout en se classant 8ème dans cette catégorie dans le monde entier. Mais là n’est pas seulement notre propos. En août dernier, nous avons découvert son magnifique jardin lors de portes ouvertes organisées par l’asbl Au fil de l’eau qui, chaque printemps, grâce à des visites de jardins privés exceptionnels, récolte des fonds nécessaires à l’intégration de personnes avec handicap. Une fois encore, nous étions gâtés et nous nous sommes régalés d’un coin de verdure à nul autre pareil. Sur une parcelle d’1 ha, dans une prairie en pente, plein sud, un jardin familial composé d’îlots plantés d’un mélange d’arbres, arbustes, vivaces et graminées et aménagé de coins et recoins, pour s’asseoir, contempler, jouer. Dans le bas, des arbres fruitiers, pommiers, poiriers, pruniers et cerisiers sont plantés dès l’achat du terrain. De la terrasse de la maison – restaurant, la vue sur le vallon est splendide ; sur la gauche, on devine un potager de cheffe.
© Arabelle Meirlaen
L’art du potager
Sur plusieurs terrasses épousant le relief, 3 serres, des parcelles de culture rectangulaires et une multitude de bacs en acier Corten de différentes hauteurs, posés de-ci, de-là. Arabelle nous explique que non seulement, ils sont beaux mais surtout qu’ils sont formidables pour soulager les dos malmenés. Quel bonheur de pouvoir cueillir sans se baisser. De fabrication « maison », les parois sont isolées et doublées de polystyrène pour les protéger du froid ou de la chaleur.
Elle avoue arpenter tous les jours les chemins de son potager qu’elle a créé de toute pièce, pour semer, planter, bouturer, cueillir, nettoyer, observer. Sans oublier l’entretien et l’amendement régulier de la terre. Le tout dans un esprit résolument écoresponsable avec rotation des cultures, compagnonnage des plantes et compostage. Ce sont les racines de son quotidien. Il est vrai que comme fille d’agriculteurs, cela fait vraiment partie de son ADN. Secondée 2 jours par semaine par Sébastien, un jardinier enthousiaste, collectionneur de tomates et guide nature et au coup par coup par les membres de son équipe, c’est là, dans cet univers d’énergies positives qu’elle imagine les mises en scène de sa cuisine intuitive. Intéressée, comme elle l’explique sur son site internet, par la chlorophylle des plantes, la médecine douce des fleurs, l’énergie des graines et la puissance des épices, elle a une vision holistique de la profession. Bien-être, santé, beauté et saveurs en symbiose avec la nature.
Les végétaux bien étiquetés, – pour ses clients et ses collaborateurs qui aiment s’y promener -, sont sagement rangés en ligne ou plantés en touffes. Sans doute que l’an prochain, un système de QR code viendra judicieusement décrire chaque plante. Une chose est certaine, au potager les places sont chères, les légumes se bousculent parmi les fleurs et les herbes. Elle aime transformer tout ce qu’il lui offre, cela lui permet d’être autonome à 75% pour le restaurant. Fin novembre, lors de notre dernière visite, les serres étaient encore bien remplies. Pour le reste, comme pour les asperges, – elle ne compte que 3 lignes chez elle -, elle fait appel à des producteurs locaux, bio de préférence.

Son crédo
Ne rien jeter. Attendre, réfléchir, récupérer, sélectionner des semis naturels et creuser … l’imagination. En réalité, tout est bon pour être dégusté. Lorsque par exemple, les choux ou salades sont récoltés, les racines sont laissées en terre pour que les jeunes feuilles apparaissant tardivement soient à leur tour, transformées en jus, pâtés végétaux ou autres préparations tels des eaux et sels aromatisés. Quant aux quelques asperges, elle les laisse monter pour récolter les jeunes mini pousses tout aussi excellentes pour qui sait les préparer. Tous les légumes sont directement dégustés ou conservés en cave, en silo, déshydratés ou lactofermentés.
Pour elle, vous l’aurez compris, l’initiation de ses collaborateurs est essentielle. Dans son restaurant, le cuisinier descend au potager. De cette manière, il comprend mieux le travail effectué et l’énergie dépensée en amont pour obtenir des légumes sains et goûteux et pourra mieux transmettre cette philosophie aux clients.

La curiosité
La curiosité est le départ de l’aventure culinaire. Dans la nature, l’ail des ours, la reine des prés, le lierre terrestre, le plantain, l’aspérule, les fleurs d’aubépine ou de sureau, les cynorhodons, les bourgeons de cassis, les baies de gogi ou de poivre … n’ont plus de secrets pour elle. Dans les catalogues, elle repère les nouveautés ou les raretés. A commencer par celui des Etablissements Horticoles Flamand Labory tout proches à Tihange, une mine de variétés locales parfois oubliées, ou encore celui de Semailles ou de Kokopelli avec leurs semences biologiques. Internet et ses nombreux voyages l’inspirent également énormément. Et puis viennent l’expérience, les essais comme quelques variétés de tomates et de poivrons aussi à l’aise à l’extérieur qu’en serre, les pois chiches, le concombre au parfum de cacahuète, la plante à huitre ou à fromage, l’ail au goût de poireau, la fleur chocolat et j’en passe. Parmi les fleurs à grignoter, la liste est longue, les roses, cosmos, hémérocalles, tagètes, bourraches, capucines ou celles des pâtissons qui se renouvellent sans cesse. Pour elle, un coup de cœur parmi d’autres pour le gingembre japonais mioga pouvant se cultiver en pleine terre ou en pots dont on grignote les fleurs et les boutons floraux en pickles à la fin de l’été. A savourer !


Infos pratiques
Arabelle Meirlaen
Chemin de Bertrandfontaine 7 à 4570 Marchin