De la famille des Polygonacées, la rhubarbe, Rheum x hybridum ou Rheum rhabarbarum, est connue en Chine et dans les grandes plaines de l’Ukraine depuis cinq mille ans. Arrivée chez nous au XVIè siècle via les routes caravanières, il lui faut attendre deux siècles pour se tailler enfin une belle réputation et rallier nos assiettes sous forme d’entremet, tarte, compote ou confiture.

Cette plante vivace bien rustique chez nous et pratiquement indestructible se présente sous la forme d’une souche rhizomateuse donnant naissance à d’impressionnantes feuilles vert sombre. Les hampes florales en gros épis de couleur crème se dressent majestueusement de mai à juin à 2m de haut. Sachez qu’elles épuisent le pied. A vous de choisir. Si vous voulez plus de récolte, songez dès lors à la couper mi mai au ras du sol. En réalité, ce sont les longs pétioles des feuilles qui nous intéressent. Verts, roses, lavés de rouge ou franchement rouges, cuits, ils ont cette saveur acidulée qui fait le bonheur des gourmets. Attention, on ne consomme pas le limbe des feuilles, qui dans diverses conditions peut se révéler toxique. Généralement on ne connait pas le nom de la variété. Si par hasard vous avez le choix, préférez les pétioles rouges, les plus savoureux. A la fête des jardins d’Aywiers à Lasne, chaque premier week-end de mai, Matthieu de la Pépinière de la Source, un fou de rhubarbe, en présente plusieurs variétés à la vente.

Diviser une plante reste la meilleure solution pour s’en procurer un morceau. A l’automne ou au printemps pourvu que la souche soit suffisamment enracinée. L’enracinement est très profond. Parfois jusqu’à 2 m. Déterrez donc la souche avec précaution. Divisez-la en éclats de 2 ou 3 bourgeons minimum. Puis replacez au soleil ou à la mi-ombre, dans n’importe quel sol, avec une légère préférence pour une terre riche et fraiche. En sol calcaire, ajoutez dans le trou de plantation une poignée de poudre de basalte et sur un sol détrempé, plantez sur butte car elle redoute l’eau stagnante. Ne l’enterrez pas trop profondément, les bourgeons doivent affleurer. Un rien lambine à s’installer, il lui faut environ trois ans pour occuper un espace d’1m à 1,5m. Sa stature imposante fera alors le vide autour d’elle. Un à deux pieds suffit en général pour une famille. Du côté entretien, aucun souci, elle vit toute seule pendant 6 à 10 ans. Très résistante au gel et à la sécheresse, elle se plaît dans nos contrées à l’abri du cagnard. Jamais malade, elle ne dit pas non à une pelletée de compost une fois par an.
La récolte commence dès avril/mai jusqu’en septembre. Commencez par les feuilles externes. Détachez-les tout simplement en les faisant pivoter à la base. Ne pas « déplumer » le plant au risque de l’affaiblir. Laissez toujours un tiers des pétioles et arrosez après la cueillette s’il fait très chaud. Pour hâter la récolte, les fanas déposent en hiver quelques branches de sapin sur les pieds tout nus qui ont perdu leurs parties aériennes.
Jeune pousse Fleur en préparation
Fruit ou légume ?
Ne voulant pas marcher sur les plates bandes de notre confrère, nous aimerions simplement vous donner quelques pistes préliminaires à la dégustation. Le pétiole qu’il soit vert ou rouge s’épluche d’un bout à l’autre de la tige comme une asperge. S’il est jeune et tendre, inutile de l’éplucher. Coupez-le en tronçons de 5 cm. Pour atténuer l’acidité, plongez- les quelques minutes dans l’eau salée ou faites les tremper 30 minutes dans de l’eau fraîche. Après vient la cuisson. Dans une casserole avec un fond d’eau sucrée ou dans une poêle avec un filet d’huile. 10 minutes suffisent. Bien que la rhubarbe habite le potager et soit techniquement un légume, elle est souvent servie en dessert, son acidité appelant le sucre. Mais tout est permis. Pourquoi pas avec du poisson à la manière du maquereau marié à sa groseille, en sauce aigre douce accompagnant un rôti ou simplement ajoutée à la viande dans un tajine. Un soupçon de gingembre ou de cardamone ajoute un brin de subtilité à son parfum délicat.
Astuces
En Angleterre, on prend l’habitude de forcer la plante en recouvrant la souche dès février d’un grand seau ou mieux d’un ravissant pot en terre cuite très décoratif. Les pétioles se développent alors à l’abri de la lumière et peuvent être cueillis 6 semaines plus tard. Comme s’ils étaient blanchis. Plus tendres, certains disent qu’ils sont moins acides. Le revers de la médaille ? Les plants se fatiguent et en définitive devront être plus vite remplacés.

La rhubarbe groseillier, Rheum ribes, est cultivée au Proche Orient. Dans les marchés, on la trouve délicieusement préparée, ses pétioles crus juste confits dans le sucre ou le miel. La rhubarbe ondulée, Rheum undulatum ou rhubarbe de Moscovie est à l’origine de quelques variétés dont la ‘Rouge hâtive de Tobolsk’ aux pétioles très rouges.
Quelques variétés, pour la plupart obtenues en Hollande et en Angleterre sont à épingler. R. ‘Victoria’ colonisatrice des potagers anglais, R.‘Florentin’ aux fleurs rouge vif sans oublier ‘Frambozen Rood’, ‘Monarque’ aux gros pétioles charnus, ‘Royale Albert’ et ‘Valentine’ idéale pour réussir un vin de rhubarbe.
La rhubarbe chinoise, rhubarbe officinale, non comestible, est utilisée depuis la nuit des temps comme plante médicinale. Son rhizome séché est reconnu pour ses vertus purgatives. Molière la nommait déjà dans une réplique tirée de l’Amour médecin comme un des deux remèdes à la constipation : « Passez-moi la rhubarbe et je vous passerai le séné ». Au sens figuré, on pourrait dire : « échangeons les bons procédés ».
LES PLUS
FLEURS
Chaque pied de rhubarbe porte à la fois des fleurs mâles, femelles et hermaphrodites.
FRUITS
Stricto sensu, les fruits sont de minuscules akènes bruns munis de trois ailettes.
RHIZOME
Quant au rhizome, il offre un colorant jaune qui s’avère bien utile pour enlever les taches de rouille et récurer les casseroles. Génial, non ?
ACIDE OXALIQUE
Les feuilles de rhubarbe contiennent beaucoup d’acide oxalique. Elles ne sont pas consommables. La teneur des pétioles est nettement moins forte. A consommer avec modération.
ÉPLUCHER
Les tiges de rhubarbe ne se conservent pas plus de quelques jours. Après elles deviennent molles et difficiles à éplucher.
ORTIE
Les feuilles de rhubarbe ont le pouvoir de calmer les piqûres d’ortie.
LIMACES
Essayez une macération d’environ 500 g de feuilles dans 3 litres d’eau de pluie. Après 3 jours, pulvérisez sur la gent gastéropode. Il parait que cela marche !
PEPINIERE DOMAINE DE LA SOURCE
Mathieu Vermes à 80135 Saint-Riquier France ; www.ledomainedelasource.fr