En décembre dernier, Paul Chotard disparaissait. Le fameux duo des frères n’est plus. Mais le feu de la passion est toujours là. André Chotard, pédagogue enthousiaste, le sourire en coin et la gentillesse innée perpétue la tradition. A l’entendre, les arbres fruitiers ont de l’avenir dans ce monde à la recherche des vraies valeurs. Loin de nous, les milliers de variétés de poires et les centaines de pommes répertoriées au XIXème siècle. Aujourd’hui, il est temps de mettre les pendules à l’heure. Les fruits ne se découvrent pas uniquement dans les rayons des magasins. Il y a autre chose que les sempiternelles ‘Conférence’ ou ‘Golden’. Mais les manuels spécialisés deviennent rares tout comme les bons conseils confiés de père en fils ou de jardinier à jardinier. Les recommandations entre voisins ne circulent plus au-dessus des haies. Dommage. Voilà pourquoi l’immense expérience d’André Chotard représente un véritable trésor pour les générations futures. Ecoutons-le et agissons avec discernement. La récolte n’en sera que meilleure.
Pollinisation
Pas de fruit sans fécondation. L’arbre fruitier aime la compagnie. Tout seul, sauf exception, il pourrait magnifiquement fleurir mais ne pas donner de fruits. Un « veuf » comme on en rencontre de plus en plus dans les jardins. Les abeilles auront beau s’affairer à 200m à la ronde, sans fiancé elles ne pourront pas transporter le pollen de l’un pour le déposer sur le pistil des fleurs de l’autre. Les périodes de floraison doivent donc impérativement coïncider pour que la magie opère. C’est l’étape de la pollinisation préliminaire à la fécondation. Mais pas toujours – ce serait trop facile – car certains pollens sont parfois de mauvaise qualité. Pour le savoir, consulter un spécialiste devient une sage décision. Par exemple, la pollinisation du merveilleux prunier ‘Reine-claude dorée’ par un ‘Altesse simple’ donne d’excellents résultats alors qu’elle est perdue avec un ‘Altesse double’ ! Désastre garanti. Voilà pourquoi dans beaucoup de jardins, on ne peut plus se mettre une bonne ‘Crottée’ sous la dent. Mais gardez votre sang froid.
L’exception
Pomme Jame’s Grieve
Tout serait trop commode dans ce petit monde s’il n’y avait pas d’exception. Tant mieux pour ceux qui ne possèdent qu’un petit jardin et de la place que pour un seul arbre. Quelques sujets sont auto fertiles et n’ont pas besoin d’un compagnon pour donner du fruit. Ils se comptent sur les doigts de la main. Pour un prunier, choisissez la petite ‘Mirabelle de Nancy’ par ailleurs excellente pollinisatrice ou l’ ‘Altesse simple’ petite noiraude appelée aussi la prune de Namur. La ‘Queen Victoria’ peut aussi convenir mais sa qualité gustative peut laisser à désirer. Quant au poirier, plantez la ‘Conférence’ malgré qu’elle ne soit pas très originale. Essayez comme pomme, l’excellente ‘James Grieve’ et enfin le cerisier ‘Early Rivers’ qui porte des cerises – appelées guignes – à la fin juin.
Fumure
Aux Pépinières d’Enghien
Pas de bons fruits sans fumure appropriée. Finie cette mauvaise habitude de planter un arbre et puis d’attendre béat, la récolte future. André Chotard insiste fortement sur la fumure à apporter à la plantation et puis plus tard au fil des années. Dans un grand trou de plantation (1m³ au mieux), mettez au fond 2kg de scories potassiques et en surface une belle brouette de fumier. Si nécessaire optez pour le fumier en granulés déshydratés. A la terre de jardin, ajoutez encore une brouette de compost fait maison ou de type secret vert ou or brun. Avec ce régime, vous aurez la paix pour trois ans. Puis chaque année au printemps, ajoutez par arbre 2 kg de Viano à base de sang desséché et d’os moulus ou tout autre composé organique. A l’automne un engrais complet à base de scories potassiques. Si vous avez la chance d’être l’heureux propriétaire d’une barre à mine, faites plusieurs trous dans le sol autour de la couronne. Sinon, un petit coup de bêche sera impératif pour creuser un trou d’environ 30 cm de profondeur. C’est là que la potasse doit opérer. Votre verger aura enfin trouvé son rythme de croisière.
Mais encore

André Chotard, intarissable, ne peut passer sous silence la délicate question du sol et du porte-greffe. Il est en effet difficile de planter un verger en Campine dans un sol sablonneux à moins de l’amender sérieusement. Il est inutile d’en rêver dans le sol calcaire de la Calestienne. L’idéal ? Une terre argileuse ou argilo-limoneuse. Sans oublier un minimum de 5 heures d’ensoleillement. Quant au porte-greffe, mystérieux pour la plupart d’entre nous, il joue un rôle primordial car il commande la vigueur de l’arbre. Ainsi s’il est vigoureux, il sera utilisé pour greffer les arbres de plein vent et s’il est faible pour les formes palissées. Dans cette dernière hypothèse, la mise à fruits sera plus rapide mais la durée de vie de l’arbre plus courte. Seul le spécialiste pourra vous donner des indications précises sur le porte-greffe.
Aux Jardins fruitiers de Laquenexy
Il y a encore tant de choses à dire. La cueillette au bon moment, le temps de garde, l’alternance de certaines variétés, la saveur du fruit. Beaucoup de raisons qui doivent vous pousser à aller voir l’homme de l’art.
L’arbre fruitier… toute une science !
Pépiniéristes de père en fils

L’histoire des Chotard débute à Sancerre avec le grand-père vigneron qui encourage ses fils à se reconvertir suite à l’attaque de ses vignes par le phylloxera. Julien – le père – se tourne alors vers la culture fruitière et acquiert les techniques de palissage chères au potager de Versailles comme au temps du Roi Soleil. C’est en 1911 à Gosselies qu’il les met en œuvre en commençant par la production de poires alignées en espaliers ou palmettes « Verrier » à forme plate. Il meurt prématurément en 1945. André l’aîné accepte à 15 ans de reprendre le flambeau, vite rejoint par son frère Paul. Et voilà le début de l’ère des frères Chotard. Pendant 50 ans, ils produisent à peu près tous les arbres des vergers de Belgique et prodiguent inlassablement avec bonhomie leurs bons conseils et leur savoir-faire réputés par delà les frontières. Aujourd’hui, Olivier et Alexandra Debaisieux poursuivent cette production traditionnelle d’arbres fruitiers dans leur pépinière sise à Enghien. L’histoire continue…


Palmette « Verrier »
Aux Pépinières d’Enghien
La spécialité des frères Chotard est incontestablement la conduite des fameuses palmettes « Verrier » à quatre bras, deux « u » placés l’un dans l’autre. Leur perfection géométrique nous laisse pantois. Imaginée jadis par Louis Verrier, professeur d’horticulture française, elle est une des applications de la théorie de Jean-Baptiste de La Quintinie, jardinier de Louis XIV. Le but du palissage étant pour lui d’occuper moins d’espace, d’aérer au maximum les branches fruitières tout en évitant les maladies et de recevoir plus de soleil pour plus de qualité et de goût. La palmette « Verrier » reste depuis lors une forme de palissage à la verticale très élégante.
Pépinières d’Enghien
Rue Noir Mouchon 23 bis à 7850 Petit-Enghien; www.pepinieresdenghien.be