Osez tailler les arbres fruitiers

La taille des arbres fruitiers, un mystère, une légende ? Plutôt une nécessité favorisant la mise à fruit. Avec un brin de bon sens, le tour est joué.

Halte aux articles sadiques qui ne cherchent qu’à traumatiser l’apprenti jardinier. Que l’on soit un timoré ou à l’inverse un obsédé du sécateur, restons cool. Un peu de feeling que diantre. Tailler ne vise en définitive qu’à faire mieux. L’enjeu ? Aider l’arbre à fructifier plutôt que de le laisser produire du bois. Mais aussi veiller à son équilibre en laissant entrer l’air et la lumière à l’intérieur. Comme le dit si bien Thierry Gilmont, spécialiste de la taille des arbres fruitiers, « pour qu’un oiseau puisse le traverser ». Un principe général en matière de jardinage et un peu de poésie qui ne fera de mal à personne et. A retenir !  

L’heure sonne, allons au verger. Il faut se lancer. Et tout d’abord rassembler le matériel du parfait petit jardinier. A commencer par un sécateur bien affûté à lame coupante plutôt qu’à enclume. Cette dernière a tendance à écraser le bois. La lame est soigneusement nettoyée à l’alcool avant d’attaquer un nouvel arbre car la sève y produit un dépôt collant qui rend la coupe plus difficile. Les tampons préemballés imbibés d’alcool attendent dans la poche des astucieux. Pratiques et faciles à utiliser, ils sont vendus en pharmacie. Ajoutez une scie. L’égoïne – petite scie à main – peut convenir mais méfiez-vous de ses dents pointues et agressives qui pourraient blesser à la fois l’arbre et vous-même. Une serpette, style de canif recourbé achèvera le travail en coupant proprement les bords. Pour les puristes, pas d’ébranchoirs  ou sécateurs d’élagage à long manche. Le résultat peu net ouvre la porte aux maladies.

La théorie

L’arbre fruitier se présente sous différentes formes. En cépée ou buisson, on l’appelle basse tige. Soit un tronc d’environ 50 cm entre le niveau du sol et le point de départ de la couronne. L’arbre demi-tige a un tronc d’1m20 environ et la haute tige, autour du mètre 80. Généralement, les demi-tiges sont la forme traditionnelle des pruniers et les hautes-tiges des cerisiers. Pommiers et poiriers se déclinent sous toutes les silhouettes. Ces formes sont dites libres à l’inverse de celles palissées à la verticale ou à l’horizontale. La couronne du fruitier comporte 3 à 5 branches principales appelées charpentières régulièrement réparties autour du tronc et des rameaux porteurs de fruits dénommés coursonnes débutant sur ces charpentières. Ces derniers sont raccourcis au sécateur juste au dessus d’un œil dirigé vers l’extérieur. L’œil se transforme alors en dard ou bourgeon à bois. Son aspect est allongé et pointu. Il est en attente. Si sa vigueur est grande, il s’allongera en rameau, si elle est faible, il grossira en bouton globuleux ou bourgeon à fleurs. 

Sur le terrain

Commencez par établir votre plan de taille en bas de l’échelle. Et pour y voir plus clair, commencez par supprimer les branches grêles ou mortes, les gourmands qui filent à la verticale et ne produisent que du bois, les branches qui se croisent, se touchent ou celles qui font double emploi.  Aussi les fourchues et celles qui se dirigent vers l’intérieur. Tenez le sécateur du bon côté. Soit la partie coupante du côté de la branche qui reste. Ceci pour éviter de l’écraser. Petit truc de pro : en pliant la branche à couper avec l’autre main, la force du jardinier sera décuplée et la lame du sécateur entrera plus facilement. Pour obtenir une bonne cicatrisation, coupez la branche franchement à ras, sans laisser de moignons. Pour éviter les maladies. L’utilisation du mastic cicatrisant dépend de la volonté de chacun. Il y a deux écoles. A vous de choisir. En tous cas évitez les tailles drastiques au risque de voir apparaître les gourmands, jeunes pousses vigoureuses voleuses de sève ne produisant que du bois.

Taille de formation

Il s’agit d’une taille courte à effectuer pendant deux ou trois ans après la plantation et destinée à obtenir une charpente solide et équilibrée pour porter une charge de fruits. Il faut donner le temps à l’arbre de se développer correctement avant de fructifier. Après quelques années, viendra le phénomène de l’induction florale. Certains bourgeons à feuilles évolueront en boutons à fleurs. Ne donnant jusque là que des brindilles, ils vont s’arrondir pour fleurir l’année suivante et puis faire des fruits. Dans le jargon scientifique, on parle de puberté végétale.  

Taille d’hiver pour les pépins

L’arbre à pépins, tel pommier ou poirier, peut être taillé toute l’année mais il est plus facile d’agir en hiver, entre novembre et mars avant la montée de la sève et quand il n’a pas de feuilles. Pour les têtes en l’air, la maxime des frères Chotard est à retenir : « tailler tôt, tailler tard, rien ne vaut la taille de mars ». Hors période de gel. Coupez toujours après un bourgeon à fleurs plus gonflé et arrondi qu’un dard, bourgeon en pointe de flèche qui ne donnera que des feuilles. Si novice, vous ne parvenez pas à reconnaître le bourgeon à fleurs, attendez la floraison de printemps, ce sera plus limpide. Il n’y aura dès lors plus à hésiter. La taille des arbres à pépins est une taille de simplification par excellence à pratiquer régulièrement tous les 2 à 5 ans pour éclaircir la couronne, rapprocher la fructification vers le centre et supprimer les branches épuisées au profit des plus jeunes. 

Taille d’automne pour les noyaux

Pour l’arbre à noyaux, tel le prunier, il est recommandé d’opérer après la fructification, au déclin de la sève. A partir d’août, septembre. Pas évident avec les feuilles qui cachent le travail. Le cerisier est un cas à part. Vu sa sensibilité à la gommose, on évite de le tailler. Cette production de gomme est en réalité un moyen de défense contre une agression extérieure comme la coupe d’une branche par exemple. S’il le faut, faites-le juste après la récolte. C’est le moment le moins propice aux maladies.

Taille d’été, taille en vert

Par opposition aux tailles d’hiver, les tailles en vert sont pratiquées en pleine végétation. Ne concernant que les petites formes palissées, elles limitent leur développement et stimulent le développement des futurs bourgeons floraux au plus près des branches charpentières. A partir de fin juin, pincez les prolongements encore tendres au-dessus des fruits en laissant deux feuilles et les jeunes rameaux après 7 à 8 feuilles si l’arbre est vigoureux et 4 à 5 s’il est faible.

THIERRY GILMONT

www.espaliers.be                                                                                                         

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