Oser et innover sont les maîtres-mots en ce début de saison. L’heure est venue de s’adapter aux changements climatiques, saisir de nouvelles opportunités et se réinventer face à de nouveaux défis. Les températures moyennes sont incontestablement plus élevées, les sécheresses et canicules plus fréquentes, les gels tardifs, les coups de vent et les précipitations, plus importants. Inutile d’être nostalgique du potager de grand-père, aujourd’hui il faut « adapter les cycles de culture à la nouvelle donne : cultiver quand c’est le plus facile, plus tôt au printemps, plus tard en automne et un peu durant l’hiver ». Ce constat de Didier Helmstetter est entièrement validé par Jean-Paul Thorez et Xavier Mathias, jardiniers confirmés et auteurs prolifiques : en observant et en jouant avec le climat, ils font appel au bon sens de chacun.

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Rappelons-nous la sécheresse de 2020, les pluies interminables et les maladies en veux-tu en voilà de 2021 et la nouvelle sécheresse de 2022. Sans vouloir tirer des conclusions rapides, une chose est certaine : avec la hausse généralisée des températures, l’été ne sera plus la saison de tous les défis. Hormis pour les incontournables comme les tomates, concombres ou autres aubergines qui exigent de la chaleur ; pour le reste, il serait judicieux d’éviter les scénarios de semis qui ne lèvent pas, de plantules qui grillent ou qui montent en graines trop rapidement sous l’effet de la chaleur.
Alors, miser tout sur le printemps ? Il est vrai qu’il devient de plus en plus précoce, que le nombre de jours de gelée diminue mais la prudence reste de mise, car les plantes frileuses exigent, dans tous les cas de figure, un réchauffement du sol. Jeter les Saints de Glace aux oubliettes ? Pas nécessairement. Souvenez-vous des gelées tardives d’avril 2021, faisant suite à un hiver doux et un début de printemps hâtif… c’était la catastrophe. La solution ? Avancer quelques semis ou plantations de plusieurs jours, voire semaines, pour pouvoir récolter plus tôt avant la canicule et surtout, ne pas hésiter à débuter l’année avec des précoces indiscutables comme les bulbes d’oignons ou échalotes, les petits pois, radis ou fèves, l’épinard ou la laitue.



Miser sur l’automne


L’automne fait l’unanimité et pourrait devenir l’entre-saison la plus productive. La terre est réchauffée, les arrosages moins fréquents, les températures restent agréables plus longtemps. L’idéal serait de retarder les semis de fin de saison pour les laisser pousser plus tard en dehors des grosses chaleurs, comme pour la mâche, l’épinard, le chou rave, le navet ou la carotte et décaler la plantation des poireaux en août plutôt qu’en juin ou juillet. Semer aussi tardivement certains légumes qui ne craignent pas le gel comme les bettes, betteraves, roquette, scaroles, mesclun asiatique ou même la coriandre, finalement pas si exotique que cela.



Et pourquoi pas l’hiver ?

Finie l’idée reçue de ranger ses outils dès la fin octobre, dorénavant le potager, c’est toute l’année ! Même en hiver, saison généralement plus calme, où les maladies, parasites et ravageurs comme les limaces sont moins fréquents. Ne pas lésiner avec les rustiques, comme les choux, ou quelques délicieuses crudités comme la roquette et le mesclun asiatique ou le radis d’hiver. Xavier Mathias consacre son dernier livre à ce nouveau défi. Il donne des pistes pour réussir un potager sans serre ni congélateur, décrit les plantes idéales en commençant par des légumes-racines tel le persil tubéreux, en passant par les légumes-feuilles tels la scarole, le chou kale ou l’épinard et les légumes fruits, telles quelques cucurbitacées endurcies. Il n’oublie pas quelques annuelles rustiques telles la bourrache et la coriandre, ni les sauvages comme le pissenlit, la consoude ou la grande ortie et les légumes dits vivaces comme le poireau perpétuel, la pimprenelle, le chou Daubenton ou l’oignon rocambole souvent oubliés des jardiniers.



Un brin de stratégie

C’est maintenant que l’année se prépare. Il est nécessaire d’organiser un petit programme pour ne pas se laisser envahir, garder des places libres lorsqu’elles sont chères et permettre aux plantations de s’échelonner sans chaos. Lors du choix des semences, ne plus se cantonner aux mêmes variétés que les années précédentes, sortir du carcan des variétés anciennes et plutôt innover avec des espèces inhabituelles ou modernes mieux adaptées aux nouvelles donnes. A titre d’exemple, choisir la salade ‘Merveille des 4 saisons’ au printemps, la ‘Batavia’ pour l’été même chaud, et la mâche à grosses graines pour l’automne et l’hiver.


Diversifier est un autre bon plan. Ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. Avec un peu de tout, on augmente la biodiversité et on évite les déconvenues généralisées. Un autre bon réflexe est de semer en plusieurs fois et en petites quantités plutôt que de vider le sachet en un seul coup. Lors des canicules, miser sur des jeunes plants en godets plus prometteurs que des semis à la levée aléatoire. Stocker l’eau de pluie sans modération, anticiper en paillant le sol pour lui garder une certaine humidité, installer des tuyaux perforés ou des oyas en terre cuite poreuse qui, remplis d’eau, la diffusent lentement au plus près de leurs racines. A la fin de l’été, ne pas rater la mise en place des légumes d’hiver et les récoltes d’avant les premières gelées ainsi que les protections avec un paillis de feuilles mortes ou un voile d’hivernage pour ceux qui ne vont pas bouger.




Pour poursuivre la réflexion :



- Solutions pour un jardin résilient, Jean-Paul Thorez, Editions terre Vivante, Mens, 2022
- Le potager du paresseux frappé par le changement climatique, Didier Helmstetter, Editions Tana, Paris, 2022
- Produire des légumes en hiver même sans abri, Xavier Mathias, Editions Ulmer, Paris, 2022