
C’est dans l’air du temps. Il n’a jamais été autant question de jardin nourricier. Avec le retour aux valeurs essentielles, aux circuits courts, mais aussi depuis l’épidémie mondiale, le confinement et le télétravail … le jardin comestible n’est plus une simple affaire de retraités. Les jardineries, les pépiniéristes, les semenciers n’ont jamais aussi bien travaillé ; les jardiniers ne se sont jamais autant affairés pour bichonner leur lopin de terre, petit refuge durable parmi un univers parfois hostile. Une merveilleuse bulle d’air bénéfique pour tous et pour l’environnement. Sans doute aussi un remède efficace dans un quotidien perturbé. Tous les « jardino- et autres horti-thérapeutes » le confirment, rien de tel que de mettre les mains dans la terre pour susciter la paix intérieure et des émotions positives indispensables en cette période difficile… tout en améliorant la qualité de vie.
En harmonie avec la nature, dans le plus grand respect de chacun, il est possible de créer un écosystème où s’épanouissent et se marient toute une série de végétaux différents, arbres, arbustes, couvre-sol, fruits mais aussi légumes et fleurs. Un jardin polyvalent et nourricier à l’image de cette nature, avec de la diversité à tous les étages. Pour les uns la permaculture, concept hyper tendance, pour les autres l’agroforesterie ou la forêt jardin … en pratique, la remise au goût du jour du bon sens des anciens, transmis à une époque de père en fils ou de voisin à voisin par-dessus les haies.
Un peu de place pour des légumes
Dans leur éden familial, les plus gâtés d’entre nous installent à côté des parterres de fleurs et du gazon central, un potager et un verger de quoi satisfaire toutes leurs envies. Dans un petit jardin, il n’est pas toujours évident de réserver à chacun une place au soleil. Pourquoi pas des légumes ou des fruits parmi les fleurs ? Et des fleurs, feuilles, tiges ou racines à croquer ? Avec un brin d’audace, d’organisation et d’inventivité tout est possible. Les plantes potagères aiment la compagnie des roses, phlox ou autres géraniums vivaces. Les ronds-points d’aujourd’hui à l’entrée des villes et villages en sont la preuve. Quant aux détenteurs d’un balcon ou d’un rebord de fenêtre, ils peuvent aussi se faire plaisir du moment qu’ils soient à l’abri des vents dominants et de préférence en exposition ensoleillée. Certains légumes ou fruits à petit développement y font merveille : radis, salades à couper, quelques aromatiques comme basilic, menthe, persil, ciboulette, sans oublier l’un ou l’autre plant de tomates-cerises ou quelques fraises à portée de la main, juste pour le plaisir.
Courgette dans une jardinière jardinière pour les herbes aromatiques
Chou de Toscane parmi les dahlias à Bitche Bette à cardes rouges dans un parterre de fleurs à Bitche
Parmi les grands feuillages décoratifs et les silhouettes graphiques, la rhubarbe est au rendez-vous mais aussi l’artichaut dont les feuilles argentées et les inflorescences entre le pourpre et le bleu ressemblant au chardon, sont très présentes. Son cousin le cardon également, avec les fleurs en moins. Au fil du temps, ils sont devenus un grand classique des parterres à la fois fleuris et gourmands. Les choux ne sont pas en reste. Le chou noir de Toscane au look de mini palmier peut parfois grimper jusqu’à 1m de haut. Quant au chou marin, il se distingue des autres. Vivace, ses grandes feuilles bleutées, épaisses et ondulées sont relevées de petites fleurs blanches en grappes qui attirent les abeilles.
Au rayon de l’élégance, le fenouil, surtout sa version au feuillage ‘Bronze’, Foeniculum vulgare ‘Purpureum’ pointant son nez à 1,50m de haut. Il apporte une note de légèreté à l’ensemble. Dans le même registre, la carotte, l’aildes ours envahissant les sous-bois, la ciboulette commune aux petites boules bleues ou la chinoise, Allium tuberosum, aux délicates ombelles blanches de la fin d’été. Pour l’exubérance, les cucurbitacées, notamment les potirons et courgettes aux trompettes jaune vif ou orange qui se renouvellent sans arrêt et pour la couleur, les bettes à cardes multicolores, rouges, roses et jaunes, qui apportent une note fluo, un brin de « peps » et d’originalité au jardin.
Allium tuberosum Foeniculum vulgare ‘Purpureum’
Toujours un petit coin pour les fruits
Généralement arbustifs, petits par la taille et peu encombrants, sans chichis, ils trouvent une place dans tous les jardins. Un peu de soleil, d’humus et de compost, une taille annuelle en hiver et le tour est joué. Pour les framboises, une bande de terre d’1m de large, 2 ou 3 poteaux d’1m 60 de haut, quelques fils tendus à l’horizontale pour le palissage et un paillis maintenant la fraîcheur suffisent. Les framboisiers remontants fructifient deux fois sur la même tige, d’abord à l’automne sur le haut des tiges, puis au printemps suivant, sur la partie basse. De quoi augmenter les plaisirs. Sans oublier les groseilliers à grappes, Ribes rubrum, à maquereaux, Ribes uva-crispa et les cassissiers, Ribes nigrum, très rustiques, peu exigeants quant à la nature du sol, sans grand entretien à part une taille annuelle. Quelques variétés sont conduites sur tige, imbattables elles prennent encore moins de place et donnent de la hauteur à l’ensemble.

Parmi les plus grands formats, pourquoi ne pas tout simplement se laisser tenter par un noisetier ? A la sortie de l’hiver, Corylus avellana est un des premiers à ouvrir ses fleurs mellifères. De 3 à 8m de haut, il porte non seulement des fruits délicieux mais donne un bois souple pour fabriquer barrières, fascines, tuteurs, arceaux et la fameuse baguette de coudrier des sorciers. Le sureau noir, Sambucus nigra, – friandise de choix d’une trentaine d’oiseaux et de beaucoup de jardiniers -, grand arbuste ou petit arbre d’environ 4m de haut est trop souvent négligé alors qu’il est bourré de qualités. Accommodant, à la recherche des sols frais et riches, il s’intègre partout dans les massifs, dans les haies bocagères. Jamais malade, il se débrouille tout seul et pour le multiplier, il suffit de mettre une branche dans la terre. En mai, juin, ses ombelles blanches délicatement parfumées sont cueillies pour réaliser un délicieux sirop alors qu’en août, septembre, les baies noires réunies en grappes suspendues, sont transformées en confitures, coulis, glaces, tartes ou sirop.
Pour les amateurs de pommiers, poiriers, pruniers ou cerisiers, il existe aussi des solutions pour les petits espaces. Le palissage à l’horizontale ou à la verticale contre un mur ou le long d’une armature n’est pas si sorcier que ça et pour les jardins minuscules, les fruitiers colonnaires sans ramifications sont les champions. Grâce à eux, le jardin est fleuri, il porte des fruits et est structuré. Que leur demander de plus ?


Jardins « déco-mestibles »
Dans un recueil « botanico-culinaire » richement illustré, Didier Willery et Pascal Garbe, nous emmènent dans leur jardin à la découverte de tout ce qui est beau et qui se mange. Le tout accompagné de conseils gourmands, suggestions de recettes et d’observations de grands chefs étoilés. Un vrai régal !
Toutes les plantes belles et comestibles de Didier Willery et Pascal Garbe, Editions Ulmer, Paris, 2021, ISBN 978-2-37922-150-7