La plupart des jardiniers le savent. La troisième saison de l’année, généralement leur préférée, est un instant de grâce. Le jardin tire tranquillement sa révérence avec panache et générosité. La lumière se fait plus douce et rasante, les frissons de l’hiver ne sont pas encore d’actualité. La palette est assez uniforme, les tonalités chaudes priment. Précieuse source de nourriture pour les oiseaux, hérissons et écureuils, les baies égaient de leurs couleurs éclatantes ou de leur aspect inattendu. Elles renouvellent le décor des massifs et des haies à un moment où les floraisons se font plus rares et où les plantes ont perdu leurs feuilles. Spectacle garanti parfois jusqu’à Noël.
Mis à part quelques grands classiques comme Cotoneaster, Pyracantha, sorbiers ou pommiers décoratifs, la fructification n’est pas toujours la qualité la plus connue des plantes. Elle est le cadeau que quelques végétaux nous font avant l’hiver. Sans surestimer son importance, elle est néanmoins un élément à ne pas négliger dans la composition d’un jardin. Jelena de Belder, fervente admiratrice de ces multiples petits fruits, leur a consacré un livre :
« Cultiver des arbustes sauvages pour leurs fruits semble aujourd’hui presque paradoxal dans nos jardins de gens comblés ; c’est vrai que l’on songe rarement aux fruits sauvages au moment de créer un jardin ; on envisagera les formes du jardin, les feuillages, les fleurs, les couleurs d’automne, mais pas les fruits. Et pourtant, utilisés judicieusement, ils constituent un élément majeur dans un jardin dont ils augmentent l’intérêt et prolongent les effets jusqu’en hiver. » (Le livre des baies. Fruits sauvages pour parcs et jardins, Jelena de Belder & Xavier Misonne, Editions Racine 1997).
Decaisnea fargesii Berberis Leycesteria formosa
Mise en garde
Une belle fructification ne va pas nécessairement de soi, même si elle est un phénomène naturel. Choix de l’exposition, lumière et qualité du sol sont les garants de la réussite. Un sujet trop touffu, aux branches enchevêtrées donnera moins de fleurs et donc moins de fruits. Vent et courants d’air peuvent rendre la fécondation plus difficile. Vous l’aurez compris, la mise à fruits dépend du parfait équilibre entre les conditions de culture et de météo. Gelée printanière tardive, saison pluvieuse, taille trop sévère, mauvaise fécondation… et voilà le spectacle de l’automne compromis.
Beaucoup de baies décoratives présentent une toxicité plus ou moins importante. Peu sont très toxiques comme celles de l’if ; certaines provoquent des vomissements ou nausées comme celles du sureau hièble, Sambucus ebulus et beaucoup ne causent aucun désagrément et sont même parfois tout-à-fait comestibles comme celles du sureau noir, Sambucus nigra. Renseignez-vous.
Cela dit, les fruits décoratifs gagnent à être admirés de près. Placez-les à proximité d’un banc, d’un coin de repos ou le long d’un passage obligé. De cette manière, ils ne passeront pas inaperçus. Et pensez aux branches chargées de fruits, mariées aux graminées, pour les compositions florales de l’automne.
Clerodendron trichotomum
Les bonbons du Callicarpa
Le Callicarpa, venu de Chine, de la famille des Lamiacées, est un arbuste de 2,5 sur 2,5 m au feuillage caduc devenant jaune à l’automne. Il se couvre en novembre de surprenantes petites perles lilas vif ou mauve pâle, en grappes de 30 à 40 petites baies brillantes, à la base des pousses de l’année. Vues de loin, elles persistent parfois jusqu’à Noël. Les oiseaux semblent d’abord ne pas s’y intéresser et c’est tant mieux pour le jardinier. Ils attendent en fait que les baies noircissent sous l’effet des gelées pour les grappiller. Notez que chez C. bodinieri var. giraldii ‘Profusion’, un des plus plantés, elles sont particulièrement abondantes. Pour les amateurs de baies blanches, retenez C. japonica ‘Leucocarpa’. C. dichotoma, quant à lui, est plus compact, de 90 à 1,50cm. Une très belle sélection à épingler : C. d. ‘Issai’. Quant à C. kwangtungensis, il est connu des initiés pour son feuillage élégant, pourpre à vert foncé virant à l’orangé et au rose à l’automne. A dénicher chez des spécialistes ou lors des fêtes de plantes.
Tous les Callicarpa se plaisent au soleil ou mi-ombre, dans un sol ordinaire. L’idéal est d’en planter plusieurs pour favoriser une meilleure pollinisation et par conséquent une fructification abondante. Ne les placez pas en pool position car le reste de l’année, même lors de leur floraison de juillet assez insignifiante, on les oublie. A l’automne, leur feuillage vire au jaune rosé. Ne pas hésiter à les tailler en hiver pour les aider à adopter une jolie silhouette.
Callicarpa dichotoma ‘Issai’
Le Clerodendron, un arbre du clergé ??
De la même famille que le Callicarpa, également à feuillage caduc, originaire lui aussi de Chine ou du Japon, il a soit l’allure d’un grand arbuste comme Clerodendron bungei d’environ 1,5 m de haut, soit celle d’un petit arbre, celui du clergé, – pour quelles raisons ?-, Clerodendron trichotomum, d’environ 3m de haut. On les distingue par la couleur de leurs petites fleurs délicieusement parfumées à la fin de l’été, rose foncé pour le premier, blanches pour le second et par la forme des inflorescences en boules denses chez C. bungei.
Chez C. trichotomum, la floraison blanche rappelant celle du jasmin contraste joliment avec le calice rouge. Elle est suivie de baies luisantes bleu foncé, voire métallique, ou même turquoise lors des automnes chauds. L’effet est original d’autant plus que la couleur rouge du calice s’accentue. C. trichotomum var. fargesii semble plus rustique que le type alors que C. t. ‘Carnival’ appelé aussi ‘Variegatum’ ou ‘Arlequin’ exhibe un attrayant feuillage marginé de jaune pâle. Ils se développent tous sous le soleil, en sols bien drainés et en situation abritée des vents. Plantez-les en compagnie d’autres plantes car en dehors de l’automne, il n’a pas beaucoup d’autres attraits. Si les rameaux gèlent, ne vous inquiétez pas, non seulement il drageonne mais repartira de la souche au printemps et s’il est nécessaire de la tailler, agissez en avril après les grosses gelées.
Clerodendron trichotomum Clerodendron bungei