Un jardin pas comme les autres. Si des multitudes de plantes venues des 4 coins du monde s’y sont établies et s’y côtoient en bonne compagnie, elles sont avant tout l’écrin d’un musée de sculptures à ciel ouvert. Anima n’est rien d’autre qu’une ode à la poésie, une mise en scène des couleurs, un parcours des sens …à chacun sa version. Dans tous les cas, un jardin partagé par son auteur pour ses visiteurs en quête de paix et de sérénité.
Artiste universel

André Heller est né en 1947 à Vienne. Artiste multimédia parmi les plus influents de notre temps, il cumule différents rôles. Chanteur, – il a écrit et interprété une douzaine d’albums -, écrivain, – plusieurs romans et pièces de théâtre –, il est aussi metteur en scène. Il imagine des spectacles, shows et évènements extraordinaires, expérimente le cirque et le cinéma. Réputé dans les milieux germanophones, manager culturel touche à tout, il évolue dans le monde de la création, compose notamment des sculptures volantes ou flottantes, des installations et autres performances artistiques. Ami de Keith Haring, artiste américain légendaire influencé par le pop art, on pourrait le qualifier d’agitateur public tant il cherche à faire œuvre « d’art public ». Pour lui en effet, la rébellion vaut mieux que la résignation dans un monde devenu fou, un monde où l’on ne se préoccupe plus réellement et activement des autres.
L’art des jardins
Du plus loin qu’il s’en souvienne, il s’intéresse aux jardins, à la nature et à la botanique. Petit, habitant à Vienne près du château de Schönbrunn, il aime se promener avec le fils du jardinier, dans le parc et les immenses serres tropicales abritant une jungle bien ordonnée avec palmiers et plantes carnivores. C’était son terrain de jeu.
Depuis, pris par le virus, il conçoit des grandes œuvres florales comme un tableau de fleurs de 40.000 plantes pour la célèbre Exposition horticole internationale, la Bundesgartenschau de Berlin en 1985, une sculpture florale dénommée la « géante engloutie » dans le parc de Schönbrunn en 1991 ou encore en 1995, un labyrinthe en forme de main, – sa main gauche -, pour le Parc des mondes de cristal à Wattens dans le Tyrol autrichien.
Il se passionne aussi pour les jardins. En 1989, il achète et restaure le jardin botanique de Gardone Riviera au bord du lac de Garde, dessiné par le docteur personnel du dernier tsar de Russie, Arthur Hruska, naturaliste et botaniste convaincu. Aujourd’hui, la Fondation Heller gère ce lieu merveilleux, un centre voué à la conscience écologique, constitué de milliers d’espèces de plantes issues de toutes les zones climatiques et agrémenté d’œuvres d’art contemporain, notamment celles de Keith Haring – qui a conçu le logo de la Fondation -, Edgar Tezak ou Roy Lichtenstein pour ne citer qu’eux.
L’appel du Maroc

En 1972, André Heller découvre les lumières contrastées du Maroc, plus particulièrement celles de la ville de Marrakech. Le coup de foudre est immédiat. En 2006, il se décide à acheter 8 ha de terrain désertique en dehors des murs de la cité, dans la vallée de l’Ourika, pour y installer un autre jardin de sculptures. Son rêve se réalise en 2016. Pour remercier ce pays fascinant de lui avoir donné tant de joie, il ouvre au public un parc arboré de 2 ha, lieu de rencontre de l’homme avec la nature et rendez-vous de différentes cultures. Aussi, un espace de mise en scène d’œuvres telles que celles de Pablo Picasso, Keith Haring, Monika GilSing, Auguste Rodin, Alexander Calder, Edgar Tezak ou Igor Mitoraj. Depuis, il y partage sa vie avec Vienne, sa ville natale.
Anima, qui veut dire âme en latin, est avant tout un lieu de paix, de sérénité et de délices. Ce n’est donc pas un hasard si l’arche de Noé dressée dans une mer de graminées ondoyantes, trône au beau milieu du jardin. Comme tout « pairidaêza » blotti dans les déserts chauds et arides, cette oasis de verdure et de fraicheur en contradiction totale avec la nature hostile environnante, est une halte bienfaisante pour le corps et pour l’esprit. Bancs, poufs et coussins, patios et kiosques invitent à la détente pour humer les parfums et écouter le chant des oiseaux. Pour André Heller, dans ce musée insolite et vivant, – sans doute, la synthèse de son travail artistique -, chacun vivra sa propre expérience, ressentira ses propres sensations. Chacun ira où bon lui semble, sans idée préconçue. Un parcours initiatique comme à l’époque de Jean-Jacques Rousseau.

Exubérance végétale
Kiosque du jardin des roses Podranea ricasoliana
La luxuriance des végétaux est le concept premier du jardin. Les plantes, – plus de 200 variétés d’arbres, arbustes et couvre-sol -, apportent douceur, ombre, couleurs et parfums le long d’un labyrinthe d’allées qui s’entrecoupent sous les palmiers dattiers ou les forêts de bambous. Les ambiances sont différentes, les plantations aussi. D’innombrables cactées dans les endroits ouverts où le soleil donne sans compter, des succulentes et autres plantes exotiques, des Datura, bananiers, géraniums, rosiers, sauges, nénuphars, œillets, orangers, hibiscus et bougainvilliers… pour ne citer qu’eux. Tous, ils sont choisis avec soin pour survivre dans cette région aux conditions climatiques extrêmes. Beaucoup de graminées sont installées pour ajouter mouvement et légèreté. La présence de l’eau est incontournable voire vitale. Précieuse, elle se voit et s’entend : vasque, fontaine et bassin évoquent la fraîcheur et rivalisent de raffinement.

Le parcours

Dès l’entrée, le ton est lancé. La majestueuse allée de palmiers, comme des colonnes aux pieds ondulés de graminées, mène à la porte d’entrée … du paradis. Au-delà, sous-bois et clairières sont ponctués de surprises, d’effets scéniques, de décors inédits et de curiosités inattendues. Des portraits, une maison miroir, l’arche de Noé, des totems, des petits drapeaux dans une allée de bambous, des oiseaux qui s’envolent, des cônes resplendissants, une paire d’yeux bleus écarquillés dans un bouquet de bougainvillées et derrière les papyrus, une bouche béante d’où une brume vaporeuse se diffuse…


De la couleur avant toute chose. Les tons vifs des œuvres d’art, bancs, murs, tuiles vernissées, kiosque, sont de véritables coups de théâtre. Ils s’accordent parfaitement avec les floraisons éclatantes et parfumées des plantes, rosiers ou bougainvillées, avec le soleil et le ciel bleu.
Chacun a donc sa version de l’aventure. Devant les sculptures, pas de nom, ni d’indication. Pas de sens à la visite. Il est important de ne pas déconcentrer le visiteur tout à ses pensées, à sa rêverie. Y aurait-il un peu de l’étrange jardin de Bomarzo qui ne laisse personne indifférent ? Un peu de celui des tarots de Niki de Saint-Phalle ? Du jardin botanique du lac de Garde ? Ou un peu des jardins de Perse ou de l’Espagne mauresque ? C’est selon.

Musée et expositions
Dans le jardin, le musée conçu par l’architecte Carmen Wiederin offre des expositions intéressantes de jeunes artistes de cultures et horizons divers.
Infos pratiques
Anima garden, Douar Sbiti; Km 28, Route de l’Ourika; Ouvert de 9 à 18h www.anima-garden.com