Un jardin haute couture dédié au bleu

Des jardins de paradis, il en existe partout dans le monde. Réputés pour leur infinie beauté ou pour l’aura de leur créateur, ils nous enchantent

Caché derrière des hauts murs dans le quartier trépident de Guéliz, non loin de la Médina de Marrakech, un lieu retiré attire depuis longtemps les foules de touristes. On le repère aux queues qui se forment dès le petit matin sur les trottoirs avoisinants. Après quelques minutes de patience, la magie est au rendez-vous. Les visiteurs baissent la voix, arment leur appareil de photo et ouvrent les yeux. Tout simplement. Ils cheminent dans un labyrinthe d’allées recouvertes de carreaux ocre qui s’entrecoupent et longent les jardins sans y pénétrer, ce qui permet à chacun de goûter à cette délicieuse atmosphère sans être gêné. Derrière une forêt de bambous et sous les palmiers dattiers dont les troncs forment des colonnes imaginaires, d’innombrables cactées, succulentes, broméliacées et autres plantes exotiques colonisent les parcelles de gravier, sans se bousculer. Sur près d’1ha, ce jardin botanique composé d’une luxuriance de végétaux compte plus de 300 espèces.

Jacques Majorelle

L’histoire commence en 1919, lorsque Jacques Majorelle, – fils de Louis, célèbre ébéniste cofondateur de l’école de Nancy avec Émile Gallé -, artiste peintre, aquarelliste, séjourne pour des raisons médicales à Marrakech, à la recherche d’un climat sec. Très vite, les lumières contrastées et les couleurs le fascinent. Il découvre la région de l’Atlas, y voyage régulièrement. Commence alors pour lui une véritable passion pour le Maroc. Quelques années plus tard, il décide de s’installer à Marrakech, d’acheter un terrain et de construire une villa Art déco de style néo mauresque et un atelier d’artiste pour y peindre la vie quotidienne et les femmes marocaines. Aussi, un atelier dédié à l’artisanat local, notamment berbère, pour décorer les pièces de sa villa ou répondre à des commandes comme le plafond de la grande salle à manger du célèbre hôtel La Mamounia à Marrakech.

Féru de botanique, l’idée d’un jardin de rêve inspiré du jardin islamique, du paradis ou « pairidaiza », lui vient tout naturellement. Il désire un éden, une oasis de verdure et de fraicheur, une halte bienfaisante, pour le corps et l’esprit. Comme il se doit, l’eau est à l’honneur. Précieuse, elle doit se voir et s’entendre partout : un long canal fleuri de nénuphars, des bassins, fontaines et jets d’eau. Tout autour, des collections de végétaux rares que, pendant 40 ans, il ramène de ses voyages dans le monde entier. Pour lui, le jardin n’est rien d’autre qu’un lieu d’inspiration où il est doux d’ humer les parfums des jasmins et écouter le chant des oiseaux. L’entretien onéreux de ce paradis le pousse dès 1947, à partager son havre de quiétude, en l’ouvrant au public moyennant un droit d’entrée.

Malheureusement, après un accident, il retourne en France où il décède en 1962. Viennent alors pour la propriété, de longues années d’abandon jusqu’au jour de 1980 où Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé décident de lui redonner son lustre d’antan.

Bleu Majorelle

Subjugué par les couleurs, le peintre décide en 1937 d’en badigeonner les murs de sa maison. Ainsi nait le fameux bleu Majorelle, celui des eaux du lac Tasgah découvert dans l’Atlas. Ce bleu outremer, cobalt, légèrement violacé, composé bien évidemment de bleu mais aussi de rouge et de vert est désormais reconnu aux 4 coins de la planète.

Cette teinte provoque chez lui détente et relaxation, tant et si bien qu’il l’applique aussi aux murets, portail, bords des allées, jarres, pergolas et colonnes tout en le mélangeant avec le vert, notamment celui des feuillages, le jaune, l’ocre ou l’orange vif. On croirait un tableau de Matisse.


Yves Saint Laurent et Pierre Bergé

Ce jardin légendaire a failli disparaître à la suite d’un projet de construction d’un complexe hôtelier. Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, eux aussi amoureux du Maroc et du lieu qu’ils arpentaient régulièrement depuis de nombreuses années, l’achètent et le sauvent. YSL n’hésitera pas à avouer que la lumière découverte là-bas lui a révélé LA couleur. Désormais, c’est là-bas qu’il dessinera ses collections.

Ils décident d’entreprendre d’importants travaux de restauration et d’habiter la villa de l’artiste qu’ils rebaptisent villa Oasis. Ils font appel à un ethnobotaniste originaire de Marrakech pour établir l’inventaire des espèces, introduire de nouvelles plantes dans l’esprit de Majorelle, installer un système d’irrigation automatique et redonner vie au jardin. Grâce à eux, l’ensemble retrouve élégance et beauté.

Aujourd’hui, le jardin appartient à la Fondation Jardin Majorelle qui garantit la sauvegarde de ce patrimoine écologique, historique et culturel entretenu au bouton par une vingtaine de jardiniers. Il est devenu avec le musée berbère qui réunit leur collection et le musée voisin Yves Saint Laurent, un des hauts lieux du tourisme marocain. Quant à la maison de Jacques Majorelle, d’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, elle a reçu le label français de « maison des illustres » qui met en valeur des demeures remarquables par leur histoire et celle de leurs habitants.

Infos pratiques

Jardin Majorelle,

Rue Yves Saint Laurent à Marrakech,

Ouvert tous les jours

www.jardinmajorelle.com

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