A Merzig, un jardin dédié aux sens

En Allemagne, à deux pas de chez nous, un grand jardin d’Hella Kreiselmeyer à la gloire des plantes vivaces.
© Brigitte Krauth

Visiter les jardins en Allemagne est toujours un enchantement pour les amateurs que nous sommes.  Même si cette destination ne va pas toujours de soi, préférant souvent nous ruer vers l’Angleterre, nous aimons l’ambiance et le choix des végétaux de nos voisins allemands. Georg Arends, Karl Foerster, Gräfin von Zeppelin sont des noms d’hommes, de femme avant-gardistes qui résonnent à nos oreilles. On ne les présente plus. Aconitum carmichaelii ‘Arendsii’, Calamagrostis  x acutiflora ‘Karl Foerster’ ou Phlox paniculata ‘Graf Zeppelin’…sont adoptés dans nos mixed-borders.

Les Jardins d’Éden vous emmènent à la découverte d’un magnifique jardin.  Direction la Sarre, au-delà du Luxembourg, à la limite de la frontière avec la Lorraine française. A Merzig plus précisément, petit ville connue pour sa céramique Villeroy &Boch, qui cache sur les hauteurs un domaine enchanté.

Jardins thématiques

Il y a 13 ans, un peu à l’écart du bourg, dans des prairies à vaches de 2 ha nait un jardin destiné au grand public. Créé de toutes pièces, sans aucune contrainte à l’horizon. Tout est à imaginer. La paysagiste Hella Kreiselmeyer, initiatrice du grand projet transfrontalier « Jardins sans limites » qui lie depuis 1999, l’Allemagne, la France et le Luxembourg, décide de se lancer dans l’aventure. Elle suggère un lieu où les sens de chacun seraient en éveil. Une fête où chacun pourrait interpréter selon son bon vouloir et tenter ses propres expériences en toute liberté. Elle dessine une dizaine de jardins thématiques où les végétaux sont mis en scène. Surtout des plantes vivaces qu’elle affectionne particulièrement. Elle structure l’ensemble par des chambres de verdures séparées par des haies dans le but d’y créer des atmosphères différentes et des effets de surprise. De-ci de-là, reliés par un chemin sinueux, on découvre un jardin d’eau, de méditation, des saisons, des sons, du toucher, des couleurs et des graviers. Sans oublier une roseraie où parfums et couleurs sont au rendez-vous chaque année au mois de juin.

Jardin d’eau

C’est par lui que le visiteur commence et termine la balade. Ce n’est pas un hasard, l’eau tenant le rôle principal dans cette composition d’Hella Kreiselmeyer. Ce jardin monumental marie l’eau au minéral. Sculptural, il est occupé en son centre par de grands murs de béton sur lesquels l’eau coule doucement et des bassins géométriques accueillant notamment des plantes carnivores. De l’un de ceux-ci s’échappe une petite rivière coulant tranquillement dans une longue rigole rectiligne parmi différents espaces du jardin. Tout au bout, elle dévale un escalier pour se déverser dans les graviers d’un jardin sec. Le cycle éternel de l’eau ou le passage de la vie sur la terre, une question de philosophie.

Jardins de méditation

Deux jardins côte à côte sont voués à la méditation. Une sorte d’antichambre à des lieux plus forts. Pour souffler, prendre le temps, méditer. Le visiteur suit les méandres d’un chemin ondulé. Le pas est naturellement ralenti et le pari gagné. Dans la pelouse, quelques narcisses sont relayés plus tard par des graminées au port bien droit, les Calamagrostis x acutiflora ‘Karl Foerster’ derrière lesquels se dressent un Cornus alternifolia à l’élégante silhouette et quelques Robinia pseudoacacia ‘Frisia’.

© TourismusMerzig

Jardin de roses

La roseraie retrace l’évolution des roses depuis Joséphine de Beauharnais jusqu’à David Austin. Son design est assez classique voire strict. Un plan en croix où 4 parterres foisonnent de rosiers anciens et modernes mélangés à des plantes vivaces telles les Campanula ‘Sarastro’, Nepeta x faassenii, Gaura lindheimeri ‘Siskiyou Pink’ et autres Salvia x sylvestris ‘Blauhügel’ … Le tout cerné de buis bien sages. Les rosiers historiques tels ‘Souvenir de la Malmaison’, – propriété de Joséphine de Beauharnais -, ‘Chapeau de Napoléon’ ou ‘Marie Louise’ y côtoient ‘Heritage’ de David Austin ou le charmant ‘Aspirine Rose’ créé en 1997 par l’obtenteur l’allemand Tantau pour fêter le centenaire de la célébrissime substance active.

© TourismusMerzig

Jardin des saisons

Consacré aux saisons qui rythment nos climats tempérés, cet espace a un petit air de verger. Divers pommiers et poiriers haute tige ponctuent le lieu. Intéressants au printemps pour leur floraison champêtre et à l’automne pour leurs beaux fruits. A leurs pieds, d’abord des bulbes, puis des vivaces accommodantes comme les achillées, Nepeta, Monarda, sauges et Helénium et enfin une mer d’asters, Aster dumosus ‘Blaue Lagune’ accompagnés par des vagues de graminées.

Jardin des couleurs

En face de l’amphithéâtre de pierre et d’herbe surmonté de colonnes de Fagus sylvatica ‘Dawyck Purple’, trois chambres rectangulaires vouées aux couleurs sont disposées en enfilade. Dans chacun de ces espaces, un banc coloré, centre de la composition. La paysagiste s’en est donné à cœur joie. Ici comme à Sissinghurst dans le Kent, le jardin de Vita Sackville-West, la référence incontestée, le jardin blanc est reposant. Les feuillages gris mettent les floraisons blanches en valeur. Anémones ‘Honorine Jobert’, Lysimachia clethroides, Echinacea purpurea ‘Alba’ sont rehaussés par les feuillages des Stachys et Lavandula angustifolia ‘Edelweiss’. Des Hydrangea arborescens ‘Annabelle’ et des seringats élèvent le regard.

Le jardin jaune, tonique et gai accueille le soleil. Phlomis samia, Salvia officinalis ‘Icterina’, Achillea millefolium, Coreopsis verticillata ‘Zagreb’ entourent le banc jaune citron. Des Sanvitalia, marguerites annuelles, sont utilisées en couvre-sol.

Le jardin rouge se veut terriblement hot. Autour d’un érable, Acer palmatum ‘Atropurpureum’, quelques boules de Berberis thunbergii f. atropurpurea ‘Atropurpurea Nana’, des Heuchera, Yucca, Carex buchananii, Ophiopogon planiscapus ‘Nigrescens’, Dahlia ‘Bishop of Llandaff’ et des Cordyline australis ‘Red Sensation’ sont installés pour attiser le feu. Une clématite ‘Ville de Lyon’, au lieu de grimper sur un support, rampe et colonise le sol.

Jardin des sons

Ludique, ce jardin est parsemé d’étranges instruments de musique. Ils émergent d’une grande  masse de graminées ondulant et bruissant avec le vent.  De toutes les hauteurs, de tous les genres, pour tous les goûts. Pennisetum alopecuroides ‘Hameln’, Miscanthus sinensis ‘Malepartus’, Fargesia murielae ‘Jumbo’ sans oublier l’efficace, indispensable et indémodable Calamagrostis x acutiflora ‘Karl Foerster’.

Jardin du toucher, de l’odorat

Les Ballota, Pulmonaria, Sedum, Hemerocallis, Stipa aux cheveux d’ange et autre Stachys, l’épiaire laineuse dite oreille d’ours se laissent aller sur le chemin. Elles donnent envie d’être touchées. On les effleure au passage. Mais on évite de poser la main sur le Yucca. Plus loin, on hume les thyms, le fenouil ou la ciboulette.

Jardin des graviers

Au bout du jardin, après avoir dévalé l’escalier, l’eau vient terminer sa course au centre d’un cratère de galets et se perdre dans les profondeurs de la terre. Le jardin des graviers est la clef de voute du lieu. Le cœur de la composition. Une carrière d’argile désaffectée. En fait, un immense sunken garden, un jardin en contrebas. Spectaculaire vu d’en haut. L’œil distingue d’abord un vaste tapis multicolore, puis un dessin tout en courbes et en rondeurs.

Ici point de gazon. Uniquement du gravier. Sans doute un petit clin d’œil au jardin anglais de Beth Chatto à Colchester et aux réalités du XXIème siècle. Le climat se réchauffe, l’eau manque en été. Il faudra dès lors se passer d’arrosage, les plantes devant se débrouiller toutes seules. Les graviers blancs  accumulent la chaleur des rayons du soleil. En hiver, ce paillis minéral protège du froid et de l’excès d’humidité. Il règne un microclimat presque méditerranéen sans doute du fait de l’encaissement de ce jardin. Quelques exotique sont essayées et plantées. Toutes les plantes sont sélectionnées pour leur résistance à la sécheresse et leur amour du soleil. Des bulbes au printemps, des vivaces en été et des graminées pour l’automne.  C’est la ronde des Achillea, Euphorbia, Verbena bonariensis, Santolina, Eryngium, Gaura, Stipa, Sedum, Perovskia, Yucca, Inula, Echinacea, Anthemis et Bergenia. Sans oublier les thyms et les sauges très à l’aise dans ce milieu et la Melica ciliata, une graminée aux épis retombants qui se ressème à l’envi.

Infos pratiques

Garten der Sinne, Ellerweg 11 à 66663 Merzig, www.merzig.de et www.jardins-sans-limites.com

A lire

Jardins sans Limites, Des jardins contemporains au cœur de l’Europe, de Sonia Lesot, Editions Gaud 2009, ISBN 978-2-84080-183-2

En route vers les Jardins sans limites

Les jardins sans limites imaginés par la Moselle et sa voisine la Sarre ont vu le jour en 1999, avec la bénédiction de l’Union Européenne. Au total, une vingtaine de jardins contemporains alliant intérêt botanique et paysager sont réunis dans un réseau transfrontalier sautant par-dessus les frontières d’Allemagne, de France et du Luxembourg, www.jardins-sans-limites.com.

Voici quelques propositions pour un petit week-end jardinier dans les environs de Merzig :

  • Jardin des Prairiales du château de la Grange. Un jardin contemporain de l’architecte paysagiste Franck Neau dans lequel il plante une multitude de graminées et de sauvageonnes issues de la campagne environnante. Sans oublier quelques espèces exotiques et horticoles bien choisies. Château de la Grange à 57100 Manom. www.chateaudelagrange.com
  • Jardin des traces d’Uckange.Voir l’article qui lui est consacré. www.jardindestraces.fr 
  • Jardins fruitiers de Laquenexy. Une dizaine de magnifiques jardins thématiques imaginés par l’architecte paysagiste Pascal Garbe en l’honneur des fruits, des légumes, des fleurs et des sens. Jardins Fruitiers, 4 rue Bourger et Perrin à 57530 Laquenexy. Possibilité de déjeuner sur place et de goûter aux délicieux légumes du potager. www.jardinsfruitiersdelaquenexy.com
  • Jardins du château de Pange. Ou une fenêtre sur le paysage bocager créée par l’architecte paysagiste Louis Benech. Des plantations naturelles dans un cadre structuré offrent une vision contemporaine de ce parc ancien. Château de Pange à 57530 Pange. www.chateaudepange.fr
  • La pépinière de Christian Poussin, juste à côté du château de Pange, vaut aussi le détour. Une très belle sélection de plantes vivaces et d’arbustes. 19 rue de Lorraine à 5 530 Pange.
  • Jardin botanique de Metz. Situé dans un ancien parc paysager à l’anglaise du XIXème, ponctué d’élégantes serres de la même époque, de pièces d’eau et d’arbres remarquables, il est divisé en différents espaces. Terre de bruyère, roses, rocaille, graminées. 27 ter, rue de Pont-à-Mousson à 57950 Montigny-lès-Metz. www.metz.fr
  • Jardin des faïenciers de Sarreguemines. L’architecte paysagiste Philippe Niez a conservé les vestiges d’une ancienne faïencerie au centre d’une composition contemporaine. Des jardins à thèmes où les matières et les couleurs des faïences, l’eau et les fleurs à l’origine des décors floraux sont mis à l’honneur. Site du Moulin de la Blies à 57 200 Sarreguemines. www.sarreguemines-tourisme.com
  • Jardins en troc et pour la Paix de Bitche. Ce sont des jardins issus de la fantaisie jardinière. Au pied de l’imposante citadelle de Bitche, les jardiniers de la ville vous emmènent dans des espaces renouvelés chaque année. Au gré de leur imagination débordante… Rue Bombelles à 57230 Bitche. www.ville-bitche.fr
  • La roseraie de Zweibrücken près de Saarbrücken est un immense jardin de collection. Des milliers de variétés de roses y sont associées à des plantes vivaces et des arbustes à la manière de Karl Foerster.  Rosengartenstrasse 50 à 66482 Zweibrücken www.rosengarten-zweibruecken.de
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