Même si visiter les jardins allemands ne va pas toujours de soi, si se ruer vers l’Angleterre parait certainement plus glamour, le pays d’Angela Merkel vaut vraiment le détour. D’abord pour ses créateurs et pépiniéristes d’avant-garde. Georg Arends, Karl Foerster pour ne citer qu’eux, les premiers à avoir sélectionné et élargi la gamme des plantes vivaces et surtout celle des graminées ornementales bien adaptées à nos jardins actuels. Ensuite, pour quelques jardins légendaires qui ont ponctué les siècles. Au XVIIIème, le parc de Sans Souci de Frédéric de Prusse, au XIXème celui de Linderhof de Louis II de Bavière, au début du XXe, l’île jardin de Mainau de Lennart Bernadotte et enfin aujourd’hui au XXIe, le jardin très contemporain de Merzig.
Sans Souci, le Versailles prussien
Entre 1744 et 1764, Frédéric le Grand, roi de Prusse, fait construire à Potsdam une maison de campagne, entourée d’un vaste parc de plus de 300 ha. Un endroit sans souci où il fait bon se reposer. Aujourd’hui, outre le château, il ne subsiste que six terrasses monumentales installées à ses pieds vouées à la culture des vignes et des fruits exotiques. Grâce à leur forme concave, l’ensoleillement et la répartition de la chaleur sont parfaits. A intervalles réguliers, des niches chauffées au charbon et fermées par des portes en verre, protègent les figuiers du gel hivernal.
Quelques dizaines d’années plus tard, le roi Frédéric-Guillaume III entame une seconde phase d’aménagement des jardins et transforme le parc en un jardin paysager romantique parcouru de belles perspectives où il fait bon se promener. Il concilie le style baroque existant avec l’esprit anglo-saxon très en vogue tout en y ajoutant l’un ou l’autre décor. Si bien qu’à Potsdam coexistent alors, tantôt une ruine, tantôt une pyramide, un moulin, ou encore une élégante maison de thé chinoise.

Linderhof, l’éclat du rococo
Le parc du château de Linderhof dans la vallée du Graswang est un bel exemple de jardin rococo tardif créé en 1873 et terminé 4 ans plus tard sous la houlette de Louis II de Bavière. Même si à l’origine il voulait y réaliser son Versailles bavarois, Linderhof n’est pas du tout représentatif de sa démesure légendaire. La raison est simple. Les montagnes environnantes ne permettaient pas d’imaginer un immense palais et des perspectives à l’infini. Il décide alors de transposer son rêve de grandeur ailleurs, sur l’île de Herrenchiemsee, tout en gardant à Linderhof un petit pavillon de chasse. Tout autour, le jardin en terrasses est centré sur un axe central traversant la maison. D’une part, un grand bassin et des paliers surmontés d’un temple de Vénus, de l’autre, une cascade, commençant par un petit bassin et sa fontaine de Neptune et terminant par un élégant pavillon de musique.
Le jardin fait judicieusement office de transition entre la maison et les alentours montagneux et boisés même si l’ensemble avec un parterre formel, un parc paysager, une grotte artificielle et un kiosque mauresque parait assez hétéroclite.

Mainau, l’île-jardin
Au nord-ouest du lac de Constance, se cache l’île-jardin de Mainau, propriété des descendants du Comte Lennart Bernadotte, branche cadette de la famille royale de Suède. Un enchantement de 45 ha, aux airs d’Isola Madre sur le lac Majeur, initié au XIXe par Frédéric I de Bade autour d’un château baroque puis remis complètement en musique par Lennart Bernadotte au milieu du siècle suivant. Préoccupé par l’écologie et la protection de l’environnement, il la transforme en un éden baigné par un climat doux et chaud qui permet l’acclimatation de végétaux méditerranéens et subtropicaux.
Dans l’arboretum, des arbres séculaires ou rares attirent le regard des dendrologues avertis. Un Metasequoia glyptostroboides, conifère caduc aux jolies couleurs automnales, des Sequoiadendron giganteum issus de graines californiennes, des cèdres, tulipiers … Plus loin, un escalier d’eau à l’italienne, différents jardins avec selon la saison, des tulipes, rhododendrons, roses ou dahlias, une serre immense pour la culture des orchidées et des palmiers et un jardin des papillons. Depuis 1974, une fondation assure l’entretien et l’avenir du lieu.

Merzig, le contemporain
A Merzig, petite ville connue pour sa céramique Villeroy &Boch, à la limite de la frontière avec la Lorraine française, tous les sens du visiteur sont sollicités dans un jardin de 2,5 ha créé par la paysagiste Hella Kreiselmeyer. Initiatrice du formidable projet transfrontalier « Jardins sans limites » qui lie depuis 1999, l’Allemagne, la France et le Luxembourg, elle y suggère avec brio un lieu où les sensations de chacun sont en éveil. Elle dessine une dizaine de jardins thématiques dans des chambres de verdures aux atmosphères différentes, séparées par des haies. Les végétaux y sont véritablement mis en scène. Surtout des plantes vivaces et des graminées qu’elle affectionne particulièrement. De-ci de-là, reliés par un chemin sinueux, on passe de surprise en surprise. Un jardin d’eau, de méditation, des saisons, des sons, du toucher, des couleurs, une roseraie plus formelle où les parfums se distillent et le point d’orgue, un étonnant jardin de gravier

