Texte pour le numéro 65 d’Eden Magazine (printemps 2020), puis remanié aujourd’hui, suite à la remise de la 36ème édition des Floralies Gantoises en avril/mai 2022 après la crise sanitaire européenne due au coronavirus.

Photos Karin Borghouts, Catherine Vereecke, Saint-Bavo’s Cathedral Ghent © Lukasweb.be-Art in Flanders vzw, photo KIK-IRPA et Marie-Noëlle Cruysmans


Tous les 4 ans, pendant dix jours, sonne à Gand la grand-messe des fleurs avec carillons et trompettes. Pour la 36ème édition, l’évènement haut en couleurs, véritable vitrine d’un savoir-faire ancestral, accueillera comme à son habitude, des milliers et des milliers de visiteurs à l’affût de vertes sensations. L’occasion de découvrir ou de revoir la ville en parure florale. Cette année, venez goûter aux délices de « Mon paradis, mon jardin terrestre », un thème audacieux et poétique.
Tradition séculaire

L’horticulture à Gand ? Ce n’est pas nouveau ! Depuis toujours, la ville est associée au végétal. Aux azalées, aux harde gentse, aux lauriers, Laurus nobilis, aux camélias, aux orchidées.
Beaucoup de chroniqueurs estiment que dès le milieu du XVIème siècle, les belges et notamment les gantois, figurent parmi les meilleurs jardiniers et cultivateurs au monde. Cela dit, à cette époque, à côté des jardins d’utilité dédiés aux plantes potagères et médicinales, sont créés des jardins d’agrément accueillant plantes locales ou exotiques :
Robert De Bauw et Luc Dhaeze-Van Ryssel, nous livrent de précieuses informations dans leur livre intitulé Verschaffelt, une dynastie d’entrepreneurs horticulteurs à Gand au XIXe siècle : « Les jardins d’Antoine Triest, illustre évêque de Gand de 1622 à 1657, et protecteur éclairé des sciences, des lettres et des arts, sont célèbres… On n’y voit point de serres, ni d’orangeries, mais on distingue de grandes constructions en arbres d’if taillés, tondus, façonnés en kiosque, et surtout …des somerhuizen, … des maisons d’été. » (P.6 Fondation De Bauw-Nias, Bruxelles, 2013)
Au XVIIIème, la haute bourgeoisie se prend au jeu et convoite, elle aussi, des jardins de fleurs avec tulipes et renoncules. Les plantes exotiques et rares ramenées des pays lointains font toutes sensation, surtout depuis l’apparition des serres, les jardins d’hiver. Avec ces végétaux inconnus, apparaissent des catalogues de plantes et une nouvelle profession d’horticulteur pour les acclimater et les multiplier.
« Un almanach de 1774 indique que la profession de pépiniériste était alors déjà présente à Gand. Sous la rubrique « Kabinetten », c’est-à-dire celle qui concerne les cabinets de curiosité, on trouve – après les collectionneurs d’estampes, les possesseurs de bibliothèques et les numismates – les « stoventot het queeken der Kruyden », c’est-à-dire les serres pour la culture des plantes. Ce sont surtout des notables qui disposent de pareilles installations : l’évêque de Gand, l’abbé de Saint-Pierre, de nobles propriétaires. En fin de liste, on découvre « Pynnaert, hovenier… Men vind by hem alle soorten van Fruyt-boomen ten redelyken pryze » : il vendait donc des arbres fruitiers à des prix raisonnables. » P.7
« Un autre almanach donne, en 1798, une liste d’une vingtaine d’horticulteurs professionnels, répartis en deux groupes. Les uns sont marchands d’arbres fruitiers, orangers, lauriers et autres arbres. Les autres vendent des bulbes, des arbustes, des semences, des fleurs à semer et des bouquets de fleurs coupées. » P.7
Exposition horticole

Ce n’est pas un hasard si la première société horticole du continent, à l’instar de la RHS anglaise, la Royal Horticultural Society créée en 1804, est née à Gand 4 ans plus tard. A l’époque, une trentaine de jardiniers passionnés revenant d’un voyage à Londres, décident de fonder la Société royale d’agriculture et de botanique. Dans une auberge ayant pignon sur rue, ils organisent une première exposition publique de végétaux, réunissent quelques producteurs de la région avec leur plus belle plante et octroient un prix à la plus étonnante.


Petit-à-petit, avec un nombre toujours croissant de végétaux exposés et sous l’impulsion de certains membres de dynasties d’horticulteurs comme Ambroise Verschaffelt, Hubert Van Hulle et Edouard Pynaert, se tiennent en 1868 les premières Floralies gantoises. Leur but est d’encourager l’horticulture, la recherche et le savoir-faire. Devenues au fil du temps, non seulement un lieu de présentation du végétal, mais aussi d’émulation et de concurrence, elles sont un évènement international incontournable, une véritable institution réunissant tous les 4 ans, les grands noms de la profession.


Cette année, elles se tiennent dans le parc de la citadelle, véritable poumon vert de la ville. Notamment dans le palais des floralies, soit 1,5 ha de jardin couvert et 1,5 km de sentiers plantés de plus de 500.000 fleurs, annuelles, vivaces, des graminées, arbustes et des arbres. Un parcours pour le grand public, dans un paysage merveilleux, où il pourra glaner des idées, dénicher de nouvelles plantes et s’inspirer de compositions inattendues tout en admirant la créativité de tous. Une occasion unique de découvrir les œuvres et créations de différents acteurs tels les fleuristes, horticulteurs, paysagistes et artistes des 4 coins du monde. Mais aussi de visiter des ateliers ou des boutiques éphémères.
Comme à chaque édition, l’opportunité de rendre la ville plus verte, plus durable et plus innovante.
Le paradis des Van Eyck

En 2020, les Floralies s’intéressent non seulement à l’histoire de Gand mais elles coïncident aussi avec l’année Van Eyck. L’Agneau mystique des frères Van Eyck et une illustration du jardin de l’évêque Triest sont en effet, le point de départ et la source d’inspiration du thème de mai prochain : » Mon paradis, mon jardin terrestre ».
Pourquoi Van Eyck ? D’abord pour le célébrissime Agneau mystique, commandité par l’échevin Joost Vijd et achevé par Jan en 1432 après le décès de son frère Hubert. Il représente avant tout l’emblème de l’ensemble des gantois puisque depuis 6 siècles, ceux-ci peuvent l’admirer dans leur Cathédrale Saint-Bavon en plein cœur de la ville. L’Agneau mystique est bien plus qu’un simple élément du patrimoine mondial. Aujourd’hui encore, il fascine et inspire. L’héritage des Van Eyck est omniprésent et fait vraiment partie de l’ADN des Gantois.
Pourquoi l’Agneau mystique ? A la vue de ce tableau, notamment du panneau central, il serait possible à n’importe qui de s’initier à la botanique ! Oui, il offre une mine d’informations sur la faune et la flore au Moyen Âge. 75 espèces différentes de fleurs, de plantes et d’arbres, – dont 48 d’entre elles ont pu être déterminées avec certitude -, minutieusement et remarquablement décrites, démontrent les connaissances scientifiques des frères Van Eyck. Notamment des espèces exotiques rencontrées lors de leur séjour en Espagne et au Portugal. Incontestablement, ce travail inouï de description et d’observation de la nature dépasse les herbiers contemporains.
« Les botanistes ont pu identifier … le cyprès, le dattier, le figuier, le grenadier, l’oranger, le pin parasol et l’olivier. Huit arbres indigènes : le merisier des oiseaux, le hêtre, l’épicéa commun, le groseillier, l’érable champêtre, le rosier, la vigne, le sureau. Une multitude de fleurs sauvages et des graminées … » (Marie-Françoise Valéry, Jardins du Moyen Age, La Renaissance du livre, 2001, Bruxelles, p27)
« Le cortège des anges défile dans un paysage édénique où fleurissent non seulement les lis, les iris et les violettes de la tradition médiévale, mais aussi les pivoines, le muguet et le saxifrage…. L’accent est mis ici sur une interprétation plus naturaliste que mystique … » (Michel Baridon, Les Jardins, Editions Robert Laffont 1998, p536)
C’est un jardin miraculeux planté de végétaux à feuillage persistant pour incarner l’immortalité, de fleurs printanières pour le renouveau perpétuel et d’herbes médicinales pour leur pouvoir guérisseur. Il reflète le paradis céleste et sans aucun doute leur propre vision du monde.
Avec les Floralies gantoises, vous ne vous sentirez jamais aussi près du paradis … de la sérénité et de la paix intérieure, loin du rationalisme de la société moderne, des grandes avancées technologiques et de la vie trépidante. Une expérience à tenter !
Informations pratiques
- Citadelpark, Van Rysselberghedreef 2 bus 3, 9000 Gent
- www.floralien.be
Report des Floralies 2020 en 2021 puis en 2022
À la suite de la crise sanitaire européenne due au coronavirus, cette 36ème édition des Floralies Gantoises a été remise en avril/mai 2021, puis en avril/mai 2022.