A la fois classique et manucuré

A Ohain, dans le Brabant wallon, un havre de paix créé à quatre mains évolue avec son temps en toute simplicité. Il vit sa vie, entretenu au bouton !

En cette fin de juin triste et morose, nous sommes revenus chez Hélène et Willy Devos. Entre deux averses plus précisément. Si partout ailleurs, les jardins ont tiré leur révérence après avoir été constamment lessivés durant un printemps apocalyptique, ici, il montre le meilleur de lui-même et semble avoir été épargné. Les rosiers défleuris ont certes perdu momentanément de leur superbe, le gazon est détrempé voire spongieux, les couleurs sont moins présentes que d’habitude. Pourtant, ce jardin nous parait tiré à quatre épingles. Les haies taillées au cordeau, les bordures des parterres nettes et découpées, les ifs et les buis en boules bien ciselées, les plantes vivaces toujours impeccablement au garde à vous.

Ici, il y a des détails qui ne trompent pas. Nous sommes chez de vrais passionnés. Les arbustes sont délicatement habillés de clématites, les iris divisés et fraichement repiqués, quelques semis d’achillées patientent sur la table de la terrasse. Il y a en tout temps quelque chose à voir et surtout à admirer. Une structure parfaitement pensée et un entretien de première classe.

LEUR BON PLAN

Au départ, Hélène et Willy commencent par planter les haies et dessiner les chemins. Puis vient le tour de l’étang et très vite, la construction d’un petit muret pour séparer la partie haute du jardin plus éloignée, de celle du bas devant la maison. Ce terrassement judicieux transforme la vue du jardin et lui donne du rythme. On n’en perçoit plus les limites d’un seul coup d’œil et il parait nettement plus grand. Sans doute aussi plus varié et plus original. Et lorsque pour marquer le relief, ils décident d’implanter un escalier à l’aide de bordures de trottoir en pierre bleue et de gravier dans la contremarche, l’effet de perspective est réussi. Le regard est conduit progressivement vers la partie haute du jardin. L’espace est redistribué différemment.

LEUR COIN PREFERE

L’étang aux nénuphars est la clef de voûte du jardin. En contrebas de la terrasse, ses berges sont ourlées d’Hosta, alchémilles et Pachysandra alors que deux élégants cornouillers encadrent le tableau. Cornus controversa ‘Variegata’ et Cornus alternifolia ‘Variegata’, tous deux au doux feuillage marginé de blanc, l’éclairent tout en apportant une touche japonisante et graphique. Toujours beaux, même en hiver quand les feuilles sont tombées, ils sont véritablement la colonne vertébrale du jardin. Un peu en retrait, un magnifique Cercis canadensis ‘Forest Pansy’ en majesté exhibe ses feuilles cordiformes aux différentes nuances de pourpre rougeâtre et contraste parfaitement. Les amis de la famille, deux canards bien rondouillards, sont logés dans une jolie maisonnette en bois de Forham Cottage Arks.

Cornus controversa ‘Variegata’
Cornus alternifolia ‘Variegata’

LEURS COUPS DE CŒUR

  • Hélène et Willy avouent tous les deux agir et s’investir au coup de cœur. Inutile de rechercher chez eux une collection ou une série de plantes rares. Ce n’est pas leur propos. Ici, chaque plante a une histoire. La Paeonia suffruticosa ‘Joseph Rock’ par exemple fait à elle toute seule la gloire du jardin. Cette pivoine arbustive originaire de Chine a en effet une fabuleuse floraison parfumée rosée devenant blanche avec des pétales marqués d’une grande tache violet-pourpre. Cette année, ils ont compté 42 fleurs sur un seul pied. Exubérante, cette pivoine bichonnée et engraissée avec de la poudre d’os a déjà été divisée à la scie pour faire quelques bébés.
  • Au rayon des arbres, deux Zelkova, un Nothofagus antartica, le hêtre austral aux petites feuilles dentées prenant de belles couleurs d’automne et dans le même style, un petit arbre ou grand arbuste, l’Ulmus parvifolia ‘Geisha’, l’orme de Chine résistant à la graphiose, bien connu des amateurs de bonsaïs, le comble de l’élégance.
Ulmus parvifolia ‘Geisha’
  • Parmi les arbustes, place aux Hydrangea, véritables passe-partout. H. arborescens ‘Annabelle’ dont on ne peut plus se passer, en version rose H. a. ‘Invincibelle’, H. quercifolia à feuilles de chêne, sans compter quelques cultivars d’H. serrata aux fleurs plates et H. aspera, plus grand à feuilles veloutées. De la même famille, Deinanthe bifida, une plante vivace curieuse originaire du Japon qu’ils réussissent à merveille en situation ombragée, dans un sol frais, acide et humifère. Ses feuilles, longues de 10 à 20 cm, ont une forme originale et surprenante car elles sont généralement découpées en 2 à l’extrémité. En été, les inflorescences terminales sont blanches.
  • Pas de jardin sans rosier. Deux ‘Stanwell Perpetual’ touffus et épineux aux fleurs rose tendre délicatement parfumées les ont suivis d’un jardin à l’autre. Une ‘Guirlande d’amour’ grimpe sur la façade ouest alors qu’un fragile banksiae alba fait bien mieux que tenir le coup sur la façade sud à l’avant de la maison. Il a malheureusement perdu son cousin R. banksiae var. banksiae ‘Lutea’, à fleurs jaunes, qui n’a pas survécu et a été remplacé par une clématite ‘Marjorie’.  Sans oublier le rosier anglais parfumé d’Austin, ‘Geoff Hamilton’ aux fleurs en coupes rose tendre qui leur rappellent ses émissions à la BBC.
  • Chez eux, pas de coup de cœur pour les graminées sauf peut-être pour les Hakonechloa au port retombant et pour les Stipa gigantea aux inflorescences fines et légères qui apportent légèreté et mouvement. Un dernier clin d’œil à Dierama pulcherrimum, surnommée la canne à pêche des anges, aux gracieuses hampes pendantes terminées par des clochettes roses qui, à la manière d’une graminée, ponctue un des nombreux parterres.

LEUR PALETTE DE COULEURS

Détestant les ambiances chaotiques ou tapageuses, ils cultivent les tons doux et pastel. Rien de criard, ni de shocking. Calme et repos avant toute chose. La gamme des bleus, des roses et des blancs. Le parterre bleu réunit notamment des clématites ‘Romantika’, Thalictrum, pavot, Veronicastrum et Verbena bonariensis.

Quelques tons chauds ont néanmoins droit de cité dans des endroits bien déterminés. Notamment le jaune orange des hémérocalles marié avec celui des achillées et des Inula magnifica. Certains feuillages dorés leur répondent : Berberis, Robinia pseudoacacia ‘Frisia’, Gleditsia triacanthos ‘Sunburst’ et quelques conifères nains ainsi que les feuillages marginés de blanc des cornouillers et des Hosta illuminant particulièrement le jardin sous un ciel maussade. Par ailleurs, la délicate Ampelopsis brevipedunculata ‘Elegans’ n’a pas volé le nom de sa variété au feuillage éclaboussé de rose et de blanc.

Ampelopsis b. ‘Elegans’

Les nuances de pourpre sont également bien présentes. A commencer par le Cercis canadensis ‘Forest Pansy’ pour terminer par le feuillage de certains Dahlia ou du Foeniculum vulgare ‘Purpureum’, le fenouil bronze. Sans oublier à l’automne, le somptueux Parrotia persica.

LEURS INSPIRATIONS

Ils ont commencé par le B.A.-BA et ont appris sur le tas. Leur premier jardin était assez basique mais lorsqu’ils ont décidé en 1999 de déménager et d’acheter à Ohain un lopin de 27 ares, ils emmènent avec eux leurs plantes préférées. Des remorques entières d’arbustes et de vivaces. Avant de commencer la construction de la maison, les grandes lignes du nouveau jardin sont déjà conçues et une partie plantée. Oui, c’est indéniable, le virus les avait atteints. Peut-être que tout a commencé à la fête des plantes de Kalmthout. Ce n’est pas un hasard si, au bord de la pièce d’eau, l’Hamamelis ‘Jelena’ du nom de Jelena de Belder, la propriétaire de ce domaine, leur rappelle chaque hiver leurs débuts en la matière.

Puis vient la visite du jardin de Piet Oudolf près d’Arnhem, découvert en même temps que la fête des plantes de Bingerden toute proche. Une révélation. Ils achètent à la pépinière un tas de plantes admirées dans le jardin de démonstration. De préférence celles au port naturel. Depuis, chez eux, l’Inula ou grande aunée, de la famille des Astéracées, s’impose avec des marguerites jaunes très hautes perchées.

Le jardin de Barnsley House de Rosemary Verey, jardinière à la réputation internationale, reste aussi une référence et une éternelle source d’inspiration. L’exubérance de ses plantations dans un cadre rigoureux, les coins d’intimité, un charme omniprésent à la Gertrude Jekyll marié à un style cottage leur conviennent parfaitement.

LEUR SAVOIR-FAIRE

Au début de leur aventure jardinière, le sol de leur jardin à Ohain était argileux et compact. Terriblement dur à travailler. Ils décident alors, avant de replanter les rescapées de leur ancien jardin, d’enlever une couche de terre, d’ajouter du sable du Rhin, – environ 10 camions de 10 tonnes -, et du fumier de vache provenant de la ferme voisine. Egalement du fumier ou compost de champignon, excellent amendement organique. Le tout est mélangé avec soin à l’aide d’un motoculteur. Le travail était immense et coûteux mais sans cela, leur jardin ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Avec le temps, ils décident d’abandonner totalement la chimie pour soigner les vertus de l’écologie. Des petites poules dévoreuses de limaces circulent librement dans le jardin avant de rentrer au bercail pour y passer la nuit à l’abri des renards. Secondées par deux hérissons, elles effectuent une besogne formidable. La preuve ? La quantité et la beauté des feuilles d’Hosta qui foisonnent dans tous les coins. Quant aux petits bobos, ils sont traités avec les purins de prêle et d’orties et lorsqu’une plante ne réagit pas ou végète misérablement, pas de pitié, elle prend la direction du tas de compost.

LEUR ASTUCE

Cet hiver, Hélène avoue ne pas avoir déménagé ses dahlias malgré la terre argileuse qui est la sienne. Les enlever de terre en novembre, les rentrer dans la cave, les remettre en végétation dans la serre et les replanter en mai, que d’énergie ! Elle semble avoir trouvé une solution avec les pellets Strovan. Des granulés de paille compressés comme pour une litière de chat, livrés dans des sacs de 40 litres (couvrant 4m²) qui quadruplent de volume après la pluie ou l’arrosage. Une solution écologique et esthétique, – ils prennent la couleur du sol -, pour lutter contre les herbes indésirables, contre la sécheresse en été mais ici pour protéger les précieux rhizomes des gelées hivernales. L’expérience parait concluante. Mais comme le précise Hélène, avant de crier définitivement victoire, l’aventure est à retenter lors d’un hiver plus rigoureux.  

LEURS BONNES ADRESSES

Les époux Devos ont écumé les fêtes des plantes et les pépinières. Chez nous, celle de Jan Spruyt, incontournable pour son assortiment, Et à l’époque celle de Maurice Vergote à Oostkamp. Aussi la jardinerie Coquette à Rhode-Saint-Genèse, un must, toujours au rendez-vous des belles découvertes. Dans les fêtes des plantes ? Arlette, Maryse et Brigitte, les trois dames bien connues des aficionados, Et la pépinière Ferdinandushof une référence pour ses plantes vivaces d’excellente qualité.Sans oublier Philippe Leclercq pour ses arbustes de toute beauté. En Angleterre, ils se souviennent encore des trésors d’Elisabeth Strangman à Washfield Nursery dans le Kent, Et en Hollande, c’est à la pépinière De Hessenhof qu’ils ils se rendent très régulièrement. Le top du top. Lors de leur dernière visite, ils ont découvert et ramené chez eux pour essayer, le grand Geranium yeoi (rubescens) d’une hauteur de près d’1m, à fleurs magenta rose et aux  grandes feuilles déployées. Ressemblant au géranium de Madère, Geranium maderense, avec une touche de la charmante herbe à Robert mais en version XXL et en  plus résistant. Enfin, pour les semences du potager, Willy n’hésite pas une seconde, il reste fidèle à Thomson &Morgan. Il ne résiste pas en passant, à nous conter ses préférées, les tomates ‘Black Russian’ et ‘Sungold’. Mais cela c’est une autre histoire …

DETAILS PRATIQUES

Début du jardin : 1999 et depuis aménagement continuel

Sol : argileux

Superficie : 27 ares

Où ? La propriété a été vendue et n’est malheureusement plus à visiter

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