

Aux portes de Bruxelles, en lisière de la forêt de Soignes et de l’arboretum de Tervuren consacré depuis 1902 aux forêts tempérées de l’hémisphère nord, se niche un lieu exceptionnel, le golf du Ravenstein. Le Royal Golf Club de Belgique, propriété de la Donation Royale, est fondé en 1906 sur décision du roi Léopold II. Il est dessiné autour d’un château et d’une ferme attenante à l’ancien manoir du Ravenstein, du nom de son premier propriétaire. En ce qui concerne le concepteur du parcours golfique, il n’y a aucune certitude mais il pourrait vraisemblablement être signé de la main de l’architecte Seymour Dunn, passionné de golf et auteur notamment du Royal County Down dans le nord de l’Irlande, véritable chef-d’œuvre. Remanié en 1990 par Martin Hawtree, le grand parcours est appelé « arboretum » alors que le petit créé en 1951 par l’architecte Philip Mackenzie Ross, qui compte 9 trous, est dénommé « parc ». Mais là, n’est pas notre propos.





Depuis le début, les conifères assurent la base de la structure du domaine de 64 ha, l’idée du roi étant d’en implanter autant que dans l’arboretum voisin. Aujourd’hui, ils partagent la vedette avec d’autres arbres arrivés à maturité dont quelques champions de Belgique reconnus par les dendrologues avertis. Quelques spécimens, vénérables, sont plusieurs fois centenaires, tels les deux châtaigniers qui accueillent le visiteur de manière majestueuse. Au printemps, avec la floraison des rhododendrons chamarrés, ce lieu privilégié resplendit de beauté ; mais à l’automne, il brille de mille feux. L’enchantement est toujours au rendez-vous pour ceux qui ont le bonheur d’y pratiquer leur sport favori.

D’or

Cet automne, les tulipiers du Ravenstein sont particulièrement rayonnants. Spécialement l’un d’entre eux, véritable sentinelle au milieu d’une perspective. Liriodendron tulipifera, le tulipier de Virginie, originaire des Etats-Unis, est avant tout réputé pour ses fleurs solitaires dressées, ressemblant à des tulipes aux pétales blanc verdâtre nuancés d’orange. Quand on le découvre pour la première fois à l’automne, on ne l’oublie plus. Ses feuilles jaune tendre offrent un spectacle garanti pendant 2 à 3 semaines. A y voir de plus près, c’est un feuillage original, curieusement lobé de chaque côté et tronqué à l’extrémité comme s’il avait été coupé.


A leurs côtés, quelques Ginkgo biloba rivalisent. Figurant parmi les arbres les plus anciens de la planète, véritables fossiles vivants, ils exhibent des feuilles en éventail qui virent au doré. On les repère de loin, ainsi que quelques petits ormes à la tête ébouriffée, – sans doute à la suite d’une taille sévère -, Ulmus ‘Sapporo Gold’, très résistants à la graphiose.



De pourpre

Pour allumer le feu, plusieurs espèces exceptionnelles. Même si notre climat n’est pas le mieux adapté à l’embrasement automnal comme au Canada, dans l’est des Etats-Unis, en Chine ou au Japon, quelques-uns sont ici au rendez-vous. A commencer par le groupe des Acer palmatum ‘Osakazuki’, petits érables ne dépassant pas 8 m de haut qui offrent un spectacle incomparable lorsqu’ils virent au cramoisi. Pour tous, leurs silhouettes élégantes et arrondies sont devenues un véritable repère dans le parcours. D’autres érables tels Acer rubrum ‘October Glory’, une variété d’érable rouge et Acer x freemanii, un croisement entre l’érable rouge et l’argenté, à la croissance rapide et érigée, composent eux aussi des tableaux flamboyants.






Quelques américains comme le copalme, Liquidambar styraciflua, dont les feuilles sont souvent confondues avec celles de l’érable ou le Nyssa sylvatica appelé aussi tupélo noir, ont été plantés pour leur effet automnal. Les Nyssa ont aussi une grande valeur écologique car ils fournissent des fruits aux oiseaux et du nectar aux abeilles. Quant aux Parrotia persica, originaires des forêts au sud de la mer Caspienne,ilsoffrent un impressionnant kaléidoscope de teintes variant du jaune au rouge sang.




Ou de cuivre
Pour briller dans les tons de bronze, miel ou cuivre, outre les grands hêtres « échappés » de la forêt de Soignes, plusieurs conifères au feuillage caduc déploient leurs plus beaux atours avant de retrouver leur silhouette hivernale minimaliste. Le Metasequoia glyptostroboides ou le Taxodium distichum, cyprès chauve sont de ceux-là. Les élégants Cercidiphyllum japonicum sont imbattables. Appelés Katsura ou arbres à caramel car ils diffusent un léger parfum de pâtisserie lors de la chute des feuilles, ils ont un joli feuillage en forme de cœur qui change de couleur au fil des saisons. D’abord rosé, puis vert avant de devenir cuivré.





La liste n’est pas exhaustive, beaucoup d’autres espèces comme les chênes participent eux aussi à la grande fête des couleurs. Certains se contentent de marquer le paysage de leur empreinte sans nécessairement l’éblouir, tels les nombreux saules pleureurs, les grands Chamaecyparis ou les araucarias du Chili admirés à l’arboretum voisin … aussi, les charmants fruitiers du verger arpenté inlassablement par les débutants.


Une délicate gestion


Cela dit, au Ravenstein, la gestion du domaine est délicate car il faut concilier les avis des amateurs d’arbres et des golfeurs. Parfois, ils convergent pour le plus grand bonheur de tous. Notamment la décision de « relever les jupes » des arbres en coupant les branches basses pour découvrir les troncs, donner de la transparence et permettre aux étourdis de retrouver facilement leurs balles égarées. Ce fut le cas notamment d’un Sequoiadendron giganteum. De temps en temps, il est nécessaire d’élaguer pour ne pas gêner le départ, enlever et couper pour aérer et sécher le green, planter pour contrer les mauvais coups, créer des ouvertures pour éviter les couloirs fermés, creuser des tranchées pour couper les racines trop proches du green, recueillir les eaux de ruissellement… Tous des nouveaux défis à relever dans le plus grand respect de la nature et de l’environnement.

