Une fois n’est pas coutume. Avec cette exposition, le Centre international pour la ville, l’architecture et le paysage, CIVA, offre une vue d’ensemble des créations paysagères, des styles et des espaces dessinés de notre capitale qui ont façonnés son visage actuel. L’occasion de mieux comprendre pourquoi elle est toujours aussi verte.

Parc royal (1775)
Au XVIIème, la cité à l’allure encore très médiévale possède déjà à l’intérieur de ses remparts, de nombreux jardins. Ceux des grandes demeures aristocratiques, des congrégations religieuses ou le parc du palais du Coudenberg. En 1775, naît le parc royal, premier parc public au sens moderne, soit un espace de promenade où les piétons sont rois. A l’inverse de la mode européenne des parcs à l’anglaise, ici, un dessin géométrique s’impose : un grand bassin circulaire, point de départ de cheminements en forme de patte d’oie et des grands tapis verts avec des alignements réguliers d’arbres libres ou palissés, le tout ponctué de statues.

Léopold II (1865-1909)
Dès le début du XIXème, les remparts de l’enceinte médiévale sont détruits et remplacés par de larges boulevards, bordés de multiples rangées d’arbres, formant une ceinture verte de 8 km. Au nord, apparait le jardin botanique et à l’est le quartier Léopold, les premiers squares à l’anglaise et le jardin zoologique, premier grand parc paysager public parsemé de curiosités zoologiques et botaniques. L’avenue Louise, avenue-promenade arborée entre le centre-ville et la Cambre (à l’époque une avancée de la forêt de Soignes) est dessinée au sud-est.
Il faut attendre l’arrivée de Léopold II pour tracer les lignes prestigieuses de l’urbanisme bruxellois. S’inspirant des paysagistes français comme Haussmann et Alphand, il imagine d’imposants parcs publics au tracé irrégulier et les relie par un réseau de promenades le long de boulevards plantés. Les bois de la Cambre, parc de Woluwe, de Josaphat, de Laeken, de Forest ou Duden sont alors créés. Des compositions à l’anglaise aux lignes souples et aux immenses perspectives. Quelques décors repris sous le terme générique de rocaille animent la mise en scène végétale : des ponts, cascades, grottes, enrochements en ciment armé imitant la pierre ou le bois comme notamment au Parc Josaphat ou aux étangs Mellaerts à Woluwe-St- Pierre.
Une exception à cet art paysager dominant est l’ensemble architectural du Cinquantenaire tracé, selon les règles classiques et géométriques du jardin à la française, autour d’un axe central reliant la rue de la loi à l’avenue de Tervuren en passant par cette arcade monumentale, porte symbolique de la ville.
Une autre exception plutôt originale est l’étonnant square du Petit Sablon conçu par Henri Beyaert et Louis Fuchs. Son jardin fleuri, dans le style des jardins du XVIème hollandais, constitue l’écrin d’un véritable musée en plein air avec des statues représentent les grands humanistes, les héros et les corporations de cette époque.

Nouveau jardin pittoresque, cités-jardins et art déco
Au début du XXème siècle, les idées changent et se bousculent. L’association Le Nouveau Jardin Pittoresque menée par l’architecte paysagiste Jules Buyssens refuse les dessins classiques ou paysagers jugés tous deux trop artificiels. Au contraire, elle défend désormais l’idée d’un jardin inspiré directement de la nature sauvage fourmillant de végétaux divers et variés. Le Jardin Jean Massart à Auderghem ou le parc d’Osseghem en sont des témoins.
Par ailleurs, inspirée d’outre-Manche, la cité-jardin s’impose comme solution au problème de l’habitat pour les personnes à revenus modestes. Une vingtaine sont construites dans la périphérie pour leur offrir des lieux de vie décents, baignés de nature et de lumière.
Enfin, à l’opposé du Nouveau Jardin Pittoresque, une nouvelle tendance art déco intervient avec des formes très géométriques rompant de manière radicale avec le concept d’imitation de la nature. Le square du Vingt-et-un juillet à Laeken en est un bel exemple.

De l’après-guerre à aujourd’hui
Après-guerre, les barres d’immeubles partent à la conquête du ciel et modifient la perception du paysage. Le béton l’emporte, mais quelques jardins poussent malgré tout autour de sièges de grandes entreprises comme Glaverbel, CBR ou la Royale Belge. Puis, avec le début de la crise pétrolière des années 70, débutent les premiers combats écologiques et la protection des écosystèmes urbains ou des sites semi-naturels comme le parc Roi Baudouin à Jette ou celui de la Héronnière à Watermael-Boitsfort.
Aujourd’hui, à l’instar de Berlin notamment, les paysagistes veulent reconquérir la ville et réinventer le paysage, aussi petit soit-il. Généralement d’ailleurs là où on ne l’attend pas… dans les interstices urbains, les friches, le long des tracés ferroviaires. Le tout en concertation avec les habitants des quartiers qui, enfin, ont leur mot à dire, qu’il s’agisse des usages, cheminements, éclairages ou mobiliers. Voici venir une dimension sociale toute nouvelle. Les parcs de la Senne, de la porte de Hal, de la porte de Ninove, le site de Tour et Taxis, la Cité Modèle, déjà réalisés ou en cours de réalisation sont là pour le prouver. A découvrir.



Designed Landscapes, Brussels 1775-2020, CIVA, Centre international pour la ville, l’architecture et le paysage, rue de l’Ermitage 55 à 1050 Ixelles. www.civa.brussels