Les voyages interdits ou déconseillés vous désespèrent ? Retournez faire un petit tour ou allez découvrir l’Arboretum de Tervuren. Il vous emmène explorer les forêts tempérées de l’hémisphère nord. De la Californie en passant par le Québec, la Sibérie, la Grèce, la Turquie, le Népal ou le Japon …
Dans la préface d’un nouvel ouvrage qui lui est consacré, Philippe de Spoelberch, Président honoraire de la Société Belge de Dendrologie fait l’apologie de ce patrimoine vivant exceptionnel : « Ce que nous, Belges, ne savons pas, c’est que cet arboretum est un monument de qualité et d’importance mondiales. La châtaignier américain Castanea dentata a disparu des forêts des États-Unis ; un visiteur de ce pays avait les larmes aux yeux en voyant les beaux exemplaires de Tervuren. » Un beau programme.

Un arboretum forestier
La Forêt de Soignes, poumon vert de la capitale, exceptionnelle hêtraie cathédrale, est entrecoupée de grands domaines tels le Parc Solvay à La Hulpe, le Bois de la Cambre à Bruxelles ou le Parc de Tervuren. L’arboretum de Tervuren et le Bois des Capucins environnant appartiennent à la Donation Royale à la suite d’un accord entre le roi Léopold II et l’État Belge. Des collections d’arbres et des zones forestières sont réunies dans un élégant parc d’allure paysagère parcouru d’une promenade royale, de drèves de hêtres pourpres, de prairies, d’étangs et de vallons verdoyants.
L’arboretum se distingue d’abord par son aspect forestier. Planté de différents ensembles d’arbres en mélange plutôt que de spécimens individuels, il est entretenu par des méthodes sylvicoles pour observer des paysages forestiers typiques, les promouvoir et reproduire différents écosystèmes. A la fin du XIXe siècle, 25 arboretums forestiers naissaient en Belgique à une époque où il fallait non seulement reboiser mais aussi acclimater des essences exotiques pour tester leur productivité, la qualité de leurs bois, leurs performances et augmenter le nombre relativement limité des essences européennes. D’où les plantations de douglas, Pseudotsuga menziesii, mélèzes du Japon, Larix kaempferi, ou chênes rouges d’Amérique, Quercus rubra. Aujourd’hui, la plupart des arboretums forestiers ont disparu notamment faute d’intérêt pour les végétaux exotiques mais Tervuren reste LE lieu de référence avec ses innombrables arbres arrivés à maturité dont 300 remarquables et 33 champions recensés dans le Beltrees, la base de données qui inventorie les arbres remarquables de Belgique.
Et géographique
Unique au monde, l’arboretum de Tervuren est géographique. Les espèces n’y sont pas classées de manière systématique par genre et famille mais selon leur origine. L’idée est de regrouper dans une parcelle toutes les plantes issues d’une même région du monde et d’imiter la composition naturelle d’une forêt d’origine américaine, asiatique ou européenne. Toutes proportions gardées bien évidemment. A ce principe, une exception d’ordre esthétique : à certains endroits stratégiques sont plantés quelques arbres de position à la silhouette particulière ou aux couleurs remarquables.

Charles Bommer, botaniste, conservateur du jardin botanique national et professeur à l’ULB en est le concepteur. En 1902 sur 120 ha, sous le couvert de chênes âgés de 15 à 30 ans, il débute la plantation progressive d’arbres provenant de 80 régions forestières différentes. Aujourd’hui, 700 espèces et 30.000 arbres et arbustes essentiellement « wild collected », – prélevés dans leur milieu naturel -, sont installés dans les 40 zones spécifiques de ce parc aux reliefs divers, parsemé de perspectives, percées et vastes prairies faisant office de respiration entre les massifs densément plantés.
Devenu un modèle du genre, il est divisé en 2 grandes parties, l’ancien monde recouvrant l’Europe, l’Afrique du nord et l’Asie et le nouveau à la superficie beaucoup plus étendue dédié au continent nord-américain. Avec une section exceptionnelle des Araucaria du Chili pour le plaisir des yeux. Il y a 1 siècle, la flore du nouveau monde fait rêver, notamment les arbres gigantesques de la côte occidentale méridionale comme le redwood, Sequoia sempervirens, le plus haut du monde avec ses 110m. Cela dit, le douglas, Pseudotsuga menziesii, impressionne également comme le thuya géant, Thuya plicata, le cyprès de Lawson, Chamaecyparis lawsoniana ou l’épicéa de Sitka, Picea sitchensis pour ne citer qu’eux.

Tourné vers l’avenir
Les gestionnaires du lieu ne se contentent pas seulement d’entretenir et maintenir les collections. Leur défi ? Les développer d’une manière durable et écoresponsable en tenant compte des différents facteurs actuels comme les changements climatiques accompagnés de tempêtes et longues sécheresses. L’étude de leur croissance groupée et l’observation des arbres adultes originaires de zones climatiques fort différentes sont approfondies. En effet, même ceux qui sont bien acclimatés souffrent, contractent de nouvelles maladies ou périssent. De nouvelles plantations d’espèces indigènes, – hêtre, chêne pédonculé, chêne rouvre, merisier et tilleul -, sont programmées parmi les arbres à maturité et dans les zones devenues trop ouvertes.

Un livre précis et détaillé agrémenté de photos, de graphiques, de cartes et de documents vient de paraître. Une véritable perle écrite par les gestionnaires du lieu qui rend hommage à cette fabuleuse collection vivante. A mettre entre les mains des dendrologues et autres amateurs d’arbres. Un site internet vient compléter l’ouvrage dans un grand souci de vulgarisation pour que l’Arboretum de Tervuren à l’intérêt scientifique évident, soit non seulement accessible mais aussi adopté par tous.
Arboretum géographique de Tervuren Un tour du monde par les arbres de Patrick Huvenne, Wilfried Emmerechts, Willy Verbeke et Kevin Knevels, La Donation Royale,2020, ISBN 978-94-640-7106-1