
Valentine Donck « la sorcière du lieu » ouvre les portes de son laboratoire et guide les visiteurs ébahis dans ce jardin conservatoire des plantes à couleurs. L’expérience en vaut la chandelle.
La teinture végétale dite naturelle n’est pas à proprement parlé une science exacte mais tout simplement un art issu de milliers d’année de pratique et de savoir-faire, basé sur la connaissance des plantes. Différentes parties de celles-ci sont utilisées. Pour l’eupatoire chanvrine, le végétal tout entier, pour le mûrier noir les feuilles, pour le dahlia les fleurs, pour l’iris des marais les racines, pour le chêne pédonculé l’écorce et pour le cassis les fruits. Les couleurs obtenues varient du jaune au rouge en passant par le bleu. Le vert n’est révélé qu’après des colorations successives. D’abord un bain de bleu, puis de jaune. D’une même plante, plusieurs couleurs peuvent être extraites. Le sureau par exemple a des baies qui donnent du bleu mauve alors que ses feuilles livrent du jaune. En outre, il faut savoir que les couleurs ne sont pas toujours stables et qu’elles peuvent varier en fonction des saisons, du sol et du climat. Elles foncent ou s’éclaircissent aussi en fonction des recettes et techniques de macération et de l’ajout de certains produits comme l’ammoniaque, le vinaigre, le citron, le sang de bœuf ou l’urine. Certaines teintures à base de garance, de gaude ou de pastel notamment résistent bien à la lumière et au lavage. Elles sont dites « grand teint ».
Carthame
Consoude officinale charme

Pour extraire le colorant de la plante, il est utile de broyer ou hacher les plantes fraîches, de piler les plantes séchées et de réduire l’écorce en fins copeaux. Voilà pourquoi Valentine se balade avec un marteau en caoutchouc. Et pour assurer une certaine pérennité de la couleur, il est important de préparer les fibres textiles animales – la laine – et végétale – le coton – dans des bains tièdes ou bouillants. Certaines colorations doivent être fixées à l’aide de mordants comme l’alun, le vinaigre, le sulfate de fer et de cuivre. C’est ce que l’on appelle la technique du mordançage.
Au jardin conservatoire, on distingue le club des 5 couleurs. Il y a le clan des jaunes avec des végétaux comme la gaude, le genêt et la camomille des teinturiers, celui des rouges avec la garance, la carthame des teinturiers et la rhubarbe. Celui des bleus contenant l’indigo met le pastel, l’indigotier et la renouée des teinturiers à l’honneur alors que le clan des violets apparait avec les baies de myrtille et les pétales de rose trémière et de coquelicot. Enfin, la famille des bruns, gris et noirs renfermant des tanins compte dans ses rangs le châtaignier, le chêne pédonculé et l’alchémille.

Histoire de plante
Le pastel, Isatis tinctoria, est à l’origine du bleu avec l’indigotier et la renouée des teinturiers. En Europe, le vrai bleu pastel. Le procédé d’extraction du pigment est magique. Ressemblant au colza, sa fleur jaune est assez insignifiante. Aucun soupçon de bleu. En réalité le bleu n’existe pas en tant que tel dans le pastel. Il est le résultat d’un processus. D’abord, il faut récolter les jeunes feuilles, les laver, les sécher au soleil, les broyer et les rouler en boules de pâte. Elles sont appelées « cocagnes » et serviront à la macération. Sachez que lorsqu’un tissu blanc est plongé dans une cuve de fermentation, il en ressort jauni. Ce n’est qu’après quelques secondes, au contact de l’air, que le merveilleux bleu apparait comme par enchantement.

Chaque coin d’Europe a cultivé son bleu. Le bleu de Gênes est à l’origine du mot « blue jean » et le bleu de Nîmes à l’origine de « denim ». L’expression « un pays de cocagne » fait quant à elle référence à l’âge d’or du pastel. Aujourd’hui dans le Gers, les ateliers du village de Lectoure remettent à l’honneur le pastel des teinturiers.
Et dans nos jardins …
Au jardin, beaucoup de plantes servent à la teinture. A partir des prunelles on obtient le rose et avec les baies de la vigne vierge, le violet bleuté. Les pétales des dahlias de n’importe quelle couleur donnent toujours un orange à rouge orangé alors que ceux de la rose trémière pourpre foncé le violet et ceux du millepertuis des nuances allant du jaune au vert vif.
Au potager, les racines et les feuilles de la rhubarbe tiennent un grand rôle dans les teintes jaune orangé plus ou moins foncées, alors que de la carotte – jaune au départ et devenue orange par sélection horticole – on extrait un colorant jaune. Sans oublier l’oignon ou plus exactement ses peaux qui, bouillies pendant 4 à 5 heures, offrent un jaune tirant vers le brun.
Quelques plantes indigènes complètent la liste. L’herbe-à-Robert pour le jaune vif, le gaillet gratteron pour le rouge corail, la knautie des champs pour le vert bleuté et le coquelicot pour le rouge. Il y a l’embarras du choix.
Quelques feuillages prennent de belles couleurs d’automne. En réalité des colorants cachés derrière la couleur verte de la chlorophylle. Comme l’activité de cette dernière se détériore en automne lorsqu’il y a moins de lumière, les colorants jaunes et rouges apparaissent.
LES PLUS
FLAVONOÏDES : Les flavonoïdes sont des substances naturellement présentes dans les végétaux, plantes, fruits et légumes, aux propriétés anti oxydantes et aux pigments jaunes.
ANTHOCYANES : Les anthocyanes sont des pigments naturels qui colorent feuilles, pétales et fruits en bleu, rouge, mauve, rose ou orange.
TANINS: Les tanins végétaux sont utilisés pour tanner la peau et pour teindre dans les tons beige à brun. On extrait des tanins dans l’écorce et les glands du chêne et dans les pépins de raisin.
MORDANÇAGE : Mordancer un tissu, c’est l’imprégner d’un mordant avant, pendant ou après le bain de teinture pour fixer la coloration et la rendre indélébile. L’alun de potassium fabriqué à partir de roches contenant de l’aluminium est un des principaux mordants.
DES TEINTURIERS : Plusieurs plantes se revendiquent des teinturiers. Notamment, la renouée, la camomille, la garance, le genêt, le grémil et la sarrette appelée également serratule.
Collection des plantes tinctoriales : www.nature-namur.be
Valentine Donck : www.valentinedonck.com