
En breton, La Roche-Jagu veut dire le rocher qui pleure. Pas n’importe quel rocher. Très abrupt, il surplombe l’estuaire du fleuve Trieux à Ploëzal et offre un point de vue exceptionnel sur la vallée et ses alentours. Au XIe siècle, perchée sur cet impressionnant promontoire, une forteresse appartenant à une chaîne de fortifications entre Bréhat et Pontrieux y est édifiée en vue de surveiller le secteur. Reconstruite au XVe, elle maintient son rôle d’ouvrage défensif et devient également une résidence. Puis, au fil du temps, une garnison et une ferme. Dès 1930, le château est classé au titre de monuments historiques et en 1958, l’ensemble est légué au Conseil Départemental des Côtes d’Armor et restauré. Les jardins ne sont pas en reste. Ils ont obtenu le fameux label de « Jardin Remarquable » en 2005 et celui d’ « EcoJardin » en 2017.

Inspiration médiévale
Démodés les jardins monastiques ou de curé ? Absolument pas. Ceux de la Roche-Jagu en sont la preuve. Un véritable modèle vivant revisité. Autour des vestiges médiévaux, les 60 ha de parc ont été refaçonnés sous la houlette de l’architecte paysagiste Bertrand Paulet aidé de manière involontaire par les terribles tempêtes de 1987 qui ont dévasté les bois et mis à terre certains arbres séculaires.


Différents espaces bien délimités par des fascines et des clôtures en bois ont été créés en pente douce vers le fleuve. Une allée des camélias spécialement à l’honneur en Bretagne, avec une collection de 350 variétés et un jardin de plantes médicinales comme au XIIème siècle, à l’époque d’Hildegarde de Bingen, cette abbesse bénédictine originaire de la vallée du Rhin, canonisée en 2012, auteure d’un ouvrage de médecine populaire décrivant les plantes à but thérapeutique et les remèdes. Un potager, un jardin bouquetier, une zone forestière, une chênaie, une roseraie, des pergolas de chèvrefeuille complètent l’ensemble, ainsi qu’un chemin de l’Orient planté d’une palmeraie et aménagé dans une ancienne carrière protégée des vents.
L’eau est omniprésente. Source, bassin aux chevaux et anciens bassins de rouissage du lin ainsi que 4 mares creusées récemment en pleine terre pour créer un milieu favorable à la faune.

Jardin clos
Aujourd’hui, beaucoup de jardiniers rendent hommage à l’hortus conclusus ou jardin clos typique du moyen âge où l’on aimait joindre l’utile à la méditation. Le potager pour faire bouillir la marmite, l’herbularius avec les herbes médicinales pour composer la pharmacie et le jardin bouquetier pour décorer l’église et les lieux de contemplation. Rien de tel qu’un jardin de paradis, nourricier pour le corps et pour l’âme. Soit des reconstitutions à l’identique sur base de manuscrits anciens ou de fouilles archéologiques, soit des restaurations, soit des évocations pures et simples sorties tout droit de l’imagination. Les plus connues sont les jardins du Prieuré Notre-Dame d’Orsan dans le Berry, une création menée par Sonia Lesot, Patrice Taravella et Gilles Guillot. Un lieu à l’atmosphère magique où l’art du tressage du bois et du palissage des plantes ne laisse personne indifférent. Ceux qui le connaissent retrouveront ici les mêmes pratiques. Des haies ou clôtures, des gloriettes, tonnelles, parterres surélevés ou banquettes de verdure et des plessis ou fascines, – ces assemblages de branches de saule ou noisetier entrelacées -, véritables signatures de ce type de jardins.

EcoJardin
Pour les responsables de La Roche-Jagu, – 7ha de parc, 14ha de prairies, landes et marais et 42ha de bois -, recevoir ce label, – à ce jour octroyé à 577 sites, parcs, jardins, cimetières, espaces naturels -, était véritablement la consécration de leur gestion écologique faite dans le plus grand respect de la biodiversité. Un exemple à suivre. Les pentes sont travaillées en terrasses ou recouvertes de bois et de landes afin d’éviter l’effondrement des terres ; la terre plantée de couvre-sol ou couverte de paillis ; les parkings aménagés sur gravier stabilisé ou enherbés ; les cheminements entretenus par désherbage thermique ou manuel. La végétation spontanée a le droit de recouvrir les murs de soutènement, les plantes indigènes surtout les mellifères sont encouragées. Des bandes d’engrais vert fauchées tardivement enrichissent le sol et fournissent nourriture et refuge à la faune. Des amas de bois et de pierres sont également mis en place alors que les arbres morts sur pied sont conservés pour diversifier le milieu…Les déchets verts sont recyclés par compostage ou broyage ou distribués aux agriculteurs sous forme de foin. Depuis fin 2009, les traitements chimiques sont abandonnés et depuis 2011, un éco-pâturage est même organisé dans les landes.
Un inventaire de la flore et de la faune, des animations pédagogiques de sensibilisation à l’écologie, des ateliers autour de la nature, des expositions et spectacles animent régulièrement ce lieu historique devenu touristique.
Un plessis chez soi
A la portée de tous, il est idéal pour border le petit potager en carrés. Taillez des brins de saule, noisetier, châtaignier ou cornouiller qui formeront la base du plessis. Commencez la structure avec la mise en place des piquets sur lesquels on peut démarrer le plessis. L’idée est de glisser les brins d’un côté du piquet puis de l’autre et de monter jusqu’à la hauteur désirée. Avec le sécateur, peaufinez et éliminez tous les petits bouts qui dépassent. Et voilà le travail ! Le seul hic est que cette fascine n’est pas très durable. Après 4 ou 5 ans, il sera utile de la refaire. Pour plus de longévité, les astucieux installeront le plessis comme décor à l’extérieur d’une bordure de métal ou de béton nécessaire au maintien des terres.

A découvrir
Château de La Roche-Jagu
22740 Ploëzal France
Accès aux jardins libre et gratuit toute l’année