Grasse, la fine fleur des parfums

Les plantes, ces précieuses matières premières, lui donnent ses lettres de noblesse
Cueillette des roses de mai © Alain Issok

Photos Musées de Grasse

Depuis 5 ans, la qualité des végétaux et le savoir-faire lié au parfum qui fait l’excellence de Grasse sont reconnus à l’échelle mondiale et inscrits au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité auprès de l’Unesco. Non loin du Musée International de la Parfumerie, MIP, créé en 1989, le jardin situé en contrebas, à Mouans-Sartoux, contribue à la conservation de la diversité des espèces traditionnelles cultivées pour le parfum. Ouvert au public en 2007, ce conservatoire botanique à ciel ouvert de près de 3ha a reçu l’an dernier, le label tant convoité de « Jardin Remarquable » décerné par le Ministère de la Culture français.

Le jardin conservatoire est séparé en 2 parties par un canal ; la première est vouée au paysage local et aux cultures en plein champ d’espèces traditionnelles utilisées dans la parfumerie. Avec ses champs d’iris en fleurs en avril, de roses en mai, de jasmins en août et de tubéreuses en septembre, cette partie rehaussée de lignes de lavandin, menthe et romarin s’intègre particulièrement dans l’environnement planté de cyprès, oliviers, roses et jasmins typiques des collines de Grasse. La deuxième partie est consacrée à diverses collections de plantes odorantes et aromatiques.

Aujourd’hui, il n’y a plus dans la région, que 40 ha de plantes à parfum encore cultivés, essentiellement des roses, jasmins, tubéreuses, violettes et mimosas alors qu’au début du siècle passé, on en comptait quelques 5000 ha. Les années 70 ont sonné leur déclin avec l’apparition sur le marché, de produits ou molécules de synthèse augmentant sensiblement la productivité et la variété des senteurs tout en diminuant le coût de fabrication. Les cultures se déplacèrent alors en Afrique du Nord et en Asie.

Le tout en bio

Le jardin méditerranéen est cultivé sur sol calcaire avec poches d’argile ; il joue un rôle essentiel pour la préservation de la biodiversité locale. La gestion y est différenciée, d’une zone soignée, on passe vers une zone naturelle peu arrosée avec prairie spontanée, partie humide, haies sauvages. Avec le paillage par les tontes, feuilles mortes, broyats et compost pour limiter les apports d’engrais, avec la cueillette à la main, il s’inscrit résolument dans une direction d’écoresponsabilité.

Les reines de Grasse

Ici, 3 fleurs sont particulièrement à l’honneur : la rose, le jasmin et la tubéreuseRosa x centifolia ou rose de mai est une hybride de différents rosiers botaniques rustiques et parfumés en commençant par la musquée ou la gallique, tout en passant par celle de Damas ou par l’églantine, la Rosa canina. Cultivée à Grasse depuis le XVIIIème siècle, elle fleurit et est récoltée en mai. 30 à 40 tonnes de fleurs dont on extrait l’absolue, la plus forte concentration de fragrance issue uniquement d’une matière végétale. A la fin de la chaîne, les prestigieux Air du temps de Nina Ricci ou Trésor de Lancôme. De juillet à octobre, vient le temps du jasmin, Jasminum grandiflorum, greffé sur J.officinalis et couvert d’un manteau de terre en hiver pour mieux résister au climat, soit 6 millions de fleurs pour obtenir 600 kg de jasmin et 1kg d’absolue et en fin de compte … le N°5 de Chanel. Quant à la tubéreuse, Polianthes tuberosa, récoltée à la fin de l’été, de la famille des Agavacées, originaire d’Inde et du Mexique, elle est importée au XVIIème siècle dans le pays grassois. Capricieuse, avant d’embaumer les soirées de son parfum capiteux, comme chez Poison de Dior ou Chloé de Lagerfeld, elle exige une terre riche, pas trop sèche et demande d’être déterrée avant l’hiver pour être mise à l’abri puis divisée au printemps avant d’être replantée.

Les notes parfumées

Dans les collections, les plantes sont classées par notes olfactives : florales, fruitées, boisées, épicées, végétales accompagnées de baumes, vanilles ou d’herbacées. Les florales sont soit anisées comme le mimosa, soit épicées, à fleurs jaunes comme celles de l’Osmanthus ou l’iris ou blanches comme celles des jasmins, tubéreuses, narcisses et fleurs d’oranger.  L’Osmanthus fragrans, le laurier odorant, figure parmi les 10 fleurs traditionnelles en Chine. Il sert à parfumer le thé ou à créer une absolue que l’on repère dans Jungle de Kenzo ou 1000 de Patou. Les mimosas, A. dealbata et A. farnesiana, fleurissent l’hiver entre janvier et avril. Les fleurs et les branches fleuries sont magnifiées dans Champs-Elysées de Guerlain ou Amarige de Givenchy.

Parmi les fruitées, deux familles : les fruits rouges comme le cassis et les Citrus et Cie aux notes fraiches comptant les orange, citron, bergamote, cédrat, pamplemousse, mandarine ou lime. Chez le cassis à la feuille aussi odorante que le fruit, le bourgeon récolté en début d’année offre l’absolue reconnue dans Dune de Dior ou Amazone d’Hermès.

Des notes boisées, on tire une essence en distillant à la vapeur d’eau les copeaux de bois du cèdre de l’Atlas à l’odeur douce et camphrée à humer par exemple dans Féminité du bois de Shisheido.  Le vétiver, Chrysopogon zizanioides, une graminée poussant dans les zones tropicales donne ce même type de note lorsque ses racines séchées sont distillées pour obtenir l’huile essentielle, comme chez Vetiver de Guerlain.

Avec les épicées, on effleure les cannelle, girofle, noix de muscade, poivre, cardamone, gingembre ou coriandre. Schinus molle, appelé aussi faux poivrier, est un arbre aux baies roses intéressantes pour les cuisiniers et les parfumeurs qui en extraient l’huile essentielle tel le Miracle de Lancôme. Quant aux végétales, elles évoquent curieusement le ciste qui fait tourner la tête dans Opium pour homme d’Yves Saint-Laurent ou Allure pour homme de Chanel. Accompagnant ces plantes aux notes olfactives précises, des parcelles d’herbacées parfumées, de lavande, thym, sauge, violette, tagète, persil, livèche, basilic ou menthe embaument le lieu. La menthe poivrée, Mentha piperita, la plus appréciée des parfumeurs pour son essence obtenue en distillant fleurs et feuilles à la vapeur d’eau, est le secret de Polo sport de Ralph Lauren.

En pratique

Jardins du Musée international de la Parfumerie MIP,

979, chemin des Gourettes, 06370 Mouans-Sartoux

www.museesdegrasse.com

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