Le grand chambardement d’Uckange

En Moselle, autour d’une vieille usine toute rouillée, la nature anéantie par l’industrialisation lourde a repris ses droits

Entre Thionville et Metz, dans la vallée de la Fensch, le long de l’autoroute vers l’est, vous aurez peut-être déjà remarqué la silhouette sévère et vétuste d’un monstre de fer. Un des rares témoignages de la sidérurgie du XXème siècle. Fatigué et usé. U 4 est son nom. Un des témoins du formidable essor économique de la Lorraine et le dernier des six hauts-fourneaux de l’usine d’Uckange voué à la production de la fonte. Mis en route dès 1890, il entre en pleine heure de gloire dans les années 1960-1980, avant de s’éteindre à petit feu après un siècle d’activité. En 1991, son avenir est point d’interrogation jusqu’à 4 ans plus tard, lorsqu’il est sauvé par une inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques de France. Après des travaux de mise en sécurité et de désamiantage, il ouvre ses portes au public en octobre 2007. Une belle victoire dédiée à la mémoire ouvrière, à l’héritage technique, culturel et humain des ouvriers sidérurgistes.

Un jardin sans limite

Ce n’est pas tout. Une nouvelle idée s’impose. Transformer l’ancien site industriel en un parc jardiné où il ferait bon de se balader parmi les fleurs et les oiseaux. Un véritable challenge dans une région qui n’évoque pas vraiment l’art des jardins. Pourtant curieusement, le site se laisse vite envahir par la contagion jardinière et l’énergie verte du département à l’origine du concept « jardins sans limites ». En effet, par-delà les 3 frontières, allemandes, françaises et luxembourgeoises, une vingtaine de jardins à l’esprit résolument contemporain allient aujourd’hui intérêt botanique et paysager. Uckange fait désormais partie de ceux-ci.

Jardin des Traces

En 2009, au pied du haut fourneau, 4 ha de friches industrielles inhospitalières sont donc transformés en parc paysager. Le Jardin des Traces est né. Sur les traces du passé. Un lieu étonnant. Clément Willemin est le premier paysagiste à intervenir. L’essentiel de son travail consiste au nettoyage du sol contenant des déchets, scories, laitiers, sables, briques et ciment de l’ancienne fonderie. Puis au défrichage, à l’apport de terres saines, l’aménagement d’un gazon et la plantation des grands arbres tels acacias, bouleaux et aulnes.

Le paysagiste urbaniste Pascal Riff spécialisé dans les domaines du paysage et du développement durable intervient ensuite pour créer un jardin d’atmosphère, d’ambiance. Un espace ou le végétal se marie au minéral. Un paysage inventé. En d’autres mots, un relooking de classe ! Il divise le parc en 3 espaces consacrés chacun à un thème : le jardin de l’Alchimie, celui des Sidérurgistes et celui des Énergies. Un spectaculaire chemin de béton futuriste fait office d’axe central menant vers un espace animé de fontaines et jeux d’eau. On dirait une sorte de coulée minérale. En son centre, s’échappent des fleurs débordantes de vitalité et des graminées légères symbolisant les gaz chauds des hauts fourneaux. Tout est nuances, senteurs, mouvements, bruissements et silence. Chacun est stupéfait par la végétalisation de ce lieu autrefois triste et désenchanté. Chacun est touché par la beauté, par le respect de l’histoire et des hommes.

Jardin de l’Alchimie

Un parcours didactique à travers ce jardin évoque la fabrication de la fonte. La terre, le feu, l’eau et l’air sont quatre éléments indissociables de la vie du lieu. La terre dont on extrait le minerai de fer, le feu pour la fusion, l’eau comme élément refroidissant, l’air permettant la fusion et la combustion. 4 immenses cylindres leur sont dédiés. Reliés entre eux par une certaine alchimie, ils symbolisent la vie. A l’intérieur, à l’abri des regards, le plaisir de la découverte.

Un premier espace est consacré à la terre. Celle qui nourrit les hommes et le cœur des hauts fourneaux. Un jardin d’abondance où mur végétal et potager se côtoient à l’abri d’une paroi de béton évoquant le sous-sol. Le chêne est l’élément végétal représentatif du lieu. Des plantes médicinales, aromatiques, comestibles et textiles le complètent.

Le deuxième est marqué par le feu. Les plaques d’acier Corten découpées en flammes sont particulièrement suggestives. La palette des végétaux y est flamboyante : feuilles et fleurs dans des tonalités de rouge, orange et jaune. Place au hêtre pourpre fastigié et aux plantes de terre de bruyère, de terre acide comme l’Acer palmatum, le Pieris, les rhododendrons ou les Erica carnea.

Puis vient le cylindre de l’eau tout de blanc et de bleu vêtu, l’élément de refroidissement des parois du haut-fourneau. Les 3 états de l’eau y sont représentés. Le bassin, l’état liquide, les parois d’un blanc translucide renvoient aux glaciers, donc au solide et le jeu de bulles au gazeux. Le saule pleureur et le coudrier, baguette du sourcier se partagent l’espace avec les Iris, géraniums, Geum, Phlox, Descampsia, Hakonechloa, Euphorbe, Nepeta…

Le cycle se termine par l’air. Le règne de la légèreté et de la volupté. Bambous et graminées ondulent avec le vent alors que des boules d’osier évoquent le mouvement et attirent le regard vers le ciel. Tout est calme et reposant. Le bouleau est ici chez lui, accompagné d’une collection de Delphinium aux couleurs bleu intense, bleu clair, bleue et blanche rappelant les différents états du ciel.

Jardin des Sidérurgistes

Il est temps de rendre hommage aux travailleurs. Notamment ceux issus de l’immigration qui sont venus de loin pour travailler ici. 5 bacs géants remplis de terre forment des minis paysages évoquant les terroirs italien, espagnol, portugais, polonais et maghrébin.

Jardin des Énergies

La sidérurgie est très gourmande d’énergies. Dans cet espace, elles sont désormais solaires, éoliennes et hydrauliques, résolument tournées vers l’avenir. Un « acier vert » tendant à l’équilibre fragile entre industrie et environnement. Quelques « parterres de l’altruisme » le complètent. Ils invitent à s’interroger sur les vraies valeurs humaines. Le partage, le respect des autres, de la nature.

Sculptures

Un chemin de sculptures emmène le visiteur… ailleurs.  Créées spécialement pour le site, des œuvres de Pierre LUU, artiste plasticien et ingénieur en mécanique des fluides, illustrent les 4 éléments de l’alchimie. L’air fait tourner les girouettes et éoliennes, l’eau circule dans une colonne aux allures de haut-fourneau, le feu est matérialisé  par deux flammes géantes pointées vers le ciel. Enfin, différentes couches de terre et de minerai sont assemblées dans une colonne où l’eau joue avec le bois.

De ci, de là, des vestiges de l’usine, – des anciennes vannes -, prennent place  parmi les fleurs. Un petit clin d’œil au temps passé.

Pour s’y rendre

Jardin des Traces, 1 rue du jardin des Traces à 57270 Uckange              www.jardinsdestraces.fr

Merci !

Nous aimerions remercier l’agence Moselle Tourisme pour leur gentillesse, leur enthousiasme et leur efficacité.

www.moselle-tourisme.com

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