Sylvie et Patrick Quibel, pépiniéristes et paysagistes, sont les artisans de ce lieu différent, reconnu comme « jardin remarquable » en plein cœur du bocage normand. Une œuvre majeure dans l’histoire de l’art des jardins français. Ils ont créé un ensemble de tableaux mouvants où règne un juste équilibre entre la rigueur et le naturel. Influencés par les précurseurs des jardins naturalistes tels les hollandais Piet Oudolf, Ton ter Linden ou Henk Gerritsen, ils installent une des plus grandes collections de graminées du pays, qu’ils mélangent à des plantes vivaces d’aspect sauvage.



L’aventure commence en 1996 lorsqu’ils achètent à Auzouville-sur-Ry, à une vingtaine de km de Rouen, une ferme entourée de prairies. Le sol est riche, frais, bien drainé et la parcelle est orientée plein sud. Que rêver de mieux. Pour eux, un endroit parfait pour d’une part vivre en famille et d’autre part, travailler dans un espace pépinière attenant. Dès le début, ils dessinent la structure de l’ensemble qui doit être belle 12 mois sur 12. Soit un tracé rigoureux et traditionnel avec des haies de charme, hêtre et buis. Les végétaux y sont habilement installés en fonction de leur époque de floraison et de l’orientation des différentes parcelles. Le couple Quibel est connaisseur ; pour eux, il est primordial de marier les plantes selon leurs formes, leurs couleurs et leurs exigences écologiques, d’où l’intérêt de créer la pépinière en même temps que le jardin. Aujourd’hui, la superficie de l’ensemble s’étend à 2,8 ha.




La prairie
La prairie- verger dans l’axe de la maison est le centre névralgique du jardin. Elle sert de lien avec le paysage environnant et de perspective vers l’horizon sans arrêter le regard. Pour eux, elle est réellement la respiration du jardin. Quadrillée par quelques lignes géométriques, – des chemins bien tondus -, et par différents carrés d’herbe spontanée, elle est ponctuée de vivaces hautes et solides et de quelques pommiers à cidre qui viennent la rythmer jusqu’à fin septembre au moment de la fauche. Un carré d’eau a les mêmes dimensions que les carrés d’herbe. A fleur de prairie, peu profond, libre de toute végétation, magique, ce bassin, tel un miroir, reflète le ciel.



Les jardins des saisons
Au bord de la maison, précédant le verger, un jardin structuré est divisé en 12 petites chambres bordées de haies de buis. En hiver, depuis l’intérieur de la maison, elles sont bien visibles alors qu’en été, elles disparaissent sous l’exubérance de fleurs aux couleurs chaudes, telles des hémérocalles, euphorbes, Kniphofia, dahlias, crocosmias et hélénies conjuguant le jaune au rouge et à l’orangé.
Le rendez-vous d’automne est quant à lui au soleil couchant à l’ouest de la maison. Autour d’un vieux puits, dans un grand carré fermé par des haies de hêtre et de charme, des plantes vivaces et graminées graphiques, immenses, envahissent l’espace. Dans une gamme allant du jaune au bronze en passant par les rouilles, les asters rebaptisés aujourd’hui par les botanistes Symphyotrichum, Cimicifuga, Polygonum orientale, Salvia uliginosa tiennent compagnie aux Miscanthus, molinies et autres panicums. Le chemin étroit oblige le visiteur à se faufiler secrètement dans une sorte de jungle enchantée.
En revanche, le jardin du printemps au nord- est, est plus classique. Planté d’hellébores, pulmonaires, ancolies, Thalictrum et astrances, il est rehaussé de quelques sentinelles, des Calamagrostis ‘Karl Foester’, au port impeccable, ne versant jamais à la première pluie.
Jardin d’été consacré aux couleurs chaudes
Jardin d’automne voué aux graminées
Le jardin des plumes
Il a donné en fait le nom à tout le jardin. Au bord de la grange, derrière des haies d’ifs taillées en vagues impressionnantes, il est toujours en mouvement. Pour les époux Quibel, le principal y est d’assortir les formes et les textures sans véritable recherche sur les couleurs. Le résultat ? De la légèreté, de la finesse, une impression de flou qui suscite l’apaisement grâce notamment à la famille des Thalictrum, Veronicastrum, molinies, stipas, sanguisorbes. Toutes, des plantes vivaces qui forment de belles touffes en moins de 3 ans, changent de teinte au fil du temps et restent présentes en hiver quand le jardin s’endort. Sans entretien, à part les divisions, elles ne sont pas tuteurées, mais pincées mi-juin, – c-à-d, coupées tout simplement entre le pouce et l’index -, pour les empêcher de verser et les obliger à se ramifier. La réussite de la composition tient aux répétitions de plantes qui viennent à former des masses, des rythmes, des vagues.

Sanguisorba
Le cloître de Miscanthus
Il se cache au bout de la promenade et entoure un autre bassin. On ne l’aperçoit qu’au dernier moment. Conçu uniquement avec ces graminées graphiques que sont les Miscanthus, sans fleurs, c’est l’endroit zen en contraste total avec le jardin potager qui précède, dissimulé derrière des palissades de bois. A l’origine voué aux légumes, il est consacré aujourd’hui aux fleurs et aux couleurs.


Infos pratiques
Jardin Plume, 790 rue de la Plaine, 76116 Auzouville-sur-Ry, France
Jardin ouvert de mai à octobre et pépinière ouverte d’avril à octobre : voir le site www.lejardinplume.com
La pépinière