Célébrissime, la villa d’Este

Archétype des jardins à l’italienne, célébrée unanimement depuis 1550 par ses contemporains, inscrite à juste titre au patrimoine mondial, ses jeux d’eau à nul autre pareil, nous font toujours rêver

A une vingtaine de km de Rome, sur la petite place de Tivoli, lieu de villégiature très prisé depuis l’Antiquité, se cache un jardin des merveilles à l’abri d’un palais imposant. Dédié à la gloire du cardinal Hippolyte d’Este, son propriétaire et concepteur, lui-même fils de Lucrèce Borgia et Alphonse d’Este. Descendant d’une des plus illustres dynasties italiennes et comptant parmi les hommes d’église les plus riches et les plus érudits de son temps, il est destiné à devenir souverain pontife. Malheureusement, n’étant pas élu, il décide à titre de revanche et … pour se consoler…, de bâtir une villa somptueuse. En 1550, il fait raser une partie de la ville, redessine la vallée, construit un aqueduc et des conduites souterraines pour aménager, à flanc d’une colline abrupte, des jardins en terrasses dignes de son rang. Des jardins imaginés pour magnifier l’eau. Après 30 années de travaux, le résultat dépasse ses espérances.  L’eau constamment en mouvement triomphe de toutes parts et apparait de-ci, de- là, dans les fontaines, les bassins et les jeux d’eau malicieux, giochi d’acqua, plus grandioses les uns que les autres. Elle actionne les automates, joue de la musique dans l’orgue hydraulique, s’élève sous forme de jet, d’éventail, d’ombrelle, retombe en rideau, glougloute dans l’allée des 100 fontaines, se diffuse en brume, simule la pluie ou mieux les rayons du soleil. Un régal tant visuel qu’acoustique.

Renaissance italienne

Oui, la villa d’Este est incontestablement un exemple éblouissant du raffinement de la Renaissance, époque à laquelle commence véritablement l’art des jardins en Europe. En effet, au XVIème siècle, la conception du jardin change. L’espace médiéval, hortus conclusus, renfermé sur lui-même et essentiellement productif, s’ouvre désormais sur le paysage. Positionné au bord d’une villa en fonction d’un certain genius loci, génie du lieu. Dorénavant, on y cultive aussi bien l’esprit que les légumes ou les fruits. Le jardin en tant que tel devient une œuvre esthétique, un art à part entière. Comme la peinture de Donatello, Michel Ange, Léonard de Vinci, l’architecture de Brunelleschi ou Palladio et la poésie de Pétrarque, Dante ou Boccace. 

A Sienne, Rome, Florence, Ferrare, toutes les grandes familles telles les Borghèse, Colonna, Médicis, Este ou Farnèse comptent des esprits éclairés qui pratiquent aussi avec ferveur l’art du jardin. Le mouvement est général, il est soutenu par les religieux qui figurent parmi les plus grands mécènes. Tout démarre d’ailleurs du Vatican où le pape Jules II, avec l’aide de l’architecte Bramante entreprend en 1503, la création de 3 terrasses dans la cour du Belvédère.                                                     C’est certain, c’est bien en Italie que cela se passe.   

Jardin des délices

Dans ces jardins à l’italienne, qui doivent s’intégrer dans la topographie de lieux très pentus, l’organisation géométrique de l’espace est l’essentiel. Symétrie, lignes horizontales ou verticales, axe central et perspective linéaire sont récurrents. Sans oublier une référence à la grandeur de l’Antiquité, avec sculptures, grottes ou nymphées. De multiples décors baroques, comme des statues, vases ou petits temples sont ajoutés ou terminés au XVIIème siècle, à une époque où les artifices et effets théâtraux viennent accentuer les perspectives, pour les rendre encore plus grandioses, montantes, dramatiques ou vertigineuses. Le spectacle devant être garanti et féérique.

A la villa d’Este, l’axe principal est clair. Il court de la loggia au milieu de la façade du palais, vers la grille du mur d’enceinte de la ville en contrebas en passant par la fontaine des dragons. Il est croisé par une succession d’allées transversales et secondaires ouvrant d’autres perspectives ponctuées à chaque extrémité par des fontaines majeures. La merveilleuse allée ombragée et fraiche des cent fontaines débute par exemple à la fontaine ovale et conduit à celle de la petite Rome en divisant le jardin dans toute sa largeur.

L’eau sous toutes ses formes

On peut recenser une cinquantaine de fontaines et nymphées, près de 400 jets, plus de 300 gerbes d’eau, une soixantaine de cascades, une multitude de bassins, vasques et coupes et des centaines et des centaines de chaînes d’eau et de canaux sans compter un réseau impressionnant de galeries et tuyauteries.

Au XVIème siècle, le rôle des fontainiers est crucial. A Tivoli, ils utilisent une source au-dessus des collines, restaurent un aqueduc romain et installent de grands réservoirs de récupération des eaux de pluie. Grâce à leur génie, l’eau circule de haut en bas, de terrasse en terrasse, par effet de gravité.  Le tout sans intervention humaine. Grâce à la force de l’eau, par des procédés novateurs, ils produisent des sons dans l’orgue hydraulique ou font s’agiter les petits oiseaux de bronze doré ainsi que la chouette de la fontaine du même nom.A couper le souffle. Aucun visiteur ne peut y être indifférent. Franz Liszt, qui y séjourne en 1864, subjugué et inspiré par la magie des lieux, écrit des pièces pour piano qu’il intitule, Les Fontaines de la villa d’Este.

Villa d’Este

Piazza Trento 5 à 00019 Tivoli (Roma)

www.villadestetivoli.info, T. 39 0774 312070- 332920

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