
A Settignano, sur un promontoire à flanc de collines peuplées d’oliviers, se cache la Gamberaia, « gamberi » faisant référence à des viviers d’écrevisses. Ce domaine haut perché est ce qu’on appelle, une villa, dans la plus pure tradition. Elle évoque non seulement la puissance sociale de son propriétaire adepte d’une confortable villégiatura et d’une certaine dolce vita, mais aussi une véritable exploitation rurale avec champs, récoltes et tout ce qui s’ensuit. La demeure patricienne, construite en 1610 dans un style sévère et imposant avec des avancées de toit et des fenêtres en saillie, n’est ni vraiment baroque ni vraiment classique. Elle est tout simplement toscane. Tout autour, pour profiter des différents moments de la journée et des différentes saisons, plusieurs jardins sont regroupés dans un ensemble unique d’une superficie d’1,5ha. Impossible de tout découvrir en un seul coup d’œil : c’est en se promenant de surprise en surprise, qu’on profite d’ambiances particulières ; une astuce habituelle pour rendre la composition encore plus grande.
Parterre

Parler ici d’un jardin historique de la Renaissance italienne n’est pas exact. Quelques éléments datant du XVIIème siècle s’y réfèrent directement mais le clou du spectacle n’est conçu que tardivement, au début du XXe siècle. Créé de 1905 à 1913 par la Princesse roumaine et sculptrice Catherine Ghyka, qui y vit recluse, le jardin principal au sud de la demeure est pour elle une œuvre d’art à part entière. Bien plus qu’un simple remaniement de l’ancien jardin formel. A son arrivée, sur un promontoire naturel, un jardin géométrique en forme de croix, avec un cercle au milieu, était divisé en 4 parties égales séparées par des allées et plates-bandes bordées de buis. Il ressemblait à tout jardin baroque qui se respecte. Classique parmi les grands classiques, depuis la nuit des temps. Pour elle, pas question de le restaurer, elle préfère le magnifier par une version plus contemporaine.



Inspirée sans doute de la célèbre Villa Lante dans le Latium, elle décide de le transformer en miroirs d’eau afin que les nuages et le ciel s’y reflètent. Elle décide d’inverser les volumes et les vides du parterre existant. Elle fait évider les broderies des plates-bandes pour y mettre des bassins, installe une fontaine, sorte de champignon en rocaille et remplace les allées par des petites haies de buis ponctuées de topiaires de Taxus baccata pour les verticales et de Phillyrea latifolia pour les arrondis. Le tout est planté d’aromatiques et de végétaux aux floraisons colorées, ainsi que d’agrumes dans des grands pots de terre cuite. Vu du haut de la loggia, le dessin est harmonieux, les proportions sont parfaitement équilibrées. De ce jardin se dégagent une impression de calme et une certaine intimité.



Exèdre

Au bout du promontoire, un belvédère souligné d’une balustrade, avec vue imprenable sur la campagne ferme la perspective. Une haie de cyprès semi-circulaire, une exèdre végétale monumentale percée de 11 fenêtres ouvertes vers la campagne, le cache. Entourant un dernier bassin, les contrastes entre l’ombre et la lumière y sont saisissants. Jadis, un pont reliait l’exèdre au premier étage de la villa et permettait de se promener à 4m de hauteur pour avoir une belle vue sur l’ensemble.



Prato, nymphée et cabinet de rocailles

Comme dans la plupart des jardins de la Renaissance, 2 axes principaux constituent la colonne vertébrale autour de laquelle tout vient prendre place. Le premier, nord-sud, longe la maison. C’est un grand plat, un couloir engazonné, un prato, sorte de boulodrome, bowling green ou boulingrin, en tous cas, un terrain de jeux large de 10m sur 350m de long. Au bout de ce couloir étroit et au pied d’un bosquet, un nymphée en forme de grotte, typique des jardins de la Renaissance, accueillait un bassin à la gloire des mystères de l’Antiquité. Neptune, dieu des eaux vives et des sources y règne toujours en maître, accompagné d’un lion, symbole de Florence et des Médicis. De l’autre côté, au-delà du jardin, la colline reprend ses droits.



L’autre axe, est-ouest, est plus court. Il part d’un cabinet de rocaille vers une terrasse panoramique. Les ambiances sont totalement différentes. D’une part, un « giardino segreto », composé d’une pièce allongée, à 3 niveaux, pourvue d’escaliers de pierre et décorée de galets et coquillages ainsi que de niches pourvues de vases ou statues en terre cuite. Les azalées et hortensias en pots ainsi que les glycines et rosiers grimpants sont l’élément végétal. En face, une esplanade ouverte et engazonnée est ourlée d’un élégant muret surmonté de vases et de sculptures de chiens de chasse ou de lions. Au-delà, le dôme de Florence et son centre historique … la bella vista, un spectacle époustouflant !








Tout en haut d’un imposant mur de soutènement datant du XVIIème siècle, une grande terrasse est dédiée à la collection d’agrumes en pots. Ceux-ci sont rentrés l’hiver dans une serre froide, l’orangerie appelée en Italie, limonaia. Plus loin, une porte mène vers un petit bosco, un bois de chênes tapissé de cyclamens où il est bon se rafraichir et se protéger des rayons du soleil.




Aujourd’hui, la villa Gamberaia reste un must et une source d’inspiration pour tout amateur de jardin. Les vues et perspectives ont sans doute changé, les végétaux ont pris des proportions spectaculaires, les fleurs, hormis les roses et les hydrangeas, ont malheureusement disparu mais la magie opère toujours.

Infos pratiques
Villa Gamberaia
Via del Rosselino 72 à 50135 Settignano
Possibilité d’y loger dans une chambre d’hôtes ou un appartement.