Le domaine enchanté de Ninfa

Situé non loin de Rome, ce n’est pas un classique des jardins à l’italienne. Naturel et libre, il a retrouvé une nouvelle vie après des siècles d’abandon

En ces temps chamboulés, réglementés par les zones vertes à orange clignotant tout-à-coup au rouge qui jettent à l’eau vos envies et projets, nous vous emmenons rêver dans l’un des jardins figurant d’après le New York Times, parmi les plus beaux et les plus romantiques au monde. Ce lieu ne laisse en effet personne indifférent. Étonnant, il ne ressemble à aucun autre. Dès l’entrée, le visiteur se sent enveloppé par une atmosphère délicieuse. Ne comprenant pas exactement où il va, il se met à chercher une maison, un chemin, un sens à la visite. Une chose est certaine, il ouvre les yeux, baisse le ton, écoute les mouvements de l’eau et se laisse déjà envoûter par la magie de Ninfa. En fin de journée, quand la lumière est moins forte et que les rayons du soleil presque couchant se faufilent parmi les frondaisons, le spectacle est grandiose.

Une histoire séculaire

Si le nom de Ninfa provient sans doute de la rivière qui traverse le domaine, son origine est très ancienne. C’est en réalité, une petite cité fortifiée ayant inspiré Pline l’Ancien, dont l’âge d’or remonte au moyen âge. A cette époque, avec une douzaine de tours, un château, 6 églises et même une cathédrale, elle comptait dans cette région des marais pontins car elle se trouvait sur la route entre Rome et Naples. Pour preuve, le pape Alexandre III y est couronné en 1159. A la fin du XIIIème siècle, le Pape Boniface VIII Caetani achète l’ensemble des 8 ha pour y installer son neveu Pietro. Un siècle plus tard, à la suite nombreux conflits, le village n’est plus qu’une ruine et sombre dans l’oubli.

Une première restauration du château et des jardins est réalisée trois siècles plus tard par Francesco Caetani, un passionné de plantes qui désire y installer une collection de bulbes. En contact avec les jardiniers d’Amsterdam, Constantinople, Bruxelles ou Vienne, il y rassemble tulipes et anémones tout en aménageant des étangs alimentés par des sources et un jardin d’herbes médicinales. Le domaine parait avoir de beaux jours devant lui mais une importante crise économique et sociale doublée du développement de la malaria lui impose un nouvel abandon.

Un coup de jeune

Il faudra attendre le début du XXème siècle pour sa renaissance grâce à trois générations de princes Caetani aidés de leurs mères et épouses anglaises ou américaines. Gelasio Caetani, architecte et écrivain et sa mère anglaise commencent dès 1922 le gros du travail. Débarrasser les ruines des ronces et les consolider, redécouvrir les places, les rues, remonter les murs notamment de la tour médiévale de 32m de haut, dégager les fresques des églises et rétablir les sources et petites rivières. Puis viennent les plantations de cyprès le long des rues ou au bord des places et de quelques arbres de position comme des cèdres du Liban, des noyers d’Amérique ou des Magnolia. Sans oublier des rosiers en profusion, – de préférence britanniques of course -, pour accentuer le côté romantique et informel de l’ensemble. Devenus experts en acclimatation des plantes, ils se prennent au jeu et installent quelques exotiques rares et des bambous géants de 15m de haut, les Phyllostachys mitis.

Après le décès de l’infatigable Gelasio, son frère Roffredo et son épouse américaine continuent l’entreprise de restauration. Ils ajoutent encore des roses mais aussi des orangers, cornouillers ou cerisiers du Japon tout en aménageant de charmantes petites cascades. Le domaine se transforme sous leur houlette en un centre d’inspiration pour poètes, musiciens et artistes. Vient le tour de Lelia, leur fille à s’investir dans le jardin en compagnie de son mari américain. Peintre, elle cherche avant tout l’esthétique et les harmonies de couleurs. A deux, ils plantent un arboretum, installent une grande rocaille avec les débris de pierre et l’habillent d’une multitude de plantes vivaces. En 1977, son décès sans enfants marque la fin d’une période de 600 ans de vie familiale des Caetani à Ninfa mais … pas la fin du jardin. Une Fondation assure aujourd’hui la gestion des biens de la famille.

Plantes exotiques

Grâce à une exposition sud, aux montagnes bloquant les vents du nord et à la présence de l’eau, un microclimat permet l’acclimatation de plantes fragiles. Lilas de Perse, Melia azedarach, Casuarina de Madagascar, Caesalpinia decapetala, une liane aux fleurs jaune pâle originaire d’Inde, un avocatier, des bananiers, les Zantedeschia aethiopica, Gunnera manicata mais aussi une quantité d’érables pour enchanter l’automne, 40 variétés cerisiers du Japon pour magnifier le printemps, divers Cornus et Magnolia … près de 2000 espèces de plantes différentes. Sans oublier 200 variétés de roses introduites essentiellement par la gent féminine. Divers bulbes sont replantés en hommage à Francesco, le premier jardinier de la famille alors que cyclamens, marguerites, mufliers, câpriers ou pissenlits se ressèment à foison pour accentuer le côté naturel.

Aujourd’hui

Aujourd’hui, celui qui a la chance de visiter Ninfa peut agréablement constater que le domaine est bien dans l’air du temps. C’est un jardin éco responsable entretenu dans le plus grand respect de l’environnement, où faune et flore sont préservées avec un minimum d’intervention humaine. Le jardin ni désherbé, ni taillé n’est fauché qu’une à deux fois par an ; les murs sont maintenus et simplement dégagés des plantes envahissantes. Pour conserver ce précieux équilibre, les visites obligatoirement guidées ne sont autorisées que quelques jours par an.

Depuis peu, près d’une vingtaine d’ha aux alentours ont été annexés pour faire de l’ensemble du site une véritable réserve naturelle supervisée et protégée par le World Wide Fund for Nature, WWF.

Ninfa

Jardin de Ninfa, Fondation Caetani                                                                   Doganella di Ninfa, Via Provinciale Ninfina 68                               04012 Cisterna di Latina                                                                                            http://www.fondazionecaetani.org/index.php

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