Stourhead, domaine situé dans le Wiltshire au sud des Cotswolds et au nord du Dorset ne laisse personne indifférent. Depuis 1946, il appartient au National Trust, asbl se chargeant de préserve le patrimoine naturel, culturel et historique du Royaume Uni, en ce compris la nature et les jardins. Sans aucun doute l’organisation non étatique pour la conservation du patrimoine la plus importante en Europe.
Stourhead naît en 1714. Conçu par les Henry Hoare père et fils appartenant à une famille de banquiers et de gentleman gardeners passionnés de jardinage à leurs heures perdues. Le parc est principalement l’œuvre du fils. A une époque où le rapport à la nature change complètement. Plus question de la dominer et de la géométriser comme au siècle passé, règne du jardin formel à la française, de Versailles et de Le Nôtre. Au contraire, cette fois il est temps de rendre hommage à Dame Nature, un jardin à part entière. Adieu les lignes droites, les cordeaux, les règles strictes, l’axe central et les dessins de broderies de buis. Honneur aux lignes sinueuses, souples et irrégulières. Elles accentuent l’impression de naturel. Originaire d’Angleterre, ce jardinage « à l’anglaise » dominera toute l’Europe jusqu’à la fin du XIXe.
Temple de Flore et église de Stourhead
Henry réalise en fait le premier jardin paysager de Grand Bretagne. Imaginez une vallée sans véritable connexion avec la maison, sur les pentes quelques arbres en liberté, au fond la petite rivière Stour et une série d’étangs. Tout cela après des travaux de grande envergure. Henry commence l’aventure en créant le cœur du tableau. Il canalise le cours d’eau et dessine un lac irrégulier d’environ 10ha. Essentiellement pour les jeux de lumière. Sur les talus, il plante des bosquets de hêtres et de conifères qui structurent l’ensemble. Enfin, il trace la promenade, une allée circulaire se rapprochant et s’éloignant du lac, d’où l’on découvre de multiples points de vue.
Influencé par Virgile et par les tableaux à l’atmosphère pastorale de Claude Lorrain, il ne s’arrête pas là. Il décide de parsemer le paysage de temples, de grottes, de ruines et d’un pont. Des décors romantiques pour induire des perspectives. Des scènes bien cadrées, des sensations multiples. En réalité, il nous donne plus à imaginer qu’à voir. Au regard du peintre, il associe la sensibilité du poète. A la Jean-Jacques Rousseau, à la Goethe. Le temple de Flore, celui d’Apollo ou le Panthéon découverts au détour du chemin rappellent ses voyages en Italie et évoquent l’Antiquité.
Temple d’Apollo
Au XXIe siècle, rien n’a changé. A part quelques plantations de rhododendrons aux couleurs un tantinet criardes et quelques hydrangeas qui égaient l’été. L’enchantement reste le même.
Le grand tour
Le panthéon de Stourhead recouvert d’un dôme est la réplique en plus petit de celui de Rome. C’est le bâtiment le plus imposant du domaine. Construit en hommage à la grandeur de la capitale italienne mais aussi en souvenir d’un fils disparu prématurément lors de son « Grand Tour » en Italie à la recherche des tableaux de Claude lorrain. Dès le XVIIe, cette habitude du « Grand Tour », – orthographié de la même manière en anglais -, était une pratique obligatoire pour tous les fils de bonne famille britannique. Il était destiné à la fin de leurs études, à parfaire leur éducation. Accompagné d’un tuteur, ce voyage à travers l’Italie, la Grèce et la France durait presqu’un an. Aujourd’hui on dirait partir en Erasmus. A une nuance près, l’absence de tuteurs…

Astuces
Les amateurs de beaux arbres
ne seront pas déçus à Stourhead. Surtout à l’automne. Les uns, champions d’Angleterre, les autres raretés, spécimens vénérables ou très exotiques. Magnifiquement mis en valeur dans un parc entretenu au bouton, ils égaient chaque saison par leur floraison, feuillage, tronc ou port altier. Une brochure détaillée leur est consacrée.


Outre manche,
les papes du jardin à l’anglaise sont nombreux. Lancelot Brown est un des premiers architectes paysagistes à réaliser ce type de composition. Surnommé le plus grand jardinier du royaume ou encore Capability pour son habitude à trouver les capacités d’un site. Le génie du lieu. William Kent intervient dans un style plus naturaliste et plus tard, Humphrey Repton, réputé pour ses red books. Des aquarelles astucieuses avec rabats mobiles pour comparer avant et après.
Dans le style naturel, la cascade
Fabrique
est le terme générique utilisé dès le XVIIIe pour tous les petites constructions de jardin. Non seulement la fabrique sert de ponctuation à la promenade en ménageant de jolies vues mais en plus permet au promeneur de s’y reposer ou de s’y abriter. Elle emprunte ses décors à l’architecture de différentes époques et parties du monde. Kiosque turc, temple, pavillon, pagode chinoise, tente, grotte, pont japonais…
Obélisque
Le temple d’Apollo
Ferme ornée
Grotte et fausse ruine
Quelques peintres,
maîtres de la peinture de paysage au XVIIe ont largement influencé les concepteurs des jardins à l’anglaise versés dans le style pittoresque. Claude Lorrain mais aussi Nicolas Poussin, Van Ruysdael et Gaspard Dughet. Le paysage sert de cadre à leurs scènes historiques ou mythologiques.
La grotte
Ou la maison des nymphes. Ici une sculpture de nymphe endormie illumine la grotte de sa blancheur. La copie d’une nymphe des jardins du Vatican.


Le tulipier
Au centre du lac, une île et son tulipier, Liriodendron tulipifera attirent les regards.

STOURHEAD
Stourton, Warminster, BA 12 6 QD