Il y a des jardins qu’on ne peut oublier tant ils frisent la perfection. L’Angleterre est un terreau inépuisable. Si généralement les amateurs se ruent dans le Kent, en réalité, chaque comté recèle des perles rares. Lors d’une virée dans le pays de Galles, nous avons fait une parenthèse dans le Shropshire à la découverte de Wollerton Old Hall Garden, un jardin privé de style contemporain avec quelques notes des plus traditionnelles.
Jardin de famille

John et Lesley Jenkins achètent en 1983 un domaine abandonné d’1,6 ha où Lesley avait eu la chance d’habiter lorsqu’elle était enfant. Un lieu où on cultivait des légumes et des fleurs depuis la nuit des temps, tout autour d’une maison du XVIe siècle de style Elisabéthain. A leur arrivée, tout est à réaliser. Sans hésiter, ils se lancent dans l’aventure, John plantant ce que Lesley choisit.





Le design ? C’est pour Lesley. Elle commence par créer des îlots de plantes, tels les fameux island beds de Bressingham garden dans le Norfolk, œuvre du célèbre paysagiste Alan Bloom. Avec leurs formes arrondies et leurs chemins ondulants, Ils sont à la mode mais là, malheureusement, ils ne conviennent ni avec le style de la maison, ni avec le site environnant. Elle décide alors d’opter pour un cadre formel composé de lignes, notamment des murs ou des haies d’ifs, hêtre ou chêne, bien utiles pour se protéger des vents froids. En d’autres mots, des chambres de verdure et des promenades linéaires comme celles de Lawrence Johnston, au fameux Hidcote Manor dans le Gloucerstershire, dont elle s’inspire abondamment. Sans aucun master plan préétabli, les jardins naissent au coup par coup dans l’idée de proposer des atmosphères particulières. Pour tous les détails de pavement, muret et pour les bassins, elle emprunte le style Arts & Crafts traditionnel ; pour le reste, elle ajoute une note résolument moderne avec des plantations en masse, en grands aplats de couleurs ainsi qu’une profusion de graminées. Mais, bon sang anglais ne pouvant mentir, les roses foisonnent de tous côtés.





Aujourd’hui, après environ 30 années d’aménagement, le challenge est l’entretien et le maintien de ce jardin à maturité. Mission parfois plus difficile que d’en créer un nouveau. Les récompenses n’ont cessé d’affluer, notamment la reconnaissance par l’incontournable RHS, Royal Horticultural Society. Dans les années 90, une télévision japonaise est même venue y prendre ses quartiers pendant quelques mois, pour la production d’une série intitulée, « 4 saisons dans un jardin anglais ».
Les couleurs


Pour les époux Jenkins, le travail de la couleur est essentiel. Une seule ou un camaïeu voire une gradation de teintes comme dans le grand border, un des premiers jardins réalisés le long d’un mur, qui, dédié aux plantes vivaces, vire du bleu foncé à l’ouest au jaune pâle à l’est. Hémérocalles, sauges, Delphinium, Phlox s’y partagent la vedette. Ailleurs, un hot garden jette de la poudre aux yeux : le rouge, l’orange et le jaune avec quelques pointes de bleu, se mélangent dans un joyeux mélimélo. Inspiré du fameux parterre de Wendy Perry, magicienne des couleurs à Bosvigo dans les Cornouailles, les hémérocalles, Helenium, Helianthus, achillées et sauges accompagnent les exotiques dahlias, Kniphofia, Canna ou Crocosmia aux couleurs chaudes.




Le jardin des fonds baptismaux a, quant à lui, un petit air de jardin monastique avec sa loggia et son vase en pierre tel un bénitier, trônant au centre d’herbes folles. Le nombre de couleurs y est limité au blanc, légèrement cassé ou non. Un rosier liane ‘Francis E. Lester’, rose pâle, quelques agapanthes immaculées et un néflier aux printanières petites fleurs blanches. Seules, 4 boules de buis semblent être les acteurs de cet enclos paisible où il est bon se reposer ou méditer.

La longue promenade surmontée d’arches métalliques est envahie de clématites. Au nord, le bleu prédomine ; au sud, le ton pêche. Dans le jardin d’eau, rill garden, pièce maîtresse du lieu, la sobriété est de mise : du blanc et du vert animent 2 bassins, une rigole longue et étroite et un jet d’eau. Sans oublier 2 lignes de boules de buis, quelques Hydrangea paniculata ‘Unique’ et quelques charmes fastigiés, Carpinus betulus ‘Frans Fontaine’ pour donner de la hauteur. La magie opère. Pour admirer la mise en scène, pas question de quitter le banc installé en point de mire sous la pergola de bois….








Les justes proportions


Les effets de surprise sont là, les ambiances diffèrent. Un jardin de broderie de buis appelé Tudor knot garden ou jardin de nœuds caractéristique du XVIe siècle, décimé par la maladie, est complètement replanté par des lauriers du Portugal. Au-delà, un long rectangle, l’antichambre, est soulignée de manière répétitive et symétrique par des topiaires d’ifs taillés en pyramide et des graminées persistantes, Miscanthus ‘Morning Light’ au feuillage marginé de blanc. Dans le jardin du cadran solaire, les roses de David Austin dont la Rosa ‘Wollerton Old Hall’ tiennent le premier rôle. A leurs pieds, des vivaces dans les tons pastel comme couvre-sol. A l’ombre, place aux cépées de bouleaux argentés et aux cerisiers d’ornement ainsi qu’aux collections de perce-neige, Trillium, hellébores ou anémones. Puis, un jardin de gravier et un autre de style cottage garden où les fleurs se mêlent harmonieusement aux légumes, notamment une collection d’une centaine de variétés piments et de poivrons.



Pour en savoir plus:
Wollerton, Market Drayton, Shropshire, TF9 3 NA; www.wollertonoldhallgarden.com