Sa majesté le cyprès chauve

Quand on parle de conifère, on pense généralement aux sapins de Noël, aux Ardennes, à un arbre toujours vert, été comme hiver. Le cyprès chauve est une exception qui nous enchante à l’automne

Oui en effet, certains drôles de conifères perdent leurs aiguilles et se dénudent en hiver après avoir revêtu une jolie robe rousse. On les repère dans la nature, les jardins botaniques, les parcs et les grands jardins. Ces jours-ci, le cyprès chauve, Taxodium distichum attire tous les regards. Sans doute, ressemble-t-il au mélèze, Larix decidua, au faux mélèze Pseudolarix amabilis ou encore au Metasequoia glyptostroboides. Comment le reconnaître ?

Chauve le cyprès ?

Il fait partie de la famille très ancienne des Taxodiaceae, une dynastie de géants. Ses cousins se nomment Sequoia sempervirens, Sequoiadendron giganteum, Cryptomeria japonica, le cèdre japonais, Metasequoia glyptostroboides, le métaséquoia de Chine, Cunninghamia lanceolata, le sapin chinois ou Sciadopitys verticillata, le pin parasol du Japon.

Le plus répandu chez nous est le cyprès des marécages ou cyprès de Louisiane, Taxodium distichum. Comme son nom l’indique, il est originaire du sud-est des USA : le long des grands bassins fluviaux en amont de l’embouchure du Mississipi où il atteint une taille incroyable. Ce grand format au port conique pousse rapidement jusqu’à 45m et vit très longtemps malgré les branches cassant facilement. En Angleterre, on compte encore quelques vénérables vieillards du XVIIe. S’il aime avoir les pieds dans l’eau, – il pousse avec bonheur sur les rives marécageuses, le long des lacs et rivières -, il se débrouille à merveille dans des endroits plus secs, dans des sols drainés voire même sableux s’ils ne sont pas trop calcaires. Très rustique, il apprécie les étés chauds. Au printemps, son jeune feuillage ressemblant à une fougère, léger, vert frais, fin et doux au toucher apparait assez tardivement dans la saison. Virant au vert-gris en été, il passe lentement au jaune doré, bronze, roux à l’automne. Un régal pour deux saisons. En hiver, les aiguilles, – moins piquantes que celles du mélèze -, tombent sur le sol et laissent apparaître une silhouette conique particulière et décorative.

Son écorce cannelée, fibreuse, de couleur brun rouge à orange pâle, moins anguleuse que celle des mélèzes, protège un bois de grande qualité un peu oléagineux, semblant presque gras. Du fait de son degré d’humidité élevé, le temps est long pour le sécher mais une fois sec, non résineux et facile à poncer, il est presqu’indéformable d’où son utilisation en Amérique pour les charpentes, planchers ou bateaux. Ses cônes pendants arrondis ont des écailles qui s’écartent à maturité comme chez le cyprès commun.

Un joli cultivar est à épingler : T. d. ‘Pévé Minaret’, une version naine de 3 m de haut environ. Bien adapté à l’eau comme le type, il l’est aussi aux petits jardins et éventuellement à la culture en bac ; il croit lentement et montre une silhouette érigée voire pyramidale. A retenir.

Vous avez dit « pneumatophore » ?

Lorsque le sol est gorgé d’eau, les racines remontent à la verticale vers la surface, chercher l’air qui leur manque. C’est spectaculaire. Ces étranges excroissances ou protubérances émises par les racines ressemblent à des colonies entières de termitières ou de « genoux ». On croirait à une installation digne d’un musée d’art contemporain. En fait, ces racines aérifères ou respiratoires émergent au-dessus de l’eau pour capter l’oxygène et aider l’arbre à respirer lorsque le sol est saturé d’eau stagnante. Dans le jargon scientifique, comme pour le palétuvier, on les appelle les pneumatophores. D’une hauteur de 30 à 50 cm, ils peuvent atteindre 1m de haut, voire même beaucoup plus. Ceci dit, il faut en général que l’arbre ait atteint l’âge de 25 ans pour les voir apparaître.

D’autres espèces

Outre le cyprès chauve de Louisiane, il faut noter le cyprès chauve pyramidal appelé T. ascendens et le cyprès chauve de Chine, Glyptostrobus pensilis, sans oublier T. mucronatum, malheureusement trop fragile pour pousser chez nous en Europe.

Le deuxième, T. ascendens à la silhouette encore plus belle que le premier, n’offre pas des couleurs d’automne aussi éclatantes, – son feuillage devient légèrement brun doré -, et n’émet pas toujours les fameux pneumatophores. On les confond souvent. Un peu moins haut, 20 m généralement, au port dressé, à la couronne étroite, c’est le cultivar T. ascendens ‘Nutans’, –  qui veut dire incliné comme ses rameaux retombants -, qui est le plus souvent planté. Attention, on le trouve aussi sous l’appellation synonyme de Taxodium distichum var. imbricarium ‘Nutans’.

Enfin, Glyptostrobus pensilis, utilisé en Chine pour stabiliser les berges des rivières, a globalement la même allure, même s’il est aussi un peu plus petit. Moins rustique, il est remplacé chez nous par son parent de Louisiane. Toutefois, on en repère quelques-uns dans le sud de l’Angleterre.

A Hoegaarden

Saviez-vous qu’à Hoegaarden, près de Tirlemont, le long de l’autoroute Bruxelles-Liège, pendant les travaux de construction du TGV Bruxelles-Cologne en 2000, des fossiles de Glyptostrobus europaeus, une espèce de conifère disparue, provenant d’une forêt âgée de près de 55 millions d’années ont été découverts ? Plus précisément des centaines de souches et quelques troncs qui aujourd’hui font penser au Metasequoia glyptostroboides. Mais cela est une autre histoire.

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